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Assises : le parc à poisson de la discorde avait fait un mort


L'accusé, qui comparait libre, encourt tout de même 15 ans de prison. Décision demain mercredi. (Illustration)
L'accusé, qui comparait libre, encourt tout de même 15 ans de prison. Décision demain mercredi. (Illustration)
PAPEETE, le 13 septembre 2016 - Un agriculteur-pêcheur de 59 ans, jusque-là sans histoire, est jugé depuis ce mardi matin aux assises pour avoir tué d'un coup de poing d'un seul, mais sans le vouloir, son voisin du même âge qui projetait d'ouvrir son propre parc à poisson à proximité du sien, à Taha'a.

Teriinohoatua Tearoha, 59 ans aujourd'hui, comparait depuis ce matin devant la cour d'assises à Papeete pour "violence ayant entraîné la mort sans intention de la donner". Il y a un peu plus de trois ans à Taha'a, cet agriculteur-pêcheur sans grande prétention dans la vie à part de vivre tranquillement du produit de sa pêche et du fa'a'apu, avait vu rouge quand son voisin Gaston, de retour d'un voyage à Papeete pour obtenir les autorisations nécessaires, lui avait annoncé après avoir bu quelques verres son intention d'ouvrir son propre parc à poisson, sur un motu non loin du sien. La discussion avait tourné court entre les deux hommes. L'auteur du coup fatal semblant avoir perdu ses nerfs en s'apercevant que sa victime, qu'il connaissait par ailleurs, l'avait tenu à l'écart de son projet pourtant déjà bien avancé et qui risquait d'impacter concrètement son mode de vie à lui. Une brève altercation, un coup de poing, un seul, porté au menton, allait mettre définitivement KO le futur concurrent.

Pas spécialement bagarreur mais connu pour ses excès de boisson et pour "lancer des piques" quand il a bu, Gaston, par ailleurs lui aussi bien intégré dans la communauté, semble avoir poussé Teriinohoatua dans ses derniers retranchements en menaçant directement son mode de vie avec son projet. "La perspective de voir apparaître ce parc à poisson concurrent a pu juste perturber cet équilibre de vie qu'il avait choisi et qu'il voulait préserver" note l'expert psychiatre qui a rencontré l'accusé. "Il faut se replacer dans le contexte îlien, il y a peu de ressources, ce parc à poisson c'était toute sa vie, un héritage familial. Il est complètement lisse par ailleurs, il n'est pas atteint de troubles particuliers, ses regrets semblent sincères et il est authentiquement affecté par le décès de la victime, il a eu une réaction de colère". Dans les meilleurs jours, et au-delà de sa fonction de garde-manger, la récolte du parc à poisson pouvait rapporter jusqu'à 20 000 Fcfp.

Il tente de le ranimer selon les témoins

"J'ai commis une erreur, mais sans intention de donner la mort", reconnait le pêcheur dans sa langue natale, aidé par un interprète qui lui traduit les questions de la présidente de la cour. Lui-même surpris par la violence de son coup de poing, il avait tenté de ranimer la victime pendant de longues minutes en lui passant de l'eau sur le visage avant de se rendre à l'évidence. Sur place à l'arrivée des gendarmes, il avait suivi sans sourciller les militaires qui allaient le placer en garde à vue, reconnaissant immédiatement les faits et écrasant même quelques larmes selon le directeur d'enquête.

"C'est quelqu'un de normal, dont on a du mal à expliquer le passage à l'acte, il n'était pas alcoolisé…" s'interroge la présidente de la cour.
Teriinohoatua, après avoir connu une jeunesse turbulente et s'être beaucoup battu, s'était rangé passé ses 40 ans. Il pense que le coup malheureux est parti "instinctivement" pendant l'altercation, comme une réminiscence de ces combats d'antan, persuadé sur le moment que sa victime allait elle-même lui décocher un coup : "Je l'ai poussé, il est tombé de sa chaise, il s'est relevé, j'en ai déduis qu'il allait me frapper et après je l'ai frappé". Le pêcheur, qui comparaît libre sous contrôle judiciaire, encourt tout de même 15 ans de prison. Les jurés rendront leur décision ce mercredi dans la journée.

Rédigé par Raphaël Pierre le Mardi 13 Septembre 2016 à 17:32 | Lu 4095 fois