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​Les syndicats attaquent le revenu de solidarité


Tahiti, le 22 avril 2020 - Les confédérations syndicales CSTP-FO, CSIP, Otahi, O Oe to oe rima et le SFP ont déposé mardi un recours au Conseil d’Etat contre le texte instaurant le revenu de solidarité exceptionnel de 100 000 Fcfp par mois en cas de suspension du contrat de travail d’un salarié. Ils contestent la condition du dispositif qui oblige les salariés à épuiser la totalité de leurs congés payés pour bénéficier de la mesure, mais leur recours pourrait faire annuler l’ensemble de la loi du Pays.
 
C’est un recours qui pourrait être particulièrement lourd de conséquences. Mardi, les confédérations syndicales CSTP-FO, CSIP, Otahi, O oe to oe rima et le Syndicat de la fonction publique (SFP) ont déféré au Conseil d’Etat l’article 6 du le loi du Pays votée le 26 mars dernier à l’assemblée, instaurant le fameux “revenu de solidarité exceptionnel” de 100 000 Fcfp pour les salariés en suspension de contrat de travail. Voté lors de la première séance de la session extraordinaire de l’assemblée organisée après le déclenchement de la crise du coronavirus, cette loi du Pays rassemblait l’ensemble des premières mesures décidées par le gouvernement dans son plan de sauvegarde de l’économie.
 
Mais pourquoi les syndicats de salariés attaquent-ils un tel dispositif, alors même qu’ils appelaient de leurs vœux la mise en place de ce revenu de solidarité dès les premiers jours de la crise ? Parce qu’ils contestent l’une des conditions imposée pour pouvoir bénéficier de ce revenu de 100 000 Fcfp : l’obligation pour le salarié d’avoir épuisé la totalité de ses congés payés avant de pouvoir en bénéficier. “On n’est pas, sur le principe, contre ce dispositif d’aide. Mais nous contestons la conditionnalité qui est imposée de prendre la totalité des jours de congés pour bénéficier du dispositif du Pays”, confirme le secrétaire général du Syndicat de la fonction publique, Vadim Toumaniantz. “Par ailleurs, le texte précise que l’aide sera limitée aux ressources financières du Pays. Or ce n’est pas possible, parce qu’il s’agit d’une aide qui doit pouvoir bénéficier à tous les salariés.”
 
Toutes les mesures de crise menacées
 
D’une façon générale, les syndicats reprochent au Pays son “manque de communication” et de “discussion” lors de la prise de décision sur les mesures du plan de sauvegarde économique. “On n’a pas demandé à faire sauter l’intégralité du texte”, affirme Vadim Toumaniantz, “il n’y a qu’un seul article qui est attaqué”. Problème, vus les arguments soulevés par les syndicats, le Conseil d’Etat pourrait être amené à invalider au moins intégralement le dispositif du revenu de solidarité exceptionnel, voire même l’intégralité de la loi du Pays qui met en place –entre autres– le dispositif exceptionnel de sécurisation de l’emploi (Di.E.S.E.), le dispositif exceptionnel de sauvegarde de l’emploi des travailleurs indépendants (D.E.S.E.T.I.), l’indemnité de solidarité pour les patentés, l’indemnité exceptionnelle en faveur des salariés qui ont perdu leur emploi ou encore la Convention d’Aide exceptionnelle de solidarité (CAES)…
 
En effet, le Pays a été plutôt vite en besogne pour prendre ce texte et le rendre applicable le plus rapidement possible, s’exonérant au passage de certaines procédures réglementaires obligatoires pour les loi du Pays. Premier vice de procédure soulevé par le recours des syndicats, le texte a été promulgué dès le lendemain de son vote à l’assemblée, alors qu’un délai de publication est d’ordinaire obligatoire avant promulgation d’une telle loi du Pays. Second vice de procédure dénoncé par la requête, les mesures du plan de sauvegarde économique ont toutes été ajoutées par amendement à une loi du Pays qui n’était initialement destinée qu’à modifier le Contrat de soutien à l’emploi (CSE), en zappant au passage l’avis du Conseil économique, social, environnemental et culturel (Cesec). Et en la matière, le Pays a déjà vu quelques-unes de ses récentes lois du Pays être invalidées pour non saisine du Cesec lorsque la quatrième institution du Pays était en sommeil courant 2018.
 
Par ailleurs, plusieurs autres arguments sont soulevés notamment sur la définition des congés payés. “La période de confinement n’est pas une période de congés. Ça a été validé au niveau de la cour de justice de l’Union européenne, selon qu’il s’agit d’une période de repos et de loisir. Ce qui ne correspond pas à la période de confinement. A la limite, je veux bien qu’on parle de repos, mais l’aspect loisir est quand même un peu douteux”, poursuit Vadim Toumaniantz. “C’est une situation exceptionnelle et il n’y avait pas de solution miracle. Ceci dit, si le gouvernement était venu nous voir et nous avait proposé une limite de six jours de congés ou de récupération comme en métropole, aucun syndicat n’aurait déposé de recours”.
 
Quelles conséquences ?
 
Les conséquences potentielles d’un tel recours sont encore assez difficiles à définir, notamment sur l’annulation totale ou partielle du texte et de ses différentes mesures. En principe, un tel recours devant le Conseil d’Etat suspend l’application de la loi du Pays. Ce qui signifierait une suspension immédiate des délivrances de revenus de solidarité exceptionnels, voire même des autres indemnités de solidarité pour les patentés, CAES et indemnité exceptionnelle pour les salariés qui ont perdu leur emploi. Hier, le gouvernement annonçait justement avoir déjà dépensé 843 millions de Fcfp pour ces différents dispositifs, bénéficiant à 3 895 salariés, 5 419 patentés et 850 personnes ayant perdu leur emploi… Mais en cas d’annulation d’un tel texte, l’autre conséquence serait l’obligation pour les bénéficiaires de cette (ou de ces) aide(s) de rembourser l’argent qu'ils ont touché…

Rédigé par Antoine Samoyeau le Mercredi 22 Avril 2020 à 15:44 | Lu 12974 fois