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​La fête de l’autonomie chassée du Parc Paofai


Tahiti, le 26 juin 2025 - Dans un communiqué transmis aux rédactions ce jeudi matin, le groupe Tapura à l’assemblée de la Polynésie française s’offusque du refus par le gouvernement de la tenue de la célébration de la fête de l’autonomie ce dimanche au Parc Paofai.


"Malgré les assurances données depuis le 10 juin, le gouvernement Brotherson a refusé l’accès à l’espace symbolique de la stèle de l’Autonomie pour la tenue de notre cérémonie du 29 juin", explique le communiqué en préambule.

"Ce refus est un acte politique grave", explique le Tapura. "Il révèle une fois de plus une volonté délibérée d’effacer un pan fondamental de notre histoire."

Dans un courrier signé de Moetai Brotherson envoyé mercredi, seulement quatre jours avant la cérémonie du 29 juin, le président du Pays explique pour sa part, 15 jours après la demande officielle par la mairie de Papeete, que "l’ensemble du parc a été réservé du 23 au 30 juin 2025 inclus pour l’accueil de la pirogue double Hokule’a”.

Il propose à la ville de Papeete, organisatrice de la cérémonie du 29-Juin, de se rapprocher du Service des parcs et jardins pour voir si une "disponibilité partielle" peut être trouvée.

La cérémonie se déroulera donc à la mairie de Papeete. L’accueil du public se fera dès 14 heures pour un début à 15 heures.

Quant à la pirogue double hawaiienne, son arrivée est prévue ce samedi 28 juin.

Moetai Brotherson, président du Pays : “On n'interdit rien du tout”

Nous avons reçu un communiqué du Tapura expliquant que la cérémonie à la stèle de l'autonomie pour le 29 juin avait été interdite par le gouvernement. Que répondez-vous ?
 
“On n'a rien interdit du tout. Tout simplement, nous avons reçu le 17 mars une demande de l'association Friends of Hōkūle'a pour les cérémonies d'accueil qui sont à Moorea aujourd'hui et qui seront accueillies comme il se doit, samedi, au parc Paofai, et on n'a pas la certitude que l'ensemble des dispositifs qui seront placés, les chapiteaux, les estrades, etc., pourront être démontés à temps pour le 29. C'est le sens de la réponse qui a été faite à la mairie de Papeete, puisque de manière un peu étrange, c'est la mairie de Papeete, et pas les partis autonomistes, qui nous a fait la demande. Si on arrive à tout démonter le 28 (ce qui est impossible puisque les agents ne travaillent pas le dimanche et que ces infrastructures ont été montées pour tout le week-end, NDLR), ils pourront disposer du parc, il n'y a aucune interdiction, c'est ridicule.”
 
Dans le timing, vous auriez peut-être pu répondre quatre jours avant l'événement puisque vous saviez depuis le 17 mars que l'espace était réservé...
 
“En timing, ce qui aurait été bien, c'est peut-être que les autonomistes, qui normalement se souviennent que le 29 juin c'est tous les ans à la même époque, nous fassent la demande avant.”
 
Le Tapura qualifie ce refus “d'acte politique grave”...
 
“Venant du Tapura, cela ne m’étonne pas. Je tiens quand même à préciser une chose : ce que je trouve choquant, c'est que des collaborateurs du Tapura, anciens membres de l'ancien gouvernement, se croient encore au gouvernement et se permettent d'appeler directement les chefs de service pour dire on fait ci, on fait ça, réserve-moi ci, réserve-moi ça... ce n'est pas comme ça que ça marche.”

Édouard Fritch : “Le moindre respect, c'est d'accepter que les autres soient différents”

Comment réagissez-vous aux explications du président du Pays selon lesquelles le lieu était déjà réservé pour l'arrivée de la pirogue Hōkūle'a ?
 
“La pirogue arrive samedi, ce qui veut dire que dimanche, c'est libre.”
 
Il évoque des questions de logistique, que c'est compliqué de tout démonter...
 
