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8 prévenus pour 9 kg d’ice au tribunal correctionnel


8 prévenus pour 9 kg d’ice au tribunal correctionnel
Une affaire de trafic d’ice qui a eu lieu en 2021 était jugée ce mardi au tribunal correctionnel de Papeete. Huit prévenus comparaissaient, dont un chef d’orchestre et un organisateur, tandis que trois d’entre eux ont servi de mules.
 
L’affaire jugée ce mardi au tribunal correctionnel, réglée “comme du papier à musique” et pour laquelle “chacun a joué sa partition” selon le procureur, s’est déroulée en 2021. Toujours selon le procureur, “quelques fausses notes” ont été relevées. “Une photo contrastée” a tout de même permis d’établir un “déroulement cohérent du puzzle”.
 
Planifiée plusieurs mois en amont, l’opération s’est déroulée en deux temps avec deux équipes. Huit prévenus ont été mis en cause. Trois d’entre eux ont pris l’avion le 14 août, ils ont acheté à des Mexicains près de 9 kg d’ice qu’ils ont conditionnés puis déposés dans des sacs laissés à l’accueil d’un hôtel. Les mules, elles, ont voyagé sur un vol parti le 19 août. Elles se sont rendues à Los Angeles avec pour mission officielle de photographier leur séjour dans le cadre d’un système pyramidal.
 
Diversion à l’aéroport de Faa’a
 
Une partie de l’équipe a séjourné dans la même suite. Vol, transport, logement et même argent de poche avaient été pris en charge par l’organisateur de l’opération. Tous sont rentrés quelques jours plus tard avec la marchandise répartie en deux sacs et cachée dans des objets de consommation. L’organisateur avait pris soin d’alerter au préalable les douaniers pour les orienter vers deux des prévenus qui n’avaient pas la drogue pour faire diversion.
 
À la barre, ce mardi, les prévenus au profil varié se sont relayés avec des stratégies de défense différentes. Le chef d’orchestre par exemple, qui a fourni le contact des vendeurs à Los Angeles et partagé son expérience en matière de trafic avec l’organisateur, a reconnu son implication. “Oui, c’est moi qui ai donné le numéro et expliqué qu’il fallait trouver des mules.” À propos de son expérience et de ses précédentes opérations d’importation, il a indiqué : “Je suis joueur, ce n’est pas tant l’argent qui m’intéresse que le risque”. Il est détenu depuis mars 2022 et ne doit pas sortir avant 2030 : “Heureusement que l’on m’a arrêté, j’aurais peut-être continué sans cela”.
 
Les mules ont justifié leur participation en raison de difficultés personnelles et financières. Entre 5 et 10 millions de francs avaient été promis à chacune. L’un des prévenus qui devait acheter la drogue a, lui, reçu une avance financière de 20 millions de francs. L’opération était, de fait, lucrative.
 
Un prévenu a assuré avoir fait le voyage pour se “changer les idées” alors qu’il était à l’aube d’un changement de vie. Sa femme, gendarme, avait été mutée en France. Un autre a affirmé avoir fait le déplacement pour remplir la mission qui lui avait été officiellement affectée, à savoir prendre des photos pour illustrer un concept. Enfin, l’un d’eux dit avoir séjourné à Los Angeles pour acheter des pièces d’horlogerie commandées par son père. Un dernier a refusé au dernier moment de participer à l’affaire.
 
“J’ai manipulé tout le monde”
 
L’organisateur, lui, a souvent changé de version pendant l’instruction. Au tribunal, il est resté peu disert. Il aurait recruté les mules, préparé l’opération, fait pression sur certains prévenus qui voulaient faire marche arrière et menacé leur famille. Il a seulement indiqué : “Oui, je suis coupable. J’ai manipulé tout le monde.” Mais il a refusé de s’expliquer. “Comme ici c’est cher, j’ai acheté l’ice ailleurs.” Il avait déjà été condamné pour plusieurs délits. “J’ai essayé voleur, j’ai essayé de ramener de l’ice ici, j’ai vu que ça ne marchait pas, je vais aller travailler.” Et le président du tribunal d’ajouter : “Vous avez été long à comprendre !
 
Le procureur a requis des peines d’emprisonnement allant de 1 à 7 ans avec confiscation des scellés. Il a surtout, pour la moitié des prévenus, requis le paiement d’une amende douanière solidaire de 900 millions de francs.
 
L’un des avocats des prévenus, à ce propos, a proposé un calcul. Une personne, condamnée à une telle somme, qui verserait tous les mois la moitié d’un Smig, aurait besoin de mille ans pour la rembourser dans son intégralité. “ Ce n’est pas conceptualisable.” Pour être efficace, une amende doit être “payable”. “C’est une peine perpétuelle qui n’a pas d’équivalent, même quand on tue, ou que l’on viole, on est condamné au plus à 25 ans !
 
Pour certains avocats, l’opération a tenu plutôt “de la cacophonie” que de la symphonie. “Et je sais que vous aurez l’oreille assez fine pour savoir qui joue juste, et qui joue faux.” L’avocat du chef d’orchestre a considéré, pour sa part, que l’opération n’avait pas été finement organisée, qu’elle manquait de professionnalisme. “Où a-t-on vu payer une avance de 20 millions de francs ?” Et puis, “nous avions deux équipes qui ne devaient pas se voir et qui se sont croisées, des bagages délaissés, une personne qui a abandonné.”
 
Finalement, les prévenus ont écopé de peines allant d’un an d’emprisonnement avec sursis probatoire de six mois pendant deux ans à 8 ans de prison avec confusion de peines pour le chef d’orchestre. Ce dernier a d’ores et déjà été condamné à 7 ans, il passera une année de plus en prison. Quatre des huit prévenus auront aussi à payer l’amende douanière solidaire de 900 millions de francs.
 

Rédigé par Delphine Barrais le Mardi 10 Juin 2025 à 20:54 | Lu 1689 fois