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​Le retour de Hōkūle’a célébré à Tautira


Les habitants de Tautira et des communes voisines ont afflué par centaines pour accueillir Hōkūle’a (Crédit : Anne-Charlotte Lehartel).
Les habitants de Tautira et des communes voisines ont afflué par centaines pour accueillir Hōkūle’a (Crédit : Anne-Charlotte Lehartel).
Tahiti, le 28 juillet 2025 – Cinquante ans après, les liens d’amitié et de fraternité avec la pirogue traditionnelle Hōkūle’a et son équipage sont intacts dans le village du sud de Tahiti. Danses, chants et cérémonies culturelles se sont succédé sur la plage de Tatatua, ravivant de nombreux souvenirs chez les anciens, tout en valorisant la nouvelle génération.

 
Arrivée le 28 juin à Papeete, la pirogue traditionnelle Hōkūle’a poursuit son voyage au Fenua. Ce lundi, elle avait rendez-vous avec Tautira. Des centaines de personnes ont afflué sur la plage de Tatatua pour accueillir le va’a et son équipage dans une ambiance festive et chaleureuse. Guidés par la petite pirogue à voile du parc, les jeunes rameurs sont allés à la rencontre de Hōkūle’a pour l’escorter jusqu’au rivage, où une haie d’honneur avec des rames a guidé les navigateurs vers le terrain de beach soccer, transformé en site de cérémonie.
 


Souvenirs et émotions


Un moment riche en émotions pour les habitants du village. Près de cinquante ans après le premier passage de la pirogue à Tautira en 1976, ce retour ravive de nombreux souvenirs pour Mata Hamblin, ancienne rameuse de Maire Nui, qui était présente ce jour-là : “Je me souviens bien de cette pirogue et de son équipage. C’était une joie pour nous qui n’avions jamais vu de notre vie une pirogue capable de traverser l’océan. Aujourd’hui, c’est une famille qui revient !”
 
Vive émotion aussi pour Vaitiare Deane, fille de l’ancien maire délégué de Tautira, Sanne Matehau. “Avant, quand on habitait au village, on faisait partie des familles qui hébergeaient les marins. Aujourd’hui, ce sont les pirogues Hōkūle’a et Hikianalia qui sont stationnées chez nous, en bord de mer. C’est un honneur ! Et on est fiers d’être à nouveau réunis en mémoire de ceux qui ne sont plus là”, confie-t-elle.
 
Pour Arnold Toheira, président du comité du tourisme de Tautira-Fatutira, cette mobilisation de grande ampleur était une évidence : “C’est un événement qui a toujours été célébré par nos parents et nos grands-parents, donc c’est magnifique de pouvoir leur rendre hommage en poursuivant cette tradition”.
 
Dans cette optique, 160 photos ont été exposées sous un manguier après un important travail de collecte supervisé par Vaihei Paepaetaata, jeune habitante du district : “J’ai proposé une exposition pour rappeler ce lien tissé il y a cinquante ans entre les rameurs de Maire Nui et l’équipage de Hōkūle’a. Les familles partagent avec joie ces souvenirs qu’elles avaient chez elles. Ça permet de mettre des visages sur des noms dont on entend souvent parler. D’ailleurs, les gens ont la possibilité de participer en identifiant les personnes”.
 


Une jeunesse impliquée


Les percussions traditionnelles, les ‘ōrero, les chants et les danses des tamari’i Tautira ont résonné tout au long de la journée, au terme de trois mois de préparation. Parmi les danseuses référentes, Ohau Taraufau avait la responsabilité des enfants, du rahiri et du spectacle final. “En 2014, lors du précédent accueil de Hōkūle’a, j’étais à leur place, donc ça me fait plaisir de contribuer à cette transmission. L’objectif, c’est de faire participer nos jeunes et de faire revivre Tautira avec un rassemblement populaire”, se réjouit-elle.
 
Les familles ont également pu profiter d’ateliers culturels et créatifs. “Pour rester sur le thème de l’amour et la protection de la mer, on explique aux enfants comment on fait des nœuds marins, on les initie à la peinture avec des fleurs de fara, on construit la maquette d’une pirogue et on leur propose aussi de la peinture sur tissu. C’est une façon de rendre la navigation accessible à tous”, remarque Hinatea Lefay, ex-présidente de Faafaite, originaire de Tautira.
 
Mémorable à plus d’un titre, cette journée a été marquée par un recueillement autour du tiki du sculpteur Tunui Salmon, implanté face à la baie de Tautira depuis 1992. À cette occasion, l’œuvre a été nommée Te Ao Mārama. “C’est ‘Le Monde de Lumière’ pour aborder les prochaines décennies de Hōkūle’a de façon éclairée”, explique l’artiste.
 
Préparé grâce aux dons et à la motivation de nombreux bénévoles, un ma’a Tahiti prévu pour 1 500 convives est venu clore ces retrouvailles. Elles seront de courte durée, puisque Hōkūle’a devrait quitter la Polynésie début août pour poursuivre son périple de trois ans à travers l’océan Pacifique.
 

La parole à...

Anthony Jamet, maire de Taiarapu-Est : “Il est indéniable de dire que l’expérience de Hōkūle’a a marqué un tournant culturel majeur pour l’ensemble des peuples polynésiens. (...) Ces techniques impliquent la lecture des étoiles, des vagues, des oiseaux, des éléments. Au-delà de ce concept, il en existe un autre, indissociable de la vie d’un ihitai ou d’un marin, celui qui nous réunit aujourd’hui. Ce concept est celui de la dimension humaine, reliée à la solidarité des peuples des îles.”
 
Ueva Hamblin, maire délégué de Tautira : “C’est avec un profond respect et une grande émotion que nous accueillons les pirogues Hōkūle’a et Hikianalia, ainsi que leurs équipages sur la terre de Tautira pour célébrer ce cinquantième anniversaire. Leur présence réveille en nous une mémoire collective, un lien profond, ancien et puissant, qui unit nos deux peuples. Hōkūle’a, ce n’est pas qu’une pirogue, c’est une étoile, une mémoire, une prière sur les vagues. C’est le souffle du Pacifique qui nous relie de Hawai’i à Tahiti, de nos ancêtres à nos enfants.”
 
Nainoa Thompson, maître-navigateur hawaiien : “En rentrant, j’ai dit à ma grand-mère que j’avais donné ma croix (qu’elle lui avait offerte pour le protéger lors de sa première traversée, NDLR) à des gens spéciaux dans un endroit spécial (...). Elle m’a regardé droit dans les yeux, comme si elle venait de se réveiller dans le Hawai’i d’autrefois, où ce n’était pas l’argent qui définissait qui nous sommes, mais la gentillesse. Tout le monde était en sécurité et personne n’était à la rue. Tous les enfants avaient un foyer et de quoi manger. Elle m’a dit que c’était comme avant, et que si des gens de Tautira venaient à leur tour à Hawai’i, ils resteraient à la maison. Et les champions de Tautira sont venus (...). Le jour où je suis venu pour la première fois dans ce village, il y a 49 ans, mon monde a changé : nous sommes devenus une famille.”










Rédigé par Anne-Charlotte Lehartel le Lundi 28 Juillet 2025 à 19:17 | Lu 2147 fois