“Nous ne sommes pas des gens compliqués. Nous venons avec nos micros, quelques chaises pour nos personnes âgées et nos drapeaux, c'est tout. Nous n'avons pas besoin de logistique. Vous avez bien compris que tout cela est une manigance. J'étais convaincu, silencieusement au départ, que nous n'aurions jamais le site de Paofai, nous avons tenté le coup mais ce refus vient attester que monsieur Moetai Brotherson veut rayer du calendrier polynésien le 29 juin, c'est tout. Il ne faut pas s'en étonner. On peut voir des circonstances atténuantes mais non, il ne changera pas d'avis, c'est viscéral.”
 
Il vous reproche aussi la manière de faire...
 
“Je ne sais pas, il faut que je voie mes collaborateurs mais effectivement, je comprends aussi les collaborateurs qui ne vont pas appeler monsieur Moetai Brotherson pour régler des problèmes de logistique. Qu'est-ce que ça veut dire ? Il faut avoir de la franchise, c'est tout. On se rapatrie vers la mairie de Papeete puisque tāvana Michel Buillard a accepté que l'événement se produise chez lui et nous prête la mairie. (...) Mais c'est triste d'en arriver là. Parce que vous savez, lorsqu'il y a eu l'aménagement du Flamboyant, j'ai eu l'occasion de discuter longuement avec Oscar Temaru, maire de Faa'a, président du Tavini, car il avait besoin de ce site pour toutes ses commémorations. Il a commencé déjà avant de nous parler du monument qu'il a fait là-bas pour rappeler que l'ONU a pris en compte les revendications polynésiennes... Je ne me suis pas opposé ! Je pense que le moindre geste de respect, c'est d'accepter que les autres soient différents de nous-mêmes et c'est ce que j'ai fait. Mieux que cela puisque pour éviter qu'à l'avenir, il ait des problèmes d'organisation et qu'il soit obligé de demander des autorisations, le site a été affecté à la commune de Faa'a. Ce n'est pas du fair-play, c'est du respect parce que nous devons vivre tous ensemble avec nos différences.”
 

Nicole Sanquer : “Ça confirme la volonté du gouvernement de vouloir empêcher cette manifestation”

La fête de l'autonomie ne pourra donc pas se dérouler au parc Paofai, le président du Pays arguant du fait que ces dates ont été réservées depuis le 17 mars pour accueillir l'arrivée de la pirogue Hōkūle'a. Comment vous réagissez à ses explications ?
 
“Je trouve évidemment ce refus très regrettable parce que nous avions bien évidemment préparé cet événement et je trouve que les raisons sont un peu légères puisque nous avons fait la demande il y a plus de 15 jours, il a suivi notre conférence de presse et nous savons que Hōkūle'a a prévu d'arriver le 28. Donc il n'y a rien pour nous qui empêchait de pourvoir fêter l'autonomie au parc Paofai.”
 
Il met en avant des problèmes logistiques et la manière de faire des autonomistes, un collaborateur du Tapura qui aurait appelé directement les services...
 
“Oui, là, c'est vraiment chercher la polémique. Je sais que des autorisations ont été demandées il y a plus de 15 jours et c'est vrai que recevoir une réponse négative du Pays, je trouve ça regrettable et pour moi, ça confirme la volonté du gouvernement d'empêcher cette manifestation. Le président avait dit qu'il allait être le président de tous les Polynésiens (...) Nous savons que le Tavini siège mais n'a pas la majorité populaire, les chiffres des résultats (aux élections territoriales, NDLR) le prouvent et aujourd'hui, ils s'engagent à effacer notre histoire et surtout, à effacer le statut de l'autonomie, l'œuvre de Gaston Flosse comme on le dit, sans pour autant être gêné de gérer ce Pays grâce à ce statut (...) Je pense aussi qu'il y a une compétition entre les événements de cette journée puisque nous avons la célébration du 29 juin et eux, ils ont une célébration, plutôt de deuil le même jour, et c'est une visibilité d'affluence sur ces deux événements, et là il y aura une concrétisation où les Polynésiens pourront exprimer leur volonté de rester dans une collectivité autonome et rattachée à la France.”

Rédigé par Bertrand PREVOST et Stéphanie Delorme le Jeudi 26 Juin 2025 à 10:54 | Lu 4414 fois