Tahiti Infos

Bolivie: grève générale face à une éventuelle victoire de Morales


La Paz, Bolivie | AFP | mercredi 23/10/2019 - Une grève générale a débuté mercredi en Bolivie, où de nouveaux incidents ont éclaté dans la nuit pour protester contre le dépouillement des élections de dimanche donnant au président sortant, le socialiste Evo Morales, une avance qui pourrait cependant se révéler insuffisante pour lui garantir une victoire dès le premier tour.

M. Morales, qui ne s'est pas exprimé publiquement depuis dimanche soir, devait donner une conférence de presse à 07H00 (11H00 GMT).
Le lent décompte officiel des votes s'est poursuivi dans la nuit de mardi à mercredi. Pour éviter un second tour, le candidat en tête doit obtenir la majorité absolue ou au moins 40% des suffrages et 10 points de pourcentage d'écart sur le deuxième.
Or, selon les derniers résultats officiels du dépouillement avec encore quelque 3% seulement des bulletins restant à décompter, M. Morales obtient 46,4% des voix contre 37,07% à son principal rival, le centriste Carlos Mesa, soit une avance inférieure aux 10% nécessaires.
Après de premiers résultats partiels, dimanche soir, pointant vers un second tour inédit entre MM. Morales et Mesa, de nouveaux résultats diffusés lundi par l'autorité électorale avaient donné quasiment la victoire au chef de l'Etat sortant, suscitant des soupçons de fraude de la part de l'opposition et des observateurs internationaux.
Le coup d'envoi de la grève nationale a été donné mardi soir dans l'est du pays par Luis Fernando Camacho, président de l'influent Comité Pro-Santa Cruz, une organisation de la société civile établie à Santa Cruz, capitale économique du pays et bastion de l'opposition.
Il a donné jusqu'à mercredi midi aux autorités électorales pour confirmer qu'il y aurait un second tour.
En réponse, un groupe de syndicats ouvriers et paysans proches du pouvoir, la Conalcam, a enjoint à ses militants de défendre les résultats officiels et appelé à un rassemblement mercredi à La Paz qui devrait être une démonstration de force en soutien à M. Morales. 
Signe du malaise entourant le dépouillement, le vice-président du Tribunal suprême électoral bolivien (TSE), Antonio Costas, a annoncé mardi sa démission en critiquant le système de décompte.
Mardi soir, de nouveaux incidents ont éclaté à La Paz, où des manifestants ont affronté la police à proximité de l'hôtel où se trouve l'autorité électorale. "Non, non, non, je n'ai pas envie de vivre dans une dictature, comme au Venezuela!", scandaient-ils, dressant des barricades.
Lundi à Sucre (sud-est), la capitale constitutionnelle, et à Potosi (sud-ouest) la foule a mis le feu au tribunal électoral départemental. Dans le même temps, des affrontements avec la police se sont produits à La Paz (ouest) et le local de campagne du parti au pouvoir a été saccagé à Oruro (ouest). Un troisième tribunal électoral a été incendié dans la nuit à Cobija (nord).
 

- "Inquiétude et surprise" - 

 
Dès lundi, les observateurs de l'Organisation des Etats américains (OEA) ont fait part de leur "profonde inquiétude et surprise face au changement radical et difficile à justifier concernant la tendance des résultats préliminaires".
Mardi, tentant de donner de nouveaux gages de transparence, le gouvernement a proposé aux observateurs de l'OEA de mettre en place "au plus vite, une commission pour mener un audit de tout le processus de décompte officiel". Une réunion sur la Bolivie est prévue mercredi à Washington, au siège de l'OEA.
"Nous n'allons pas reconnaître ces résultats qui font partie d'une fraude réalisée de manière honteuse et qui est en train de placer la société bolivienne dans une situation de tension inutile", a dénoncé lundi à Santa Cruz M. Mesa, qui exige un second tour.
Les Etats-Unis ont rejeté "la tentative du tribunal électoral de corrompre la démocratie bolivienne en retardant le dépouillement".
L'Union européenne a fait part mardi de "graves préoccupations" et l'Espagne a appelé à la "transparence" et au "respect des processus".
Pour la première fois, le TSE a pris la parole mardi pour se défendre. "Nous n'avons rien à cacher", a lancé la présidente Maria Eugenia Choque. "Il n'est pas possible de frauder", a ajouté Edgar Gonzales, un des magistrats du TSE, car "la population a accès aux procès-verbaux". 
La décision de M. Morales de briguer un quatrième mandat, alors que les électeurs s'étaient prononcés contre lors d'un référendum en 2016, est très mal vue par une partie des Boliviens et critiquée par l'opposition, qui estime que le régime pourrait tourner à l'autocratie en cas de nouvelle victoire . 

le Mercredi 23 Octobre 2019 à 05:02 | Lu 176 fois