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André Manoukian : "C'est la troisième fois que je viens. Il paraît que la troisième fois, on reste…"


Tahiti, le 2 décembre 2022 – André Manoukian est arrivé ce vendredi soir à Tahiti, où il donnera son spectacle Les notes qui s'aiment, ce samedi soir, sur la scène de du motu de l'InterContinental Tahiti. Un spectacle seul en scène, dans lequel il conte, à sa manière, l'histoire de la musique, assis derrière son piano. Il s'est confié à Tahiti Infos à sa sortie de l'avion.
 
Vous arrivez de Nouméa où vous avez donné votre spectacle, c'était un petit avant-goût ?
"Exactement, c'était histoire de se mettre un peu dans le bain et l'accueil du public était génial, mais là-bas, à Nouméa, ils m'ont dit 'tu vas voir, ce n'est rien à côté de Tahiti !'"
 
Vous êtes déjà venu en 2013, avec China Moses. Quel souvenir gardez-vous ?
"J'en ai évidemment un souvenir très ému, surtout qu'une aventure est partie à partir de là puisque c'était la première fois que je faisais un spectacle entier avec China. Le public était debout et chantait. Nous, on n'a pas ça en Europe et ça nous fait du bien de venir ici pour ça aussi."
 
Finalement, la seule chose en commun, c'est le public et votre piano…
"Exactement, le public et mon piano. Là, je vais plutôt faire une histoire de la musique un peu à ma manière. L'idée, c'est de faire passer des choses sur l'improvisation, sur le chant, mais à travers mon parcours. Et tout ça ponctué de morceaux, bien sûr. Ça reste malgré tout un concert, mais je suis un peu bavard !"
 
C'est une "conférence pianotée"…
"En réalité, c'est plus un 'one-man-musical'. On peut appeler ça conférence pianotée, ou concert très, très commenté ! En tout cas, à chaque fois, les gens en sortent en disant 'on s'est marré, il y a eu de l'émotion, et en plus de ça, on a appris plein de choses'. Par exemple, est-ce que vous savez que Jean-Sébastien Bach était le patron des jazzmen ? En réalité, à travers mon parcours – j'ai commencé par le classique, et quand je me suis mis au jazz, j'ai eu du mal à improviser, j'ai été obligé d'aller à Boston, et je me suis rendu compte qu'autrefois, tous les grands musiciens qu'on étudiait en classique étaient tous des grands improvisateurs. Il y avait des battles, et tout ça, personne ne le dit. Et on a repris l'improvisation grâce au jazz, c'est-à-dire que ce sont des enfants d'esclaves afro-américains qui nous ont réappris la liberté d'improviser. C'est aussi pour ça que je m'intéresse aux musiques premières, parce qu'il y a une transmission par l'oralité, et nous, en Occident, avec le solfège, on a verrouillé des choses. On a transformé les musiciens en lecteurs, alors que c'est avec les oreilles que ça marche. Apprendre le solfège à un gamin avant de jouer d'un instrument, c'est aussi stupide que de dire à un enfant qui vient de naître 'tu n'as pas le droit de parler, je ne te parlerai pas avant que tu saches lire ou écrire'. C'est un sujet qui m'interpelle et il y a plein de gens qui sortent de là en disant 'oh la la, si on avait su ou si on vous avait eu comme prof…' Je ne peux pas vraiment donner des cours, mais c'est surtout un aspect de la musique qui réunit les classiques aux jazzmen. Moi je n'aime pas le mot classique, je suis comme Duke Ellington, je dis il y a deux sortes de musique, la bonne et la mauvaise !"
 
Est-ce qu'il faut être initié à la musique pour voir ce spectacle ?
"Non pas du tout, ce n'est pas une conférence, c'est plus un spectacle. Je commence au piano et puis je raconte simplement les choses et avec le piano, je les fais vivre. J'aime bien trouver les oreilles et le cœur des gens pour leur faire passer des choses, mais il ne faut surtout pas être initié."
 
