Tahiti Infos

Cannabis : "Nous sommes tous responsables", selon Jacqueline Lienard


Cannabis : "Nous sommes tous responsables", selon Jacqueline Lienard
Suite à la publication, la semaine dernière, d’un communiqué du Tavini appelant à un débat responsable au sujet du phénomène "cannabis", en Polynésie française, l’association Vivre sans drogue monte au créneau et dénonce une attitude irresponsable de la part des élus face à un fléau qui met en péril la jeunesse polynésienne. Vivre sans drogue estime que 4 jeunes sur 10 sont consommateurs de Paka et que face à un phénomène d’une telle envergure, les pouvoirs publics se rendent responsables de non assistance à personnes en danger.
L’association présidée par Jacqueline Lienard est à l’origine d’une question orale au gouvernement pour l’instauration de tests de dépistage salivaires dans les établissements scolaires afin de déceler au plus tôt les comportements pour y remédier au plus vite. "On ne peut pas parler de légaliser, de dépénaliser ou simplement d’en accepter le commerce, alors qu’on sait très bien qu’il n’y a aucun moyen pour tirer nos jeunes de là, aujourd’hui", accuse la militante anti drogue.

Tahiti infos : Le Tavini souhaite un débat au sujet du phénomène Paka, en Polynésie. Le parti dénonce un climat hypocrite. Ce débat s’impose-t-il selon vous ?

Jacqueline Lienard : Je ne pense pas qu’un tel débat ait une quelconque utilité. Aujourd’hui, rien n’est fait en Polynésie française pour la prise en charge des familles qui subissent ce fléau. Avant de débattre sur une éventuelle légalisation peut-être devrait-on d’abord apporter des solutions en matière de prise en charge.
Nous avons à faire à ce fléau au quotidien depuis 2007. Nous voyons bien les conséquences néfastes de cette consommation de cannabis chez les jeunes. Tout cela est trop important pour que l’on puisse même en discuter : je reçois des appels téléphoniques de parents, depuis hier (dimanche 11 novembre, ndlr). Ils soutiennent l’action de l’association.
On ne peut pas parler de légaliser, de dépénaliser ou simplement d’en accepter le commerce, alors qu’on sait très bien qu’il n’y a aucun moyen pour tirer nos jeunes de là, aujourd’hui.


Tahiti infos : Deux états américains ont décidé dernièrement de légaliser la consommation de cannabis, l’état du Colorado et de Washington. Ne pensez-vous pas que là-bas aussi on s'interroge pour remédier au mieux à ce fléau?

Jacqueline Lienard : Si on souhaite faire comme aux Etats-Unis, il faut légaliser aussi le port d’armes et puis on sera victime de tueries comme là-bas. On sait très bien que quelqu’un qui commence par consommer du Paka, passera à des drogues plus dures, pour obtenir un meilleur effet. A moins de contrôler sa consommation.
L’exemple américain n’est pas bon. Si c’est dans un but électoraliste, je trouve que les politiques devraient faire plus attention, notamment à préserver la santé mentale de leurs électeurs.


Tahiti infos : Dans votre courrier, vous faites état d’un sondage qui a constaté qu’en Polynésie, 4 jeunes sur 10 de 12 à 20 ans, consomment du cannabis. N’est-ce pas le constat d’un échec de la politique répressive ?

Jacqueline Lienard : Ce n’est pas le constat d’un échec de la politique répressive. C’est le constat que les moyens mis en œuvre ne sont pas suffisant pour lutter contre ce fléau. La saisine 59 du CESC, il y a 20 ans, préconisait déjà des moyens pour venir à bout de ce phénomène. Ils n’ont jamais été mis en œuvre. Aujourd’hui, le pays se trouve dans une situation de non assistance à personnes en danger. Il faut arrêter. Nous sommes tous responsables : les parents par méconnaissance du problème ; les politiques par mésestimation du fléau.
Je ne vais pas modérer mes propos. Nous avons déposé une question orale à l’assemblée : l’essentiel pour nous est de sortir du déni. Ce phénomène de consommation de Paka est à l’origine d’absentéisme scolaire, puis d’échec. Les dégâts commencent à se faire voir : il faut que l’on réfléchisse à cela. Le dialogue n’a même pas lieu d’exister, il faut que l’on se mobiliser pour sortir ces jeunes de là.


Tahiti infos : Que préconisez-vous ?

Jacqueline Lienard : Nous mettons en place le projet commun, avec plusieurs associations, d’un éco-village où les jeunes seraient gardés et instruits. Cela permettrait notamment de les sevrer naturellement. Nous sommes opposés au sevrage médicamenteux : sortir d’une drogue pour retomber dans une autre, ça ne mène à rien.
Ces jeunes doivent être isolés, mis à l’écart de leur environnement habituel. Nous devons leur redonner une motivation pour travailler, se reconstruire.
Ce projet sera d’abord à l’adresse de jeunes volontaires. Ceux qui veulent s’en sortir. On sait que le sevrage est difficile. Un centre comme cela pourrait être idéal pour les ramener à la raison, leur permettre de se reconstruire.


Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 12 Novembre 2012 à 14:06 | Lu 2845 fois