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Amorce de la réforme de la dépendance et "trou de la Sécu" post-Covid au menu des députés


Paris, France | AFP | lundi 15/06/2020 - Une dette qui s'aggrave, et une "première pierre" pour la réforme de la dépendance: l'Assemblée nationale a entamé lundi l'examen d'un texte qui creuse fortement le "trou de la Sécu" après le coronavirus, et prévoit une nouvelle branche consacrée à la perte d'autonomie.

Malgré leur abord "aride", les deux projets de loi (organique et ordinaire) sur la dette sociale et l'autonomie portent des enjeux colossaux, à commencer par l'ajout de 136 milliards d'euros de dettes au "trou de la Sécu", que les Français rembourseront ainsi jusqu'en 2033, soit neuf années de plus que prévu.

Cette somme englobe les déficits passés (31 milliards), mais aussi ceux attendus pour l'année en cours (52 milliards) et les trois suivantes (40 milliards), ainsi qu'un tiers du passif des hôpitaux (13 milliards), dont la reprise avait été annoncée en novembre.

En ouverture des débats dans l'hémicycle, le secrétaire d'Etat Adrien Taquet a revendiqué "un acte de responsabilité" après le "choc sans précédent" du coronavirus. 

Mais à l'instar des communistes ou Insoumis, plusieurs groupes d'opposition jugent "injustifié" et "absurde" de transférer les dettes du Covid-19 sur les comptes sociaux, estimant que c'est à l'État de porter ce "fardeau". Pour l'économiste Thomas Piketty, la prolongation du remboursement de la dette sociale revient à augmenter les impôts pesant sur les Français, contrairement à l'engagement du président Emmanuel Macron de ne pas alourdir la fiscalité.

"Il faut agir vite", a toutefois plaidé le ministre de la Santé Olivier Véran, soulignant que le chômage partiel, les exonérations de cotisations et les dépenses nouvelles face au coronavirus avaient provoqué de "très fortes tensions" de trésorerie pour la Sécu.

Il a insisté pour défendre le "cantonnement de la dette créée par la crise du Covid" dans une caisse dédiée (Cades): "Il y a urgence à pouvoir garantir [que la Sécu] puisse payer les prestations sociales en temps et en heure".

"Coquille vide"

Pourtant, l'exécutif prépare de nouvelles dépenses, pour la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes handicapées et âgées.

Une manne annuelle de 2,3 milliards d'euros sera récupérée à cette fin sur les recettes destinées à combler le "trou de la Sécu" à partir de 2024.

M. Véran y a vu "la consécration de l'engagement du président de la République", qui avait promis il y a tout juste deux ans - comme d'autres avant lui -, une loi sur le financement de la dépendance.

De son côté, le socialiste Boris Vallaud a déploré un effort "bien insuffisant et bien tardif", rappelant que les besoins sont évalués à plus de 9 milliards supplémentaires d'ici 2030.

Assumant "de ne pas augmenter les impôts", le ministre a dit s'en remettre "à une conférence des financeurs" pour trouver d'autres moyens d'ici "cet automne".

Sans attendre ses conclusions, il a vanté une réforme "historique" face au "mur démographique" du "papy-boom" qui arrive, avec une nouvelle branche de la Sécu ou un nouveau risque pris en charge par une des quatre branches existantes (maladie, vieillesse, famille, accidents du travail).

En commission, les députés de la majorité (LREM, Modem, Agir ensemble) ont opté pour la création d'une cinquième branche "autonomie". Les "marcheurs" veulent confier via un amendement son pilotage à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). 

Pour Marie-Anne Montchamp, présidente de cette caisse, "c'est le moment d'aller au bout" de cette réforme, la crise sanitaire ayant "encore montré" le lourd tribut payé par les personnes âgées et handicapées.

"Nous posons la première pierre de la réforme tant attendue et maintes fois annoncée de la perte d'autonomie", a assuré le secrétaire d'Etat Adrien Taquet.

Pour l'heure, modalités et financement de la 5e branche sont renvoyés à un rapport mi-septembre.

Sans moyens supplémentaires, c'est une "coquille vide" et un "effet d'affichage", a dénoncé la socialiste Christine Pires Beaune, en défendant en vain une motion de rejet, avant une autre motion des communistes vouée au même sort. 

A droite, Xavier Breton (LR) a prédit "un grand plouf" quand les Français verront que "pas un euro" ne sera mis avant 2024.

le Lundi 15 Juin 2020 à 07:27 | Lu 183 fois