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Air Tahiti : 30 millions de francs de perdus par jour de grève


Air Tahiti : 30 millions de francs de perdus par jour de grève
FAAA, le 18/05/2016 - Le mouvement social au sein de la compagnie aérienne locale s'est amplifié ce mercredi matin. Vols annulés ou retardés, les passagers et les touristes ont dû prendre leur mal en patience. Cette grève générale pourrait durer, puisque ni la direction, ni les syndicalistes ne veulent concéder sur les points bloquants, dont, notamment, le plan social... Du côté de la direction, on s'organise au mieux pour limiter les dégâts et l'activité se concentrera sur les vols touristiques.

C'est le statut quo en ce qui concerne le mouvement de grève générale au sein de la compagnie aérienne locale Air Tahiti. Les pilotes et le personnel au sol ont cessé leur activité ce mercredi. Ils ont rejoint leurs collègues PNC et ceux des îles.

Aucune rencontre n'a eu lieu avec la direction, qui devait assister à plusieurs réunions "toutes aussi importantes", dans la journée.

Les piquets de grève se multipliaient. À l'agence de Papeete, les rideaux sont restés fermés. Du côté du commissariat hôtellerie, en charge de la restauration dans les avions et de leurs nettoyages, les grévistes se sont mis au côté, pour ne pas empêcher les allées et venues du personnel non-gréviste. Parmi les grévistes, on retrouve les femmes de ménages qui se chargent du nettoyage des avions locaux et internationaux. "Au niveau du réseau international, nous avons des heures décalées entre la nuit et le matin. Pour le réseau local, nous travaillons toute la journée, sauf que là, nous avons dix avions à traiter. Nous avons les transits et les avions qui s'arrêtent", explique Hitimoemoea Mati. "Il y a des séquences du matin, où il y a une chef d'équipe et deux agents de nettoyage pour les transits. Vers midi et 13 heures, d'autres équipes prennent la relève. Donc elles vont faire les transits et on continue jusqu'à ce que les avions s'arrêtent pour faire le grand ménage", précise-t-elle.

Un problème que comprend la direction, mais qu'il va falloir bien préparer, assurent-t-ils.

Il faut savoir que la compagnie Air Tahiti se charge de l'assistance de toutes les compagnies aériennes internationales, ce qui lui rapporterait un chiffre d'affaire d'1 milliard. L'assistance se décline en plusieurs points : l'enregistrement des passagers et des bagages ainsi que le nettoyage des avions. "La crainte est que ce marché se déporte et s'organise différemment. Nous avons prévenu nos syndicats et nos personnels, alors évidemment quand on leur parle de ces choses-là, ils disent qu'on leur fait du chantage ou de la pression. Donc je ne préviens plus maintenant", déclare Manate Vivish, directeur général de la compagnie.

Avec ce mouvement de grève, aucune visibilité sur le taux de participation du personnel en grève. Mardi soir, la direction annonçait un taux de participation important, 85 %, pour le personnel navigant commercial.

La sécurité, la pression, le harcèlement moral sont les motifs les plus soulevés par les syndicalistes, ce que la direction ne dément pas. "Il y a des réajustements à faire et nous avons pris l'engagement dès le départ des négociations vis-à-vis des syndicats que nous allons travailler sur ces sujets-là", assure Manate Vivish.

En revanche, s'il y a bien un point sur lequel la direction ne fera aucun sacrifice, c'est celui du plan social qui serait "nécessaire", malgré que les comptes soient excédentaires aujourd'hui.

Depuis que ces mouvements de grève sont effectifs à Air Tahiti, des vols continuent à être annulés ou retardés. Beaucoup de passagers se sont retrouvés dans le hall de l'aéroport. "Je viens chercher mes parents qui viennent de France. On devait prendre un avion à 8h15 sauf que ce vol a été annulé. Ensuite, comme mes parents sont en vol international, ils pouvaient prendre le vol de 13h15, sauf que nous, on n'était pas prioritaires. Donc on a un peu pleuré au niveau du guichet et ils ont pu nous trouver une place", se réjouit Olivier, habitant de Raiatea. Lucien, lui, devait prendre l'avion à 6 heures du matin, mais les choses ne se sont pas passées comme prévu : "Je devais intervenir sur Tahaa pour mon travail. Donc je devais prendre un vol à 6h45, qu'ils m'ont confirmé, d'ailleurs, et à mon arrivée à l'aéroport, mon vol a été décalé à 18 heures."

