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Affaire Team Lead : deux ans de prison avec sursis et cinq ans d'inéligibilité requis contre Jean-Paul Tuaiva (Màj)


Jean-Paul Tuaiva a réitéré son mea culpa devant les médias, ce matin à la sortie de l'audience.
Jean-Paul Tuaiva a réitéré son mea culpa devant les médias, ce matin à la sortie de l'audience.
PAPEETE, le 28 avril 2016 - Le parquet de Papeete a requis ce jeudi matin deux ans de prison avec sursis à l'encontre du député Jean-Paul Tuaiva. Cette réquisition s'accompagne d'une amende de deux millions de francs d'amende et de cinq ans de privation des droits civils, civiques et de famille, autrement dit d'inéligibilité. Le jugement a été mis en délibéré au 16 juin. L'élu a fait son mea culpa à l'audience, annonçant par ailleurs son intention de quitter la politique.


"Ce n'est pas un petit délit, nous parlons d'utilisation à des fins personnelles de l'argent du contribuable. Et sur le terrain de la morale politique, vous avez trahi vos électeurs en utilisant votre fonction de député à des fins personnelles". Le procureur de la République José Thorel a requis 2 ans de prison avec sursis, 2 millions de francs d'amende et 5 ans d'inéligibilité, ce jeudi, contre le député Jean-Paul Tuaiva dans l'affaire de détournement de fonds publics dite de la réserve parlementaire.

Le représentant du ministère public qui a aussi requis 1 an de prison avec sursis et 2 millions de francs d'amende contre Heirani Tavaearii, le président de l'association Team Lead, association de Punaauia sans activité mais destinataire de la plus grosse partie des subventions allouées par le député. C'est lui qui retirait l'argent en espèce des comptes de l'association pour ensuite le remettre à Jean-Paul Tuaiva, son mentor comme il l'a présenté à l'audience. Six mois de prison avec sursis et 1 million de francs d'amende ont enfin été requis par le parquet contre la trésorière de l'association, Mareva Hourtal, poursuivie pour s'être mis dans la poche environ 1,8 million de francs dans cette opération.

L'agent judiciaire de l'Etat, par la voix de son avocat Me Bourion, a en outre réclamé la condamnation de Jean-Paul Tuaiva et Heirani Tavaerii à rembourser, solidairement, la somme de 12,2 millions de francs. Les 9 millions de subventions restant, non dépensés, avaient été saisis sur les comptes et le parquet a demandé au tribunal d'ordonner leur confiscation.

"Pas un franc n'a été dépensé correctement"

L'affaire de la réserve parlementaire avait intéressé la justice, en février 2015, après un reportage de nos confrères de Polynésie 1ère, s'étonnant que l'association Team Lead de Punaauia ait pu bénéficier du parrainage parlementaire du député alors qu'elle était sans activité depuis au moins un an. L'enquête, confiée à la section de recherches de la gendarmerie, avait rapidement permis de découvrir le pot aux roses en examinant tout simplement les comptes de Team Lead et ceux de son président, Heirani Tavaearii. L'argent des subventions de la réserve parlementaire passait de l'un à l'autre, par des retraits d'espèces.

"Pas un franc de cette subvention n'a été utilisé correctement", a souligné le procureur à l'audience. Don de 100 000 francs à une paroisse protestante, don de 200 000 francs à l'église mormone, d'1 million de francs à un jeune boxeur prometteur pour l'aider à financer ses déplacements ou encore cet autre million qui servira à rémunérer deux jeunes demandeurs d'emploi que Tuaiva emploiera au black pour des petits travaux, la liste est longue.

Le député qui a reconnu dans la même veine avoir dilapidé plusieurs centaines de milliers de francs pour, dit-il, venir en aide à des nécessiteux qui défilaient chez lui depuis son élection au palais Bourbon. Moins altruiste, il y a aussi eu ces 500 000 francs dépensés en frais divers lors d'un voyage à Las Vegas pendant les vacances parlementaires.

"J'ai dérapé (...) j'ai aussi des faiblesses"

Jean-Paul Tuaiva, qui n'a jamais cherché à nier les faits depuis ses premières auditions par les enquêteurs, s'est présenté dans le même état d'esprit devant le tribunal : "Je reconnais, je suis dans l'erreur, je l'assume, je fais mon mea culpa", a-t-il répété à plusieurs reprises pendant les débats. Le jeune entrepreneur issu des milieux modestes et à l'ascension politique fulgurante a expliqué s'être perdu en route : "Je suis issu de la société civile, j'ai gravi les échelons un à un, à la sueur de mon front. Je suis dans la politique depuis 2011, elle m'a sorti de mon milieu. Je suis rentré dans un tourbillon infernal où malheureusement on fait beaucoup de bêtises. J'ai dérapé. On est très sollicités par l'entourage en politique, en raison de notre position. Je suis sensible à la misère, je viens de ce milieu-là. Au début j'aidais avec mon argent. Malgré mon tempérament de leader, j'ai aussi des faiblesses, preuve en est".

"La politique c'est pire qu'une machine à laver, depuis 2014 j'annonce à mes amis mon retrait de la vie politique", a ajouté l'élu de la Polynésie française avant de confirmer qu'il allait se recentrer sur ses activités commerciales : "J'ai délaissé mes employés, ils m'en ont un peu voulu d'ailleurs, je vais les retrouver, c'est ce que j'aime faire".

Le président de l'association prête-nom Team Lead, un autre gamin de Punaauia, a quant à lui expliqué avoir agi sous la coupe d'un Jean-Paul Tuaiva qu'il admirait depuis longtemps, "c'est mon mentor", et dont il suivait les instructions à la lettre. Des SMS "accablants" ont été échangés entre les deux hommes et découverts pendant l'enquête. Heirani Tavaearii s'est dit soulagé quand il a appris que la justice allait enfin se mêler de cette affaire, ne sachant pas lui-même comment y mettre un terme.

C'est néanmoins lui qui avait constitué le dossier de demande de subvention pour le "projet" Team Lead, transmis en bonne et due forme au député et validé par l'Assemblée nationale. Un programme détaillé et ambitieux d'actions sociales au bénéfice de la jeunesse de Punaauia, mais qui ne verra finalement jamais vu le jour. A noter enfin que si les enquêteurs ont réussi à retracer l'essentiel de l'usage qui a été fait de l'argent détourné, le mystère demeure autour d'une somme d'un montant total de trois millions de francs. L'association Team Lead ne tenait officiellement aucune comptabilité.

Le tribunal correctionnel a mis sa décision en délibéré, le jugement sera rendu le 16 juin prochain.


Rédigé par RP avec ML le Jeudi 28 Avril 2016 à 13:06 | Lu 6818 fois