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​Questionnement sur les licences des agences de voyages


Les agences de voyages fonctionnent sur un régime d’obtention de licences. Le Pays souhaite les modifier. L’APC propose de les supprimer.
Les agences de voyages fonctionnent sur un régime d’obtention de licences. Le Pays souhaite les modifier. L’APC propose de les supprimer.
Tahiti, le 28 août 2025 - L’Autorité de la concurrence a publié jeudi son avis sur le projet de loi du Pays sur les conditions d’exercice des activités relatives à l’organisation de voyages et de séjour touristiques. Un nom de texte un peu barbare qui désigne plus précisément les agences de voyages et les excursionnistes. Si le Pays souhaite conserver, et réformer, le système d’homologation par licences, l’APC rappelle pour sa part que la pratique peut être accompagnée d’effets “anticoncurrentiels” et propose de l’abandonner.

 
L’Autorité polynésienne de la concurrence (APC) a été saisie pour avis par le gouvernement sur “l’évaluation d’un niveau de garantie financière adapté à chacune des trois licences” nouvellement créées dans le projet de loi du Pays sur les conditions d’exercice des activités relatives à l’organisation de voyages et de séjour touristiques, ainsi que sur “l’état général de la concurrence dans le secteur du voyage, notamment au regard de la transition numérique de l’offre de services touristiques”. Un projet de loi sur lequel 70 % des professionnels actuels ont déclaré ne pas avoir été consultés.
 
Ce projet de loi du Pays, porté par Warren Dexter, ministre de l’Économie, et le Service du tourisme, se veut la garantie de la modernisation de la réglementation applicable aux activités des professionnels organisant des voyages et séjours touristiques, dans un contexte où le tourisme est un secteur en pleine croissance.
 
En effet, le Service du tourisme recense actuellement 31 agences de voyages titulaires d’une licence sur le territoire de la Polynésie française. Toutes ces agences sont réunies sous le coup d’une loi de 1987 instituant deux licences – A pour les agences de voyages, B pour les excursions –, sous un millefeuille de réglementations que Warren Dexter entend simplifier avec sa nouvelle proposition de loi.

Passer de deux à trois licences

La réforme portée par le gouvernement prévoit de “remplacer l’actuel système à deux licences par un dispositif à trois licences, afin de clarifier le périmètre d’activité des opérateurs touristiques”. Un nouveau découpage qui permettrait de "distinguer d’un côté les agences de voyages spécialisées dans l’organisation de séjours et voyages à l’intérieur de la Polynésie française et vers ou en provenance de l’extérieur de la Polynésie française, et de l’autre côté les agences spécialisées dans les voyages exclusivement au départ de la Polynésie française, lesquelles constituent un marché plus restreint”, explique le rapport de l’Autorité de la concurrence.
 
Trois licences seraient donc fournies. La licence A, dite “Tere Ao”, qui autorise l’organisation et la vente de voyages ou séjours à l’intérieur de la Polynésie française et vers ou en provenance de l’extérieur de la Polynésie française ; la licence B, dite “Tere Ara”, qui concerne exclusivement les voyages organisés au départ de la Polynésie française ; et la licence C, dite “Haere Mai”, qui correspond à la licence des bureaux de séjours qui permet la vente des prestations, uniquement à l’intérieur de la Polynésie française, à l’exclusion de la vente de titres de transport aérien ou maritime, de navigation charter et de croisière. Une nouveauté qui serait développée pour les comités de tourisme locaux dans les îles.
 
Dans le détail, la proposition de Warren Dexter durcit et assouplit à la fois la profession. Il prévoit par exemple qu’aucune licence ne pourra être détenue par une personne ayant, depuis moins de dix ans, été frappée d’une interdiction d’exercer une fonction publique, d’une interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle, ou condamnée définitivement à une peine criminelle, à une peine d’au moins trois mois d’emprisonnement sans sursis pour escroquerie, abus de confiance, recel ou infractions assimilées, blanchiment, corruption active ou passive, trafic d’influence, soustraction ou détournement de biens, etc. Un durcissement donc, adouci par un nouvel article qui en revanche ouvre la profession sans condition de qualification. Les demandes seront désormais instruites par le Service du tourisme.
 