 

"De tous les chants que j'ai entendus, les plus beaux sont les chants polynésiens"


Certains vous connaissent pour vos improvisations au piano, d'autres pour vos improvisations à l'oral. Les gens viennent plus vous voir pour quoi ?
"Les deux je pense. Les gens savent que je suis bavard. Ce qui est drôle, c'est que quand je parle, je les sens presque encore plus captifs que quand je joue. On me prête une qualité de conteur, que je revendique par mes origines orientales. (…)"
 
Qu'est-ce qu'on retrouve dans ce spectacle ? Vous parlez de vous aussi ?
"Je parle de l'improvisation, je parle de mon amour pour le chant, qui m'a valu un peu des déboires aussi parce que ça se traduisait souvent par mon amour pour les chanteuses aussi ! Au moment où j'ai voulu me libérer de tout ça, c'est la musique de mes ancêtres qui est arrivée. Du coup, l'idée, c'était de transformer le piano en chanteuse. En réalité, quand tu es compositeur, une mélodie ne peut pas être mieux servie que par une voix humaine. La voix reste le plus beau des instruments qui soit. Le piano est l'instrument le plus loin de la voix, donc c'était un boulot de le reconsidérer comme une chanteuse. Et puis on m'a commandé la musique sur un documentaire de l'Arménie de mes ancêtres, et j'ai découvert des nouveaux rythmes, des nouveaux sons, des nouvelles gammes. Donc je raconte comment ça se passe en Orient. Ça se passe beaucoup plus comme ici, en Polynésie, avec une transmission orale. (…)"
 
Vous l'avez dit, ce n'est pas la première fois que vous venez à Tahiti. Vous avez certainement découvert la musique polynésienne. Peut-on imaginer qu'un jour, il y ait un passage dans un de vos spectacles sur la musique polynésienne ?
"Je parle souvent de ces musiques-là. La musique polynésienne, là où elle est forte, c'est que vous avez les tambours qui convoquent les esprits de la terre et vous avez ce chant magique qui convoque les esprits de l'air. À Cuba c'est la même chose. À la base, dans toutes les musiques fortes, le musicien, c'est le sorcier. C'est celui qui parle aux éléments, aux esprits avec son instrument de musique. Le sorcier, c'était le chef de la tribu. Donc autrefois, les musiciens, on était les patrons, et maintenant, on est devenu des intermittents du spectacle !"
 
Les chants polynésiens vous ont particulièrement touché ?
"J'ai eu la chance de beaucoup voyager, à Cuba, aux États-Unis, en Amérique du Sud, en Afrique… De tous les chants que j'ai entendus, les plus doux, les plus beaux, les plus émouvants et les plus chargés d'amour sont les chants polynésiens. Tout d'un coup, il y a un truc qui vous prend, vous avez envie de pleurer. On se laisse prendre sous ce charme là et je pense que le Polynésien, c'est le roi des joueurs de flûte !"
 
En 2013, ce n'était pas votre premier séjour ici, vous étiez déjà venu une fois ?
"Oui, avec Nicolas Peyrac. C'est toujours la même émotion. Vous savez, un pays, il est beau, c'est un paradis, mais s'il n'y a pas les gens, il manque quelque chose. Ici vous avez à la fois le paradis et en plus vous avez une vraie culture qui vient de loin, qui me passionne avec des traditions qui viennent de très loin. Je vais même vous faire un aveu, lors de mon deuxième voyage, je me suis marié selon le rite polynésien. J'ai qu'une peur, c'est la troisième fois que je viens ici et il paraît qu'on dit quand tu viens trois fois, la troisième fois tu restes…"

Pratique

André Manoukian – Les notes qui s'aiment
Samedi 3 décembre, à 19h30
Motu de l'hôtel InterContinental Tahiti
Tarifs : 7 500 Fcfp (Cat. 1), 6 500 Fcfp (Cat. 2) et 5 500 Fcfp (Cat. 3)
Billets en vente dans les magasins Carrefour Faa'a, Punaauia et Arue, à Radio 1 et Tiare FM à Fare Ute et sur www.ticketpacific.pf   (frais web : +101 Fcfp/place achetée en ligne)



Rédigé par Anne-Laure Guffroy le Vendredi 2 Décembre 2022 à 22:35 | Lu 4753 fois