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COPF - Statuts non adoptés : Le financement du sport polynésien compromis ?

Les nouveaux statuts du comité olympique de Polynésie française (COPF) n'ont pas pu être adoptés. Une majorité aux deux-tiers était nécessaire, mais l'ancien président du COPF Tauhiti Nena est parvenu à mobiliser 79 voix contre les 127 pour. Si aucune solution n'est trouvée avant le 14 avril, date butoir pour le versement des subventions, les assurances sportives pourraient ne plus être payées. Le président du COPF tente de rétablir la situation.


Le subventionnement du sport polynésien pourrait être remis en cause
Le subventionnement du sport polynésien pourrait être remis en cause
Nous vous en parlions jeudi dernier dans l’article « Les rugbymen tahitiens ont créé leur association » évoquant la perte de repères de certains sportifs : un vote début mars au sein du comité olympique de Polynésie française (COPF) n’a pas permis l’adoption des nouveaux statuts demandée par le Pays. Le président de cette association de rugbymen en métropole avait déclaré « nous, joueurs, sommes perdus face à ces problèmes politiques, nous voulons juste jouer et représenter notre pays. »
 
Outre l’annulation d’une victoire en coupe du monde de rugby, la liste des conséquences liées aux problèmes internes au COPF est longue. Au delà des dégâts en terme d’image à l’étranger pour la Polynésie, que dire de la non-participation de Tahiti aux mini-jeux du Vanuatu ainsi que de la suspension de Tahiti par le Conseil des Jeux du Pacifique.

Quel est le fond du problème ? Selon les instances sportives gouvernementales, le Pays a entrepris depuis quelques années un « dépoussiérage nécessaire du mouvement sportif polynésien, une modernisation du système. » Plusieurs fédérations auraient un mode de gestion opaque et peu respectueux des règles administratives. Or il s’agit d’argent public, le système avait donc l’obligation d’être modernisé sous peine de voir se tarir la source de subventions.

Il a manqué dix voix pour que les nouveaux statuts soient adoptés
Il a manqué dix voix pour que les nouveaux statuts soient adoptés
Moderniser le système de fonctionnement
 
C’est ainsi qu’au moment du renouvellement des délégations de service public, certaines fédérations ont vu leur dossier recalé comme la fédération polynésienne de boxe ou la fédération tahitienne de rugby. Le problème, c’est que le président d’une de ces fédérations recalées n’était autre que le président du comité olympique lui-même, M. Tauhiti Nena, par ailleurs président de son propre parti politique. Une décision de justice l’a ensuite contraint à quitter sa fonction de président du COPF, acquise selon le tribunal de manière irrégulière.
 
Un nouveau président du COPF, Louis Provost, a été élu par intérim par une majorité de présidents de fédération. La suite logique était l’adoption des nouveaux statuts, qui allait aboutir enfin à l’élection du nouveau président du COPF. Une des clauses de ces statuts impose l’adhésion automatique au sein du COPF des fédérations délégataires de service public.
 
La fédération polynésienne de rugby, pourtant délégataire de service public, bien que sur le terrain depuis début 2016, n’est toujours pas affiliée à ce jour au COPF, contrairement à la fédération tahitienne de rugby de Charles Tauziet, celle qui vient d’être épinglée tout dernièrement par la fédération internationale pour des irrégularités dans le mode de sélection de ses joueurs.
 
La fédération polynésienne de rugby attendait donc impatiemment que les nouveaux statuts soient votés sauf que…pour que les nouveaux statuts soient adoptés, la majorité doit être des 2/3. Même s’ils ne représentent qu’un tiers des votants, le nombre des « fidèles de Tauhiti Nena » a été suffisant pour bloquer le processus.
 
Conséquence, les subventions de fonctionnement du COPF (19 millions) seront suspendues à partir du 14 avril, la date butoir. Une autre subvention (23 millions) servant à payer l’assurance mutualisée de l’ensemble du sport Polynésien est également menacée. C’est donc l’ensemble du mouvement sportif qui est concerné par cette situation. SB

Louis Provost, président du COPF par intérim
Louis Provost, président du COPF par intérim
Parole à Louis Provost, président du COPF :
 
Quel est le but de ce tiers de votants ?
 
