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Affaire OPT : Emile Vernaudon a-t-il touché des enveloppes ?


Affaire OPT : Emile Vernaudon a-t-il touché des enveloppes ?
Au tour d’Emile Vernaudon et d’Alphonse Teriierooiterai de s’expliquer devant le Tribunal, dans le cadre de l’instruction à l’audience du procès de l’affaire des annuaires téléphoniques de l’Office des postes et télécommunications (OPT).

Le Tribunal s’est penché, lundi et mardi matin 2 octobre, sur la période du dernier trimestre 2005 et du premier semestre 2006, durant laquelle Alphonse Teriierooiterai était président du Conseil d’administration de l’OPT et Emile Vernaudon, ministre des Télécommunications. Tous deux sont poursuivis pour les chefs de favoritisme et corruption passive dans cette affaire.
Fin 2005, le groupe 2H était redevable de pratiquement 700 millions Fcfp d’encaissements non reversés à l’Office, dont 525.5 millions Fcfp pour la seule société Yellow On Line. L’édition de l’annuaire 2006 sera tout de même confiée à une société écran du groupe 2H.

La convention avec la société Yellow On Line, attributaire du marché depuis 2003, est dénoncée en octobre 2005, en Conseil d’administration de l’OPT. Apparaît alors une nouvelle société : Club Edition Polynésie (CEP), dirigée en sous-main par Michel Yonker, l’homme de confiance d’Hubert Haddad et directeur du pôle polynésien du groupe 2H.
La société CEP est gérée par Simon Benichou. Elle réalise depuis 2000 un chiffre d’affaires de 4 millions Fcfp, bon an mal an, en vendant des encyclopédies au porte-à-porte et du linge de maison.

Cette société sera tout de même attributaire du marché de l’édition et de la régie publicitaire de l’annuaire OPT pour 2006. A cette époque, la société CEP a élu domicile dans les mêmes locaux que Yellow On Line, emploie le même personnel, utilise le matériel informatique et dispose de la même ligne téléphonique.

Le Tribunal s’est donc intéressé aux conditions dans lesquelles cette entité parvient en novembre 2005, à remporter le marché de l’édition et de la régie de la vente des espaces publicitaires de l’annuaire officiel 2006, alors qu’elle agit de toute évidence en société écran, alors que le Conseil d’administration de l’OPT vient de décider de rompre le contrat avec Yellow On Line pour non respect des termes, et qu’à l’époque tous les voyants sont dans le rouge entre l’OPT et le groupe 2H.

Lors de l’instruction de cette affaire en 2009, divers éléments caractérisent à l'encontre de Hubert Haddad le délit de corruption active à raison de sommes versées à Alphonse Teriierooiterai, et le délit de trafic d’influence actif à raison de sommes versées à Emile Vernaudon, peu avant et peu après l’octroi de ce marché : deux enveloppes d’espèces pour un total de 7 millions Fcfp.
Y a-t-il eu favoritisme ?

«On est juste chargé de mettre en place les décisions politiques»

Entendu à ce titre, Alphonse Teriierooiterai tergiverse : ce n’est pas lui, il a agi sous pression.
Un juge assesseur : Mr Teriierooiterai, vous êtes à l’époque patron d’une grande entreprise, l’OPT. Ne vous paraît-il pas bizarre que mis à la porte Hubert Haddad revienne par la fenêtre ?
« Les patrons, c’est pas nous », lance au Tribunal Alphonse Teriierooiterai. « On est juste chargé de mettre en place les décisions politiques. Cela se passe comme ça dans notre pays. Ici, à Tahiti, c’est comme ça »

La présidente du Tribunal à Emile Vernaudon : « Avez-vous touché des espèces, remises par Alphone Teriierooiterai et qui provenaient du groupe 2H ? »

« Pas du tout », répond Emile Vernaudon. « Alphonse ne m’a remis aucun chèque, aucun règlement »


Emile : « Pour moi, c’est Niet »


Alph. Teriierooiterai : Je ne me rappelle pas les dates exactement, mais il y a eu deux remises d’enveloppes. La première m’avait été donnée par Hubert Haddad, avec 4 millions Fcfp en liquide. La deuxième, c’est Aymée Haddad qui me l’a remise. Elle contenait 3 millions Fcfp.
Emile Vernaudon, mon ministre, m’avait appelé pour me dire : reçois Hubert Haddad !
Lorsqu’Hubert m’a remis son enveloppe, il m’a dit : j’ai l’habitude d’aider les partis politiques de Polynésie
Ces enveloppes ont été apportées à Emile Vernaudon par moi-même, à son domicile. Lors de la première remise Emile m’a dit : je n’ai pas l’habitude d’avoir autant de numéraire avec moi : prends 2 millions Fcfp pour toi.


Dubitative, la présidente se tourne vers Emile Vernaudon pour recueillir son témoignage : « Pour moi, c’est Niet », répond l’ancien ministre. « Tout ce qu’il dit, ça n’engage que lui ! »

« Les directives que je recevais venaient toujours de mon ministre », insiste Alphonse Teriierooiterai.


Plus tard, en mai 2006, à quelques jours de son remplacement au poste de Pca de l’OPT par Lydia Nouveau, Alphonse Teriierooiterai va signer, en présence d’Hubert Haddad, trois documents qui seront antidatés au 27 mars : un avenant à la convention avec Club édition Polynésie (CEP) reconduisant le marché pour les années 2007, 2008 et 2009 ; une indemnité d’éviction des sociétés Nova Vision et Publi Pacific engageant l’OPT de deux fois 18 millions Fcfp vis-à-vis du groupe 2H ; l’acceptation d’un protocole d’apurement de la dette de Publi Pacific.
Le tout dans des conditions très favorables au groupe 2H encore une fois.

La présidente du Tribunal : « On a l’impression, M. Teriierooiterai, que vous signez à cette époque là un peu n’importe quoi. »

« Très juste, répond-t-il, je n’étais pas du tout dans mon assiette : j’ai signé sur ordre. »

Une juge assesseur : « Pouvez-vous être plus précis : quelles sont ces pressions ? »

« Cette pression s’exerçait à tout moment. (…) Il y avait de la pression sur moi, mais également sur mon fils, DG de Tikiphone (Yannick Teriierooiterai, ndlr)»

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mardi 2 Octobre 2012 à 14:11 | Lu 1901 fois