Hier matin, plus d'une centaine de touristes ont dû changer leur plan pour se rendre à Moorea. "Ils ont été transportés sur Papeete pour prendre le bateau. L'un d'eux m'a demandé : "Hiro, j'ai économisé à peu près 20 000 dollars avec ma femme pour ce voyage de rêve. Est-ce que quand nous aurons fini nos trois-quatre jours à Moorea, nous pourrons prendre l'avion pour nous rendre à Bora Bora ?" Et c'est là que l'inquiétude se pose", explique Hiro Kelley, président du GIE Moorea Tourisme.

Hiro Kelley qui estime que ce mouvement de grève tombe mal, surtout que l'économie touristique "va bien aujourd'hui". Cette grève pourrait, selon lui, avoir des conséquences négatives sur le tourisme polynésien avec les commentaires que pourront laissés ces touristes mécontents à leur retour. Le président du GIE Moorea Tourisme appelle donc la direction et les syndicalistes à trouver un terrain d'entente au plus vite.

Selon la direction d'Air Tahiti, le déficit de la compagnie, par jour de grève, s'élèverait à 30 millions de francs et pas question de payer les jours de grève.

Donc, pour pallier au manque de personnel, la direction s'organise avec "les moyens du bord". "On a concentré notre activité sur les vols touristiques parce qu'il y a de l'emploi derrière." Et justement, demain, un charter important est attendu. "C'est un groupe de 500 personnes qui va descendre dans les grands hôtels de Bora, c'est un groupe Incentive. Ils viennent de tout horizon et ils ont choisi la destination de Bora Bora depuis trois ans déjà. Donc c'est une clientèle qu'il faut choyer", assure Manate Vivish.


Manate Vivish
Directeur Général d'Air Tahiti


Plan Social
"Ce plan social est nécessaire parce que dans les îles où il est mis en place, nous avons assisté à une baisse de l'activité, une baisse du nombre de passagers qui a nécessité qu'Air Tahiti réagisse avec des programmes de vols à la baisse. Du coup, on a moins de touchés dans ces escales et donc on a des temps de travail qui deviennent excédentaires dans ces escales. Nous avons passé du temps à réfléchir à ce sujet, peut-être un peu trop parce que finalement le temps de le mettre en œuvre ce plan social, la compagnie est allée recouvrer une certaine santé. Mais quand la réflexion a démarré, c'était au moment où nous étions en pleine crise. Ce plan social a fait l'objet d'une négociation avec les syndicats, alors que nous n'étions pas tenus de discuter avec eux. Mais à leur demande de manière à abonder l'accompagnement proposé par la compagnie en faveur des personnes touchées, nous avons accepté les négociations avec les syndicats et nous les avons suivis dans les revendications. Ce plan social a été construit avec les syndicats, sans le Sapai."

Sécurité

"C'est un sujet très compliqué, mais nous ne pouvons pas suivre les hôtesses dans leurs démarches parce que leurs demandes sont excessives, de nature à générer des pertes de productivité pour l'entreprise qui ne sont pas soutenables. Les conditions de travail du personnel navigant ne sont pas particulièrement difficiles, au regard de ce qui se fait dans le métier et surtout ce sont des conditions de travail qui rentrent bien dans le cadre réglementaire et qui ne peuvent pas être dépassées. Ce cadre réglementaire fait l'objet d'un suivi par l'aviation civile. Notre activité est suivie par l'aviation civile et ces questions de fatigue en font partie. Jusqu'à preuve du contraire, notre activité est conforme à la réglementation. Je profite aussi pour dire que la sécurité à Air Tahiti est presque une seconde nature. Donc, venir affirmer devant les médias qu'Air Tahiti n'est pas une compagnie sûre, c'est mentir au public et c'est gravement porter atteinte à l'image de la compagnie. C'est quelque chose d'intolérable à notre niveau. On ne plaisante pas sur des choses aussi graves."

