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​L'attention monte


Tahiti, le 15 juin 2020 - Nouvelle journée de mobilisation devant les grilles du palais de justice. Les militants et sympathisants du Tavini, mais aussi désormais les agents de la commune de Faa’a, étaient venus soutenir le leader indépendantiste, Oscar Temaru, qui assignait en référé le procureur de la République, Hervé Leroy, pour atteinte à la présomption d’innocence. L’audience a été renvoyée à la semaine prochaine. Mais la situation ne semble pas se décanter pour autant...
 
Parmi toutes les affaires inscrites au rôle des référés hier matin, l’affaire "Oscar Temaru contre Hervé Leroy" sortait du lot. La presse se fait l’écho depuis vendredi de cette assignation en justice du procureur de la République par le leader indépendantiste et tavana de Faa'a Oscar Temaru pour atteinte à la présomption d'innocence. L’audience était attendue. Tout comme le chef du parquet de Papeete, dans le prétoire. Mais absent, Hervé Leroy s’est fait représenter par son avocat, Me Feuillet.
 
Et hier, à peine la présidente du tribunal avait-elle appelé les intéressés qu'elle prononçait déjà le renvoi de cette affaire à l’audience de lundi prochain, à la demande de l’avocat du représentant du ministère public. A sa sortie le défenseur du procureur Me Feuillet s’en est expliqué : "Je viens juste de me constituer auprès du procureur donc j'ai demandé le renvoi pour prendre connaissance des pièces et puis pour pouvoir répliquer à la requête ". Le député Moetai Brotherson affirme comprendre ce renvoi : "Le procureur n’a réussi à trouver un avocat que ce matin, après avoir essuyé plusieurs refus. Donc on peut le comprendre". De son côté, le président du parti indépendantiste et maire de Faa'a Oscar Temaru s'est dit "déçu" mais pas étonné de ce renvoi. Il s'est levé tôt ce lundi pour être présent à l'audience et "voir monsieur Hervé Leroy (…). Je suis venu leur montrer que je suis respectueux de la justice".
 
" On ne pourra pas juger le procureur de la juridiction, cela poserait un problème d'impartialité".
 
Ce qui en a étonné plus d'un dans la salle, c'est l’annonce d’un possible dépaysement de cette affaire. Pour la présidente du tribunal en effet, "l’on ne pourra pas juger le procureur de la juridiction. Cela poserait un problème d'impartialité". La magistrate s'est appuyée sur un article de la convention européenne des droits de l'Homme. Cette affaire sera-t-elle délocalisée ? La question était sur toutes les lèvres hier matin. Pour le conseiller du procureur, Me Feuillet, c'est à la présidente de "décider". Le défenseur d'Oscar Temaru, Me Claude Girard, s'inquiète cependant de la prise en charge "des frais", si dépaysement il devait y avoir. Il considère que le tribunal est compétent et croit en l'impartialité de sa présidente : " C'est monsieur le procureur Leroy qui a jusqu'à maintenant mené la procédure (…).  Si le tribunal se déclare incompétent cela voudrait dire que le procureur peut faire tout ce qu'il a envie et qu'en ce qui le concerne les erreurs qu'il commet, sa responsabilité, on ne peut pas lui demander des comptes ici.  Non, je ne suis pas d'accord ! On doit juger ce dossier à Tahiti ".
 
"Ce serait criminel" de délocaliser en métropole
 
Le député Moetai Brotherson n'a pas caché pas sa surprise face à l'argument "d'impartialité" mis en avant par la présidente du tribunal. "Si quelqu'un devait invoquer cet argument cela devrait être nous, et pas le procureur. Cela veut dire que si elle se juge non compétente pour juger ce référé elle va demander le dépaysement ? Aux frais de qui ? Maintenant qu'ils ont saisi toutes les économies d'Oscar Temaru, qui va payer les billets ?". Et ce n'est pas le seul problème pour le député souverainiste. Il fait aussi état de la Covid-19 encore présente en métropole. Il précise que Oscar Temaru a 75 ans, et qu'il a des difficultés respiratoires : "Ce n'est pas le moment de lui infliger un voyage qui va l'exposer très potentiellement à la Covid. Donc s'il devait y avoir un renvoi, nous demanderions à ce qu'il se fasse en Nouvelle-Calédonie. C'est la raison qui doit parler à un moment donné, on ne peut pas l'exposer volontairement à un risque d'infection par la Covid-19. Ce serait criminel".
 
Avant l’audience, le leader indépendantiste et maire de Faa'a Oscar Temaru et son avocat s’étaient rendus au greffe pour faire appel devant la chambre de l'instruction contre l'ordonnance de saisie de son compte bancaire. Il considère que le procureur n'a pas respecté sa présomption d'innocence "je suis un homme innocent. Il m'a présenté à cette population comme un voyou, un condamné ce n'est pas possible cela, personne n'est au-dessus des lois, ni lui ni moi (…). Je suis né ici, je vais mourir ici, c'est mon Pays ici".
 
La pression loin d'être relâchée
 
Juste avant cette audience au tribunal, la journée avait débuté très tôt pour plus d'une centaine d'agents communaux de Faa'a. Ces derniers ont organisé une marche de protestation contre la justice et de soutien à leur tavana, Oscar Temaru. Ils ont quitté la mairie vers 6h30 pour se rendre au tribunal de Pape'ete. L'appel à la mobilisation a été fait au dernier moment, explique-t-on du côté de l'amicale des agents communaux, ce qui explique que certains n'ont pu participer à cette marche pacifique.
 
Dans le même temps ce week-end, un communiqué rédigé en anglais et signé du leader indépendantiste a été largement diffusé par le Tavini aux médias locaux et aux "réseaux régionaux et onusiens" expliquait-on lundi au parti indépendantiste. Communiqué dans lequel Oscar Temaru accuse l'Etat français d'être à la manœuvre des récents développements de ses affaires judiciaires, évoque sa grève de la faim et plaide de nouveau pour l'organisation d'un referendum d'autodétermination au fenua.

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Lundi 15 Juin 2020 à 19:56 | Lu 3232 fois