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​La science participative se jette à l’eau


Les élèves ont assuré les échantillonnages en suivant les consignes des scientifiques. Trois prototypes de metaprobes ont été imprimés au lycée Taiarapu Nui (Crédit : Anne-Charlotte Lehartel).
Les élèves ont assuré les échantillonnages en suivant les consignes des scientifiques. Trois prototypes de metaprobes ont été imprimés au lycée Taiarapu Nui (Crédit : Anne-Charlotte Lehartel).
Tahiti, le 13 mai 2025 – Dans le cadre d’un projet innovant, des chercheurs basés à l’Ifremer de Vairao travaillent en partenariat avec des élèves du lycée Taiarapu Nui. L’objectif ? Expérimenter un nouveau protocole de prélèvement d’eau de mer pour les analyses d’ADN environnemental, grâce à des petites sphères sur-mesure : les metaprobes.  

 
Ce mardi, 12 élèves du lycée polyvalent Taiarapu Nui de Taravao spécialisés en Sciences de la vie et de la Terre (SVT) avaient rendez-vous à l’Ifremer pour participer à un projet de recherche. Une première équipe a effectué des prélèvements d’eau de mer à l’aide de bidons à l’entrée de Vairao, à la passe et au banc de sable, tandis que l’équipe suivante a tenté une autre approche avec un outil inédit.
 
“Actuellement, on utilise un protocole qui consiste à filtrer 20 litres d’eau pour capturer un maximum de traces génétiques. Ce dispositif a des avantages et des inconvénients. Il prend de la place, surtout quand on doit aller dans les îles. Autre souci : quand on doit échantillonner des rivières par temps pluvieux, l’eau est chargée en sédiments qui colmatent rapidement notre système de filtration, qui est déjà très long”, précise Yann Dorant, chercheur en génétique. Il pilote ce projet avec ses collègues Vaihiti Teaniniuraitemoana et Julien Rouxel au sein de l’Unité mixte de recherche (UMR) Santé des écosystèmes polynésiens (Secopol), qui regroupe plusieurs instituts de recherche, dont l’Ifremer.
 

La préparation et les analyses sont effectuées en laboratoire à l’Ifremer.
La préparation et les analyses sont effectuées en laboratoire à l’Ifremer.

Les metaprobes à l’épreuve


D’autres techniques d’échantillonnage existent, mais elles demandent à être validées localement. C’est le cas de la metaprobe, une sphère en plastique avec des trous dans laquelle sont placés des morceaux de compresses stériles. Sur la base de plans libres de droit, trois prototypes ont été réalisés à l’imprimante 3D par des élèves de Sciences et technologies de l’industrie et du développement durable (STI2D) et leur professeur en sciences de l’ingénieur, Frédéric Dario. “Cette petite boule ne pèse que quelques grammes, elle ne coûte pas cher et elle est facile à décontaminer. C’est beaucoup plus pratique”, souligne Yann Dorant.
 
Guidés par Corentin Vincent, volontaire en service civique spécialisé en biologie moléculaire, les élèves ont assuré la préparation en laboratoire. Ils ont également été initiés à l’utilisation d’une micropipette et d’un spectrophotomètre. En mer, ils ont assuré la mise à l’eau des sphères à l’aide de cordages. Elles sont restées immergées quelques minutes à une profondeur de cinq mètres environ. “Ce projet permet d’intégrer pleinement les élèves pour la partie scientifique. L’autre intérêt, c’est de leur faire découvrir l’Ifremer, nos approches et les différents métiers”, remarque Yann Dorant, qui espère susciter des vocations.
 
Concentrés et appliqués, les élèves de première et de terminale ont apprécié la démarche. “C’est très enrichissant. On découvre des outils qu’on n’a pas au lycée en travaux pratiques. Depuis que c’est devenu concret, ce projet nous intéresse vraiment. On a hâte de connaître les résultats !” confie Lise Rouxel, accompagnée de son professeur de SVT, Christophe Mou.
 
Prochaine étape : extraire les molécules d’ADN et comparer l’efficacité des deux techniques de prélèvement en ciblant les bactéries et les organismes pluricellulaires. Les élèves seront de retour sur site vendredi pour participer à la fin de l’extraction et aux mesures, dont les premiers résultats seront déterminants pour la suite du projet.
 

Il s’agit de comparer avec la technique actuelle, qui consiste à prélever et filtrer 20 litres d’eau de mer.
Il s’agit de comparer avec la technique actuelle, qui consiste à prélever et filtrer 20 litres d’eau de mer.

​Quelles applications ?

Les prélèvements d’eau intéressent différents projets d’étude. “Avec des suivis réguliers, on cherche par exemple à savoir si des vagues de chaleur peuvent impacter la biodiversité dans des atolls où on cultive l’huître perlière, pour essayer de déceler des événements de perturbation de l’écosystème. Autre exemple avec la question de la baie Phaëton en tant que nurserie de requins-marteaux : en prélevant de l’ADN dans l’eau tous les 15 jours, on peut être capables de dire s’ils sont là et à quelle période de l’année”, explique Yann Dorant.

Rédigé par Anne-Charlotte Lehartel le Mardi 13 Mai 2025 à 17:19 | Lu 1475 fois