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Avis favorable du Cesec pour le "1% artistique"


Le projet de loi du Pays prévoit par ailleurs la création d'un "conseil des arts et des lettres". Ce conseil sera consulté sur les attributions, suspensions et retraits des cartes d'artiste et sur l'attribution des aides individuelles.
Le projet de loi du Pays prévoit par ailleurs la création d'un "conseil des arts et des lettres". Ce conseil sera consulté sur les attributions, suspensions et retraits des cartes d'artiste et sur l'attribution des aides individuelles.
Tahiti, le 7 décembre 2020 - Saisi en urgence, le Cesec a rendu lundi un avis favorable sur le projet de loi du Pays portant reconnaissance des professions artistiques et des diverses mesures de soutien à ces professions, dont l'instauration du 1% artistique. L'institution recommande néanmoins de poursuivre la démarche visant à consolider le statut d'artiste.

Le Cesec a examiné lundi, en urgence, un projet de loi du Pays portant reconnaissance des professions artistiques de Polynésie française et des diverses mesures de soutien à ces professions. Depuis 2016 ceux qui sont reconnus comme artiste professionnel au fenua bénéficient d'aides publiques, dont notamment l'aide individuelle à la création artistique et littéraire. Le Pays souhaite désormais aller plus loin dans son soutien aux artistes, en instaurant pour 2021 dans le nouveau projet de loi le fameux "1% artistique".  
 
Ce dispositif instaure une obligation pour la puissance publique de consacrer systématiquement une partie des budgets dédiés aux travaux portant sur des bâtiments publics et leurs abords, à des réalisations artistiques ou à l'achat d'œuvres d'arts locales. Pour l'heure, il est proposé dans un premier temps d’en limiter l’application aux seuls travaux de construction et d’extension des bâtiments publics (à l’exclusion donc des rénovations) dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par le Pays. Un projet de loi qui devrait donc profiter aux artistes de street-art et à leur fresque et aux sculpteurs.
 
Le budget à consacrer à ces réalisations est fixé à 1 % du montant prévisionnel hors taxe des travaux, sans toutefois pouvoir excéder dix millions Fcfp. L'instauration du 1% artistique est accompagnée de la création d'un fonds pour la promotion de l’expression artistique. Ainsi, dans le cas où les sommes dédiées au financement de réalisations artistiques n’auront pas été intégralement utilisées pour le financement de réalisations artistiques, le solde sera reversé au fonds pour la promotion de l’expression artistique. De façon concrète le fonds permettra, notamment, de pouvoir faire l’acquisition d’œuvres d’art ou toute autre opération permettant de concourir à la promotion de l’art au fenua.

Consolider le statut de l'artiste

Si le Cesec a rendu un avis favorable au projet de loi du Pays, en soulignant le fait que "la réalité économique des artistes reste très précaire", l'institution préconise néanmoins "de poursuivre la démarche visant à consolider le statut d'artiste." "Qui peut se dire artiste aujourd'hui ? On devient généralement artiste lorsque l'on a la reconnaissance de ses pairs", a insisté Emile Shan Shing Seong, du collège des salariés, lors de l'audience plénière. "Il faut veiller à ne pas créer une élite à qui profiterait toutes les aides et qui laisserait sur le carreau ceux qui ont en le plus besoin", s'est exclamé pour sa part Jean-Pierre Gaudfrin, du collège des entrepreneurs et des travailleurs indépendants.
 
En effet depuis 2016 et la mise en place de la carte d'artiste professionnel, sur les 76 dossiers déposés, 58 ont eu des suites favorables. Pour remédier à cela, le Pays prévoit dans son projet de loi la création d'un "conseil des arts et des lettres". Ce conseil sera consulté sur les attributions, suspensions et retraits des cartes d'artiste et sur l'attribution des aides individuelles. Il sera présidé par le ministre de la Culture et sera notamment composé de "personnalités qualifiées à raison de leurs compétences dans les différentes disciplines artistiques."  
 
Par ailleurs le projet de loi du Pays prévoit la création d'un nouveau statut d'artiste émergent, pour ceux qui ne remplissent pas certains critères, parmi lesquels l’obligation d’exercer en Polynésie française une activité significative dans le domaine artistique depuis au moins trois ans. Mais pour les petits malins qui souhaiteraient profiter et se déclarer artiste émergent, il sera notamment exigé la justification d’un diplôme d’un cursus de fin de cycle du Centre des métiers d’Art ou du Conservatoire artistique de la Polynésie française, ou encore de qualités artistiques avérées par des qualifications, des réalisations ou des références antérieures.

Teva Victor, sculpteur : "Cela permettra à notre art polynésien d'être plus visible"

On imagine que l'instauration prochaine du 1% artistique vous ravit ?
Il est évident que pour toute cette population il était important que le 1% artistique puisse se faire, du moins on l'espère. Mais il faut voir plus loin aussi. Certes, cela va aider les artistes à vivre de leur art, mais ce dispositif va également faire la promotion de nos arts auprès des touristes et de la population locale. Ça peut être une sculpture sur un rond-point, ou une fresque murale. Cela permettra à notre art polynésien d'être plus visible de manière générale.
 
Lors des débats au Cesec, certains membres ont parfois eu du mal à distinguer l'art, de l'artisanat. Il a notamment été question d'artisans marquisiens qui sculptent des tiki et qui se retrouvent exclus de ce dispositif. Où se trouve cette limite entre artisan et artiste ?
C'est en effet une distinction très subtile. Pour autant je dirais que l'artisanat ce sont des éléments qui sont faits en série et qui sont de manière générale utiles à notre quotidien. Un tiki ce n'est pas utile, mais par exemple un bol, un vase en céramique, c'est utile. Dans l'artisanat c'est souvent ce qui est le cas. Une œuvre d'art par contre, elle va provoquer des émotions et amener à une réflexion.
 
D'autres membres du Cesec s'inquiétaient par ailleurs que ce dispositif du 1% artistique ne profite qu'à une élite…
Ils ont posé beaucoup de questions aussi sur le fait de qui décide que telle personne obtienne le statut d'artiste ou non. Et ils se sont posé aussi la question : pourquoi il n'y a pas plus d'artistes qui ont une carte professionnel ? Je côtoie beaucoup d'artistes qui n'ont toujours pas fait de demande de carte. Ils me disent qu'ils ne souhaitent pas rentrer dans ce moule. En général, un artiste est quelqu'un de marginal. Et beaucoup ne se considèrent même pas comme artiste. Ils trouvent ça trop pompeux.

Rédigé par Désiré Teivao le Lundi 7 Décembre 2020 à 18:06 | Lu 909 fois