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Autisme: l'espoir des familles a laissé place à la colère


Autisme: l'espoir des familles a laissé place à la colère
PARIS, 02 avr 2013 (AFP) - Diagnostics tardifs de l'autisme, mauvaise prise en charge, places d'accueil insuffisantes: les associations et familles concernées par ce trouble ont le sentiment de voir leurs revendications rester lettre morte, après des plans successifs qui ont peu amélioré la situation.

La ministre déléguée chargée des personnes handicapées Marie-Arlette Carlotti a profité mardi de la journée mondiale de sensibilisation à l'autisme pour annoncer que le 3e plan pour l'autisme était "prêt", sans donner toutefois de précisions sur la date de sa présentation.

Elle n'en a mentionné que les grandes lignes: repérage précoce, parcours de soins, soutien aux parents. Dans Le Figaro, elle a indiqué vouloir développer l'accueil des plus jeunes en maternelle.

"Les familles attendent tout de ce plan mais la France a 40 ans de retard, le chantier est phénoménal", prévient Danièle Langloys, présidente d'Autisme France, craignant une succession de "voeux pieux".

Associations et familles se battent pour la mise en place de "structures adaptées", "un dépistage précoce" et la "prévention" de l'autisme, qui touche entre 250.000 à 600.000 personnes en France.

Le deuxième plan, lancé en 2008, a "apporté des choses nouvelles", reconnaît M'Hammed Sajidi, président de l'association Vaincre l'autisme, citant "un socle de connaissances actualisées et l'autorisation de créations de structures innovantes avec des prises en charge adaptées et éducatives". Mais ce plan "n'a été exécuté qu'à moitié", déplore-t-il aussitôt.

Un bilan du plan autisme 2008-2010, publié en janvier 2012, faisait état de 342 places réellement installées pour les adultes et 1.330 pour les enfants à la fin 2010, sur 4.100 places prévues pour la période 2008-2014.

Aujourd'hui, "les personnes sont automatiquement orientées vers le milieu psychiatrique", dénonce Vaincre l'autisme. La prise en charge de l'autisme fait l'objet d'une vive opposition entre les partisans d'une méthode de soin psychiatrique d'une part et éducative d'autre part.

"Cela fait trente ans que les familles attendent un diagnostic correct de l'autisme", souligne aussi Danièle Langloys. Or seuls un tiers des enfants et 5% des adultes ont été diagnostiqués, rapporte-t-elle.

Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a récemment reconnu que "le diagnostic peut être établi avant 30 mois" mais que "dans les faits, il n'intervient que rarement avant l'âge de 6 ans faute de place dans les centres de dépistage".

"Quelque chose n'allait pas"

Il a aussi regretté que les structures manquent de financement et de ressources pour faire face aux besoins réels d'un accompagnement de qualité et que nombre d'autistes restent en famille faute de solution adaptée à leurs besoins.

Autre préoccupation des familles: "la scolarisation des enfants". Seuls un tiers des enfants de moins de vingt ans seraient aujourd'hui scolarisés, généralement pas à plein temps.

Anita Cavanna raconte le douloureux chemin parcouru avec son fils de 12 ans, autiste. "Pendant les trois premières années de sa vie, Hugo a été suivi à l'hôpital sans qu'aucun diagnostic ne soit posé, sans qu'aucune de nos questions ne trouve de réponse". "Je voyais bien que quelque chose n'allait pas mais les pédopsychiatres me donnaient des explications qui ne tenaient pas debout".

Son fils ne regardait pas son entourage, ne l'entendait pas, le moindre bruit le gênait, des symptômes "typiques de l'autisme", selon sa maman.

C'est finalement une orthophoniste qui, la première, met le mot "autisme" sur son trouble. "A 4 ans, il a intégré une école spécialisée, mais où les enseignants n'avaient jamais été formés au handicap et où il a été victime de violences de la part d'autres enfants souffrant de troubles du comportement", poursuit Mme Cavanna.

"Quand il a eu 10 ans, j'ai dû choisir entre la peste et le choléra: un collège ordinaire ou adapté", témoigne-t-elle. Elle l'inscrit finalement dans un institut médico-éducatif, faisant pour lui "le deuil de l'école de la République". "Il s'est retrouvé avec 35 enfants handicapés, certains plus lourdement que lui; nous avons dû être vigilants, car au début, il régressait complètement", raconte-t-elle.

Elle rêve aujourd'hui pour lui d'une école spécialisée accueillant des enfants autistes. Mais elle avoue "ne pas croire aux miracles".

Rédigé par Par Isabelle TOURNÉ le Mardi 2 Avril 2013 à 07:39 | Lu 463 fois