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Attentat raté du Thalys en 2015: le tireur reconnaît "l'ensemble des faits"... avant de se rétracter


Paris, France | AFP | lundi 16/11/2020 - Il était monté dans le train armé d'une kalachnikov et près de 300 munitions: au premier jour de son procès devant la cour d'assises spéciale à Paris, le tireur du Thalys neutralisé par des passagers a reconnu qu'il comptait commettre un attentat de masse, avant de se rétracter et de maintenir qu'il ne visait que les soldats américains qui l'ont maîtrisé.

"Vous reconnaissez l'ensemble des faits ?", lui demande le président en début d'après-midi. "Oui, l'ensemble", répond Ayoub El Khazzani, Marocain de 31 ans, chemise en jean ouverte sur un t-shirt blanc. Deux heures plus tard, il change d'avis. "C'était pas pour massacrer, c'était pour les soldats américains", dit-il, provoquant l'exaspération du président. "Je vous ai posé trois fois la question", souligne le magistrat, demandant à nouveau à El Khazzani, qui insiste pour s'exprimer en français - hésitant -,  de ne pas se priver de l'interprète pour que ses explications soient "plus fluides".  

Pendant la matinée, le président était longuement revenu sur la journée du 21 août 2015 et la préparation de cet attentat, piloté par le coordinateur des attaques du 13-Novembre, Abdelhamid Abaaoud, avec qui El Khazzani était arrivé en Europe depuis la Turquie. 

A bord du Thalys Amsterdam-Paris, El Khazzani était sorti des toilettes, torse nu, kalachnikov en bandoulière, après avoir écouté un chant jihadiste sur son téléphone et vérifié que sa caméra marchait bien, pour diffuser une vidéo de l'attaque comme lui avait demandé Abaaoud. 

Il avait tiré au pistolet sur un passager qui lui avait arraché sa kalachnikov, le blessant gravement, avant d'être maîtrisé par d'autres, dont deux militaires américains en vacances. Aux enquêteurs, il avait expliqué que ses cibles désignées étaient les Américains uniquement, assurant qu'il savait qu'ils étaient militaires malgré leur tenue de vacanciers. "Je suis désolé pour les victimes", "je suis hanté" dit El Khazzani. 

Interrogé pendant l'après-midi sur son parcours avant l'attentat, il a raconté son enfance au sein d'une fratrie de six au Maroc, où son père tenait un club d'athlétisme, avant d'émigrer en Espagne. A 18 ans, il se met à consommer de la cocaïne et vendre de la drogue à Madrid; il est arrêté plusieurs fois. Il découvre ensuite la religion via son grand frère, qui sera expulsé d'Espagne "pour des propos virulents anti-Occident", souligne le président.

"Un autre monde"

El Khazzani fera ensuite des petits boulots en Espagne, puis rejoindra la France début 2014, et la Belgique. En mai 2015, il décide de rejoindre l'Etat islamique en Syrie. Sur plusieurs points, sa version change par rapport aux précédentes, collant désormais à celle des enquêteurs. Non, il n'a pas dormi dans la rue à Bruxelles avant de partir en Syrie; il était chez sa sœur. "Pourquoi aviez-vous menti ?", demande plusieurs fois le président. "J'étais dans un autre monde, j'ai menti sur tout", répond-il. 

Plus tard, le président l'interroge sur ses relations avec ses trois co-accusés. Bilal Chatra, qui avait joué le rôle d'éclaireur sur la route des migrants entre la Turquie et l'Allemagne pour El Khazzani et Abaaoud, venu piloter la cellule jihadiste depuis la Belgique. "C'est pas un ami, à la base on se connaît pas", dit l'accusé. Redouane El Amrani Ezzerrifi, soupçonné de l'avoir aidé à passer de Turquie en Grèce ? "Jamais croisé". Et Mohamed Bakkali, le logisticien présumé des attentats du 13-Novembre, accusé d'avoir convoyé Abaaoud, El Khazzani et Chatra, ce qu'il conteste ? "Je suis pas sûr avec le masque...", dit El Khazzani. "Monsieur peut enlever son masque ?" demande le président. Bakkali s'exécute. "Jamais vu", dit El Khazzani après quelques secondes.

Selon les enquêteurs, l'attaque du Thalys s'inscrit dans une série d'attaques jihadistes projetées depuis la Syrie et coordonnées par Abaaoud : celle, avortée, contre une église de Villejuif, en région parisienne, perpétrée en avril 2015 par Sid-Ahmed Ghlam, récemment condamné à la réclusion à perpétuité, les attentats de novembre à Paris puis ceux du 22 mars 2016 à Bruxelles.

Les jeunes Américains aujourd'hui ex-militaires de 28 ans, célébrés à l'époque en héros et qui avaient joué leur propre rôle dans un film de Clint Eastwood, seront entendus à partir de jeudi. Le réalisateur américain de 90 ans, cité comme témoin, ne sera finalement pas entendu.

L'audience reprend mardi avec l'examen de personnalité des autres accusés. Le verdict est attendu le 17 décembre.

le Lundi 16 Novembre 2020 à 15:30 | Lu 167 fois