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Affaire Vahinerii : «L’avez-vous violée : oui ; l’avez-vous tuée : oui»


Affaire Vahinerii : «L’avez-vous violée : oui ; l’avez-vous tuée : oui»
PAPEETE, mardi 3 septembre. Le procès aux assises de Marere Alvarez s’est ouvert ce mardi au Palais de justice de Papeete. Le jeune prévenu âgé de 22 ans aujourd’hui est incarcéré depuis les faits. Il avait été interpellé chez lui le soir même de la découverte du corps de la victime, retrouvé en partie dénudé et dissimulé sous des feuilles, vers 6h30 sur la plage de Hitimahana. Marere Alvarez était selon plusieurs témoins le dernier à avoir été aperçu avec Vahinerii Wong sur cette plage de Mahina où avait lieu, comme souvent les soirées de week-end, un rassemblement d’une centaine de jeunes. Alcool et paka circulant librement entre les participants de ces fiestas improvisées. En garde à vue et face aux gendarmes, Marere Alvarez n’avait tout d’abord pas hésité à reconnaître avoir eu une relation sexuelle avec Vahinerii et l’avoir étranglée. Ils avaient bu tous les deux plus que de raison : le rapport d’autopsie précise que la jeune fille -qui devait fêter ses 19 ans quelques semaines plus tard- avait 1,60 gramme d’alcool par litre de sang (l’équivalent d’une dizaine de cannettes de bière).

Des aveux immédiats sur lesquels Marere Alvarez est revenu de nombreuses fois. Le président de la cour d’assises a relevé pas moins de dix déclarations différentes et trois scénarios proposés par le prévenu : un viol suivi d’un meurtre «pour qu’elle n’aille pas me dénoncer aux gendarmes» ; un meurtre suivi d’un viol ; un rapport sexuel pas forcément totalement consenti de la part de la victime, peut-être des violences au cours de cet acte sexuel un peu sauvage, mais pas de meurtre. Dans ce dernier scénario présenté à la fin de l’instruction de l’affaire, l'accusé proposait que le meurtre de la victime pouvait être le fait d’une tierce personne cherchant à lui nuire.

Mais les faits matériels et les expertises médico-légales n’accréditent absolument pas cette version. Le corps de Vahinerii présente des dizaines de traces d’ADN de Marere Alvarez, de même que ses vêtements et seul l’ADN de l'accusé a été retrouvé sur elle. On retrouve cet ADN dans son vagin, sur son visage, sur son cou, sur ses poignets, sous ses ongles, sur son T-shirt, sur sa culotte… Lors de son premier interrogatoire par les gendarmes, le soir même des faits, Marere Alvarez avait précisé spontanément aux gendarmes avoir tenté de dissimuler le corps sous des feuilles de miri et avoir étranglé la jeune fille à mains nues, puis avec un t-shirt enroulé autour de son cou et serré de deux nœuds étroits. Des détails que seul l’auteur des faits pouvait connaître puisque rien de l’enquête n’avait encore été révélé en public.

Ce mardi matin devant les jurés et tout le tribunal des assises, Marere Alvarez a sobrement répondu aux questions du président de la cour. «Est-ce que vous avez violé Vahinerii ?» ; «oui». « Est-ce que vous avez tué Vahinerii?» ; «oui». Marere Alvarez s’exprime peu devant le tribunal ; il n’avait pas été très loquace non plus avec les enquêteurs et le juge d’instruction : c’est dans sa nature. Il faut lui poser des questions précises pour que les réponses arrivent, exprimées en deux à trois mots, pas plus. Une timidité maladive qui ne l’aide pas dans ses tentatives de relation avec les filles. «C’est un jeune homme propre et soigné aux traits fins, dont le physique serait agréable si ce n’est ce regard sombre, pénétrant qui met mal à l’aise. Tout en lui respire la tristesse» écrit une psychologue qui a eu à l’examiner pendant l’instruction.

A la barre, c’est ainsi qu’il apparaît effectivement. Un beau jeune homme élancé mais avec un regard noir, les mâchoires serrées, une violence contenue, totalement introverti. Les expertises psychologiques divergent sur une possible affection mentale, mais s’accordent néanmoins sur le peu d’estime qu’il accorde aux femmes et sur sa dangerosité à leur égard. Sa mère n’a pas voulu s’occuper de lui à sa naissance et il a été élevé par sa grand-mère : il en ressent un fort sentiment d’abandon et même de haine contre sa mère. Le viol de la jeune fille, présenté comme sauvage et très violent par les experts, pourrait s’expliquer parce que la victime aurait refusé d’avoir des relations sexuelles ou parce qu’elle se serait moquée de la faiblesse de son érection. Il ne s’agit que des hypothèses des experts psychiatres : son intolérance à la frustration provoquant un passage à l’acte agressif et violent. L’utilisation du T-shirt, aux deux nœuds extrêmement serrés, pour étrangler sa victime, démontre pour l’un de ces experts «qu’il ne lui a laissé aucune chance. Il a fait ce qu’il fallait pour la faire taire».

Ce mardi après-midi l’audience s’est poursuivie avec les différents témoins. Essentiellement des jeunes qui étaient présents à cette soirée sur la plage de Mahina mais qui n’ont rien vu, rien su des dernières minutes de la vie de Vahinerii, aperçue pour la dernière fois à 2 heures du matin. Quelques-uns de ses amis l’ont appelée vers 3 heures sur son téléphone portable ne la voyant plus dans les différents groupes de la fête, mais Vahinerii à cette heure-là mourrait dans le sable dans un coin isolé de la plage, à l’écart. Ce soir-là Marere Alvarez était énervé contre les filles, les femmes. «C’est un viol et un meurtre pour régler des comptes et en particulier avec sa mère» a déclaré un expert psychiatre à la barre. Vahinerii Wong, 18 ans aurait ainsi été la victime d’un être «aux pulsions circonstancielles et imprévisibles».

Rédigé par Mireille Loubet le Mardi 3 Septembre 2013 à 15:04 | Lu 2581 fois