Si le texte de loi devait être voté puis promulgué, les opérateurs du tourisme déjà en activité auraient six mois pour se conformer au nouveau texte. Au-delà, leurs licences seraient perdues.

Deux APC, un même constat

Si le Service du tourisme a souhaité, dans un premier temps, l’abandon des licences pour ouvrir à une “libéralisation totale de la profession”, il a finalement pris le parti opposé, le justifiant par la nécessité de “garder la maîtrise du marché des agences de voyages et des bureaux d’excursions en Polynésie française qui est un marché de taille modeste, afin qu’aucun acteur ne puisse opérer sur simple déclaration de son activité”, explique l’APC sur le sujet.
 
Un argument que ne goûte pas l’APC qui rappelle que “la réglementation de l’accès à une profession par un régime de licences soulève généralement diverses problématiques clairement identifiées comme pouvant porter atteinte au fonctionnement concurrentiel des marchés”.
 
“Un régime de licences peut s’accompagner d’effets anticoncurrentiels, en limitant les incitations à l’innovation et à l’amélioration de la qualité des services, en réduisant l’offre de services pouvant avoir pour conséquence une augmentation des prix, voire en générant des rentes de monopole au profit des professionnels déjà installés”, poursuit l’avis de l’APC qui souhaite l’abandon de ce régime de licences contre la mise en place d’un régime déclaratif moins contraignant. L’APC de la Nouvelle-Calédonie était d’ailleurs parvenue à une conclusion similaire.

Synthèse des recommandations

- Substituer au régime d’autorisation de l’exercice de la profession d’agent de tourisme ou de voyages par l’octroi d’une licence, un régime de déclaration avec enregistrement de la déclaration dans un registre d’immatriculation, permettant à l’administration de vérifier le respect des conditions essentielles à l’exercice de l’activité en question.
- En cas de maintien de l’octroi de la licence, attribuer cette licence directement aux représentants légaux des structures concernées afin de faire peser le régime de sanction sur les personnes réellement en charge de la gestion des structures.
- Envisager la mise en place d’un label qualité tourisme spécifique aux professionnels du secteur, sur la base de critères transparents, objectifs et non discriminatoires.
- Supprimer de la réglementation la liste des incapacités et interdictions d’exercer l’activité d’agence de voyages et de bureau de séjours pour les personnes ayant depuis moins de dix ans fait l’objet des condamnations pénales visées par le projet de texte.
- Remplacer le rejet implicite par une acceptation implicite et prévoir qu’en cas de refus explicite, celui-ci doit-être motivé.
- En cas de maintien de la possibilité de rejet de la demande par l’autorité compétente, prévoir que le rejet soit explicite et dûment motivé ;
- Les modalités d’instruction des dossiers par le Service du tourisme doivent reposer sur des dispositions transparentes, objectives et non discriminatoires, telles qu’une file d’attente dans laquelle les demandeurs prendraient rang à la date de complétude de leur dossier.
- Imposer aux comités du tourisme concernés par ce risque de confusion de dissocier de manière claire les deux activités, en intégrant une contrôlabilité de cette dissociation par l’autorité compétente ;
- En cas d’impossibilité de dissocier de manière certaine les deux activités, interdire aux comités du tourisme concernés de pétitionner à la licence de bureau de séjours ou interdire la désignation de dirigeants à la tête des comités du tourisme ayant des intérêts dans des sociétés de prestations touristiques.
- Abandonner le système de garantie forfaitaire et unique pour tous les pétitionnaires à la même licence, au profit d’un système permettant l’individualisation du montant à garantir, par exemple en le corrélant avec le volume d’affaires ou le chiffre d’affaires réalisé à l’année N-1 pour les professionnels déjà en activité ;
- Pour les nouveaux entrants, fixer pour la première année un montant plancher, objectif et non discriminatoire, en-dessous duquel le montant de la garantie ne peut descendre, pour accéder à la profession, par exemple sur la base du chiffre d’affaires prévisionnel ;
- Prévoir, si nécessaire des montants planchers transitoires et graduellement augmentés avant d’atteindre le montant plancher de référence.

Rédigé par Bertrand PREVOST le Jeudi 28 Août 2025 à 19:01 | Lu 2503 fois