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Air Tahiti Nui, l'étendue des dégâts


Tahiti, le 17 août 2021 - Le rapport d’activité 2020 de la compagnie au tiare dresse un bilan alarmant sur la situation économique et financière de l’entreprise. A l’instar de ses concurrentes, ATN a vu ses comptes plombés par l’épidémie. Pour faire face à la crise, une restructuration interne a été mise en place et le recours aux emprunts a été largement utilisé. Mais ces mesures n’ont pas encore produit tous leurs effets.

La pandémie de Covid-19 a brisé net les tendances encourageantes qui commençaient à se dessiner fin 2019 et affecté tous les maillons de notre secteur et de l’industrie touristique dans son ensemble”. Dans le secteur du transport aérien international, difficile d’échapper au constat de l’impact de l’épidémie sur une activité qui souffre autant des fermetures de frontières, des restrictions de déplacement et de mesures sanitaires drastiques. Le constat de Michel Monvoisin, PDG d’Air Tahiti Nui, en introduction du rapport annuel 2020 résume l’ampleur du défi en cours et à venir. Alors que le document de 31 pages présente de nombreux éléments financiers de l’entreprise, le mot Covid-19 y apparait à 36 reprises. La couverture –un couple ‘masqué’– évoque tout autant les conséquences du coronavirus sur l’activité du transporteur. L’épidémie a des conséquences financières majeures pour ATN.

Des chiffres dans le rouge

Si ATN a jusqu’ici ‘tenu le choc’, notre compagnie n’a pas été épargnée —comme le montrent les chiffres de ce rapport— par les conséquences alarmantes qui découlent de son avènement”. Et les chiffres sont éloquents. La compagnie, bénéficiaire en 2019 pour la huitième année consécutive avec un résultat positif de 175 millions de Fcfp, a plongé dans le rouge vif l’année dernière. ATN affiche ainsi un résultat de -8,2 milliards de Fcfp. Le chiffre d’affaires a été divisé par 2,5. Il passe de 31,9 milliards de Fcfp en 2019, année de cession des quatre Airbus pour 1,1 milliard de Fcfp, à 12,6 milliards en 2020. Fort logiquement, la baisse touche en premier lieu le trafic passager avec -64% de recettes et un coefficient moyen de remplissage des Dreamliners qui chute de 75,3 à 56,5%. Mais l’érosion du chiffre d’affaires concerne également le fret (-890 millions de Fcfp). Si l’activité charter se maintient tant bien que mal (194 millions de Fcfp en 2020 contre 225 en 2019), c’est surtout grâce à quelques vols cargos charterisés notamment pour faire venir des matériels médicaux de Chine.

La filiale Tahiti Nui Helicopters (TNH) de la compagnie, dotée de cinq appareils, a également connu des difficultés au cours de l’année passée. TNH affiche ainsi des pertes de 236 millions de Fcfp sur 2020 avec notamment la fermeture de la base de Bora Bora entre mars et juillet 2020. Une situation qui a notamment conduit à une recapitalisation avec l’entrée du Pays et de la Sofidep dans le capital de la société.

16 milliards toujours en banque

ATN avait ouvert l’année avec une trésorerie de 16,1 milliards de Fcfp. Un bon matelas financier, fruit des résultats excédentaires consécutifs. La compagnie finit l’année avec une trésorerie sensiblement meilleure à 16,2 milliards. Mais cette stabilité n’est qu’une illusion de bonne santé, elle s’explique par les nombreux prêts obtenus au cours de l’année 2020. ATN a ainsi obtenu quelque 7,9 milliards de Fcfp de prêts garantis par l’État (PGE), 240 millions de Fcfp d’un prêt Tourisme et 2,1 milliards d’avance en compte courant de la part du Pays. Soit donc 10,2 milliards d’aides à rembourser dans les mois et les années à venir alors que le trafic peine à repartir du fait du variant Delta. Les dernières études de l’organisme IATA, qui compare les mois de mai 2019 et mai 2021, fait ainsi état d’une baisse comprise entre -52% du trafic passager dans la zone Asie-Pacifique ainsi que d’un potentiel retour à la normale en Europe pas avant 2024 dans le scénario le plus optimiste. Des perspectives de trafic peu favorables qui rendent difficile le remboursement des différents prêts ainsi mobilisés d’autant que l’endettement de la compagnie est encore susceptible de se renforcer. D’après nos informations, une partie de l’emprunt de 36 milliards de Fcfp, dont l’obtention par le Pays a été confirmée par le Président Macron lors de sa dernière visite, doit bénéficier à ATN. Les modalités de répartition de ce prêt restent cependant encore à définir.

Pas encore d’effets des départs volontaires

Une situation qui a conduit la compagnie à prendre un certain nombre de mesures pour limiter l’impact de la pandémie sur sa rentabilité en réduisant notamment la voilure au niveau salarial. Le plan de départs volontaires rapidement mis en place par la direction d’ATN a permis à 117 personnes de quitter l’entreprise lors des quatre derniers mois de l’année 2020. Parallèlement, un accord de réduction de salaire de -5% pour les 621 salariés restant en poste a été signé le 10 novembre 2020 et s’appliquera jusqu’à la fin 2023. Deux mesures qui n’ont pas produit d’effet sur les comptes 2020 de l’entreprise, les salaires et traitements restent en effet stables autour de 5,5 milliards. En effet, les indemnités de départs, comptabilisées sur l’exercice 2020, représentent à elles seules 1,2 milliard de Fcfp.

L’allègement salarial devrait donc se faire sentir de façon plus significative en 2021. Or, le rapport note que le budget 2021 de la compagnie “prenait l’hypothèse d’une augmentation progressive de la demande passagers grâce à la généralisation de la vaccination et la réouverture des frontières permettant ainsi de relancer l’ensemble des routes du réseau de la compagnie”. Un optimisme vite douché dès la fin du mois de janvier 2021 avec le durcissement des règles de déplacement entre la Polynésie française et la métropole et la mise en place d’une quatorzaine pour tout nouvel arrivant sur le territoire. Le Pays, principal actionnaire, continue à affirmer son soutien et sa confiance dans l’entreprise, “le conseil d’administration considère qu’il n’est pas nécessaire de remettre en cause la continuité d’exploitation”.
 

Rédigé par Sébastien Petit le Mardi 17 Août 2021 à 22:21 | Lu 9126 fois