« Leur but, c’est de soutenir Tauhiti Nena. Quand ces statuts seront adoptés, seulement les fédérations délégataires de service public pourront siéger au COPF et pourront voter pour un nouveau président. La fédération de Nena, qui n’est plus délégataire de service public, sera donc exclue. Il est soutenu contre vents et marées par certains parce qu’il crie au complot politique. Mais le fait que Tauhiti Nena ne soit plus président du COPF, c’est une décision du tribunal, pas une décision politique. Nena a été pris la main dans le pot de confiture, c’est la justice qui a tranché. Malgré cela, ils continuent à le soutenir. »
 
Le sport polynésien pourrait ne plus être financé ?
 
« Tauhiti Nena a déclaré que le COPF était sous pression du gouvernement. Je ne suis sous pression de personne. Tout le monde connaît ma couleur politique et elle n’est pas celle du gouvernement. Il y a eu un arrêté, je le soumets au vote, cela passe ou cela ne passe pas, c’est tout. Je prends acte. Cette mise à jour est conforme à nos statuts de 1999. A un moment donné, il faudra bien qu’on modernise ces statuts qui sont ambigus pour ce qui est de la reconnaissance des fédérations au niveau local et international. Ces statuts en l’état permettent à M. Nena de voir sa fédération reconnue à l’international alors qu’elle n’est pas reconnue par le Pays. Les nouveaux textes sont clairs et éviteront tout malentendu. »
 
Cette modernisation des statuts est nécessaire ?
 
« Une délibération du COPF de 1999 le prévoit. Pour pouvoir bénéficier de moyens humains et financiers, les fédérations doivent avoir la délégation de service public, ce qui leur permet ensuite d’être reconnues à l’international. Ils peuvent donc faire les championnats, les formations etc…C’est logique. Cela n’a pas été fait avant parce que le sport n’était pas dans les priorités. J’espère que cette délibération sera transformée en loi de Pays par le nouveau gouvernement, quel qu’il soit. Le problème de notre système actuel, c’est qu’on peut être ministre des sports, président de fédération, président du COPF…où est la limite à ne pas franchir ? Tauhiti Nena a bénéficié de ce système permettant cette accumulation des fonctions. Ces anciens statuts lui convenaient, comme ça il avait la main sur tout. On est pas à la botte du gouvernement, on est indépendants. Le COPF doit se mettre en régularité avec les statuts qui régissent le sport en Polynésie française, c’est tout. »
 
Et si le Pays, l’Etat, ne financent plus le sport polynésien ?
 
« Je travaille sur plusieurs pistes. Les présidents qui suivent Nena sans chercher à comprendre peuvent revenir sur leur décision. Car sans financement le sport polynésien n’ira pas loin. L’assurance de l’ensemble du sport polynésien est effectivement tributaire de cette subvention du Pays. Le COPF pourrait être attaqué en justice car c’est lui qui a souscrit le contrat d’assurance, c’est ce que j’ai essayé d’expliquer, par l’intermédiaire d’un courrier, à ces présidents de fédération pendant que Tauhiti leur disait « on est en train de vous faire peur, jamais cela n’arrivera… ».
 
« Ils pensent que Tauhiti Nena subit une injustice au niveau politique alors qu’en cumulant les fonctions, il s’est mis lui-même dans cette situation. Il crie au complot politique alors que c’est un certain Reynald Temarii qui vers 2002-2003 l’a mis à la tête de la fédération de boxe. (…) Je continue de travailler. On a quand même les 2/3 des fédérations qui vont dans le même sens. Je pars pour Brisbane le 7 avril pour la question de notre suspension au Conseil des Jeux. Même si on ne peut pas être affilié directement au CIO, je travaille sur une convention de partenariat qui pourrait nous permettre d’avoir des fonds pour aider au développement. » Propos recueillis par SB

Rédigé par SB le Mardi 27 Mars 2018 à 15:27 | Lu 2628 fois