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Assises : Tension à l'ouverture du procès du lynchage de Papara


La tension était palpable, ce matin, entre les accusés assis au premier rang à gauche et la famille de la victime, le jeune Moearii.
La tension était palpable, ce matin, entre les accusés assis au premier rang à gauche et la famille de la victime, le jeune Moearii.
PAPEETE, le 11 septembre 2017 - Six accusés sont jugés depuis ce matin par la cour d'assises pour avoir tabassé à mort un jeune homme de 22 ans, un soir de bringue en juillet 2014, au terme d'une bagarre d'une rare violence sur fond d'alcool et de paka et pour un motif futile : une paire d'enceinte volée.


C'est dans un contexte particulièrement tendu que s'est ouvert, ce lundi, le procès des six hommes, dont trois frères, renvoyés devant la cour d'assises pour avoir frappé à mort le jeune Moearii, 22 ans, le 19 juillet 2014 quartier Afarerii à Papara. Les accusés, âgés de 20 à 30 ans, ont effectué de la détention provisoire mais comparaissent libres ou sous bracelet électronique et des échanges de regards provocants avec les proches de la victime, dans la salle des pas perdus du palais de justice, ont obligé la présidente de la cour et l'avocat général à une petite mise au point avant l'ouverture des débats : "Je demande solennellement aux accusés de ne pas s'approcher des parties civiles, et inversement, à l'occasion des pauses ou des suspensions. Ce procès va être un moment difficile mais il doit se dérouler dans la sérénité. S'il y a le moindre souci, à l'intérieur ou à l'extérieur de la salle, je vous en ferai expulser et l'avocat général peut prendre des réquisitions de mandat de dépôt. Vous avez compris ?".

Tout le monde fait signe que oui, sous le regard vigilant des policiers et des agents de sécurité. Sur leur garde, les accusés ont néanmoins attendus sagement dans la salle d'audience, à la suspension de la mi-journée, que les proches de Moearii se dispersent hors du palais de justice pour aller eux-mêmes se restaurer. Le procès doit durer toute la semaine.

Le crâne fracassé

Ce lynchage avait été d'une rare violence. Coups de barre de fer en plein visage, coups de poing, jets de pierres, de bouteilles, croche-pied pour empêcher la victime de s'enfuir, coups de pied en pleine tête alors que le jeune Moearii, au sol, était déjà inconscient : l'acharnement a été total, "un massacre" lâchait un enquêteur à l'époque des faits.

Certains lui ont même sauté sur le crâne, "comme pour lui enfoncer la tête dans le sol", racontera l'un des protagonistes de la rixe pendant l'enquête. Les gendarmes, appelés vers 22 h pour faire cesser la bagarre en ce triste samedi soir, avaient découvert une victime méconnaissable gisant par terre. Le malheureux devait décéder une heure plus tard des suites de ses blessures, "un fracas crânien avec écoulement sanguin au niveau de la trachée et des bronches", pour reprendre l'expression du médecin légiste.

Moearii, jeune papa, n'était pas invité à la bringue le soir du drame. Accompagné de son frère et d'un copain, il s'était rendu en voiture depuis Punaauia sur ce terrain privé du PK 34,7, côté mer à Papara, à l'appel d'une amie qui, elle, participait à la fête. Elle s'était plainte auprès d'eux du vol de ses enceintes Bose, le voleur présumé refusant de lui rendre son haut-parleur. Un incident futile qui avait déjà fait monter la tension au sein du groupe jusqu'à provoquer une première intervention des gendarmes trois heures plus tôt.

20 ans de prison encourus

Le ton était rapidement monté entre Moearii, son frère et les accusés. Arrivés en intrus dans la cour où se passait la fête, ils demandent en vain la restitution des enceintes. Les bringueurs ont bien bu et bien fumé. Les premiers coups sont échangés et le piège se referme sur les deux frères. En infériorité numérique face à une dizaine d'individus, bien que boxeurs, ils ne peuvent plus contrer cette avalanche de coups qui s'abat sur eux. Le copain qui les avait véhiculés depuis Punaauia tente de disperser le groupe avec la voiture pour les récupérer mais doit rebrousser chemin, violemment pris à partie lui aussi. Le plus jeune des deux frères s'en sortira miraculeusement après de longues semaines passées à l'hôpital. Son agression, disjointe de la procédure, sera jugée ultérieurement devant le tribunal correctionnel.

L'affaire avait initialement été ouverte pour "meurtre", avant d'être requalifiée par le juge d'instruction en "violences volontaires en réunion ayant entraîné la mort sans intention de la donner". Un point que la présidente de la cour d'assises a pris le temps d'expliquer aux jurés et à l'auditoire : "Le juge a estimé que la volonté de tuer n'a pu être formellement établie, qu'il s'agit d'un pugilat généralisé (…) L'analyse médico-légale ne permet pas de savoir précisément quels coups ont causé la mort, mais que la mort résulte d'une conjonction de coups, chacun affaiblissant un peu plus la victime, mais sans pouvoir être attribué nommément à tel ou tel auteur. Le juge considère qu'aucun n'a manifesté de manière équivoque la volonté de tuer".

Le procès s'étalera sur cinq jours. La première journée est consacrée à l'examen de la personnalité des accusés. Invités chacun leur tour à la barre, tirés à quatre épingles en short, chaussures de sport et petite chemisette, tous ont reconnu les faits et ont demandé pardon à la famille. Ils encourent 20 ans de réclusion.


Rédigé par Raphaël Pierre le Lundi 11 Septembre 2017 à 14:42 | Lu 4335 fois