Malaise social
"Cette compagnie a besoin de faire du chiffre et il faut que les employés en soient convaincus, parce que c'est grâce à cela qu'ils perçoivent un salaire à la fin du mois. Dans certains domaines, les conditions de travail sont difficiles et la direction est disposée à le reconnaitre et nous prenons la responsabilité, puisque nous avons accepté de mettre en œuvre un certain nombre de mesures pour faciliter les planifications des agents et améliorer leur cadre de vie. Cet engagement a déjà été pris vis-à-vis des syndicats, à l'occasion des discussions que nous avons pu avoir. Nous l'avons annoncé aux syndicats, alors évidemment, quand ils sortent et qu'ils vont retrouver leurs troupes, ils disent que la direction ne veut rien entendre."

Marianne Snow
Secrétaire générale du syndicat autonome du transport aéronautique (SATA)


Est-ce que votre appel à la mobilisation a été entendu ?
"Pour les îles, on va dire qu'on est quasiment à 90 % voire plus, du taux de participation. Il n'y a que Rangiroa et Tikehau et les Marquises (Nuku Hiva et Atuona) qui ne suivent pas le mouvement de grève."

Concernant le plan social, la direction a été claire, pas question de revoir ce point. Qu'en pensez-vous ?
"Je rejoins le SAPAI et j'ai le même objectif que lui. Par contre, nous avions signé un protocole avec la direction, mais cela ne voulait pas dire que nous étions d'accord. Nous avons fait cela plutôt dans le sens de bien recadrer le plan social. La direction n'a pas tenu compte de tout cela, les conditions n'ont pas été respectées donc, SATA n'est plus d'accord et nous demandons à annuler ce plan social."

Oui mais la direction met en avant une baisse des vols dans les îles pour justifier ce plan social ?

"Je suis tout à fait d'accord dans ce sens-là. Par contre, il faut savoir aussi que nous avons la subvention du territoire, donc on va dire qu'une partie de cette subvention paie une partie des salariés des îles. Je ne comprends pas non plus, pourquoi ils ont voulu mettre en place cela. Déjà qu'ils ont baissé nos heures de travail, bien avant le plan social. On estime avoir assez fait d'efforts et on aimerait bien être écoutés."

Les salaires dans les îles sont les plus bas de la société, pouvez-vous nous donner une idée ?
"Près de la moitié des salariés sont à moins de 56 heures de travail, on les appelle des mensualisés. Ceux qui font 52 heures, on va dire à peu près qu'ils sont à 50 000 Fcfp par mois, et le tout dernier salaire à Air Tahiti est à 8 heures par mois, donc en gros c'est 9 000 Fcfp à peu près."

Cela vous pousse à faire une autre activité à côté ?
"Il y a des îles où c'est possible de faire une autre activité à côté, mais pas toutes. Certaines îles sont trop petites et ils ne peuvent pas faire de coprah. Donc à quel moment, ils pourront subvenir aux besoins de leurs familles. Il est vrai qu'on a du poisson, mais si le lagon est petit, comment allons-nous faire ? Peut-être pour nourrir au moins notre petite famille. Mais avec ce salaire, on ne va pas aller loin."

La grève durera le temps qu'il faudra et nous resterons sur notre position.
"Tout le monde est solidaire et on a tous le même objectif sur le plan social. Peut-être que la direction pourra trouver autre chose pour combler cela. On a quand même fait des bénéfices cette année, donc mes collègues des îles ne comprennent pas ce plan social."

Les grévistes du commissariat hôtellerie se sont regroupés dans un coin de leur lieu de travail
Les grévistes du commissariat hôtellerie se sont regroupés dans un coin de leur lieu de travail

L'agence de Papeete était fermée ce mercredi matin
L'agence de Papeete était fermée ce mercredi matin


Des agents non grévistes assurent le service malgré le conflit social
Des agents non grévistes assurent le service malgré le conflit social

le Mercredi 18 Mai 2016 à 19:40 | Lu 5560 fois