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​Inéligible, Teina Maraeura perd sa mairie de Rangiroa


Tahiti, le 14 avril 2021 - Le tribunal correctionnel a condamné mercredi le représentant et maire de Rangiroa, Teina Maraeura, à un an de prison ferme, un an de sursis, cinq millions de Fcfp d'amende et cinq ans d'inéligibilité dans l'affaire du FDA. La juridiction ayant assorti cette peine d'une "exécution provisoire", Teina Maraeura est démis des fonctions de maire mais reste représentant à l'assemblée tant qu'il n'a pas été définitivement condamné. Il a d'ores et déjà annoncé qu'il faisait appel de sa condamnation.
 
Le maire de Rangiroa et représentant Tapura à l'assemblée, Teina Maraeura, a été condamné mercredi par le tribunal correctionnel à un an de prison ferme, un an de sursis, cinq millions de Fcfp d'amende, cinq ans d'inéligibilité et cinq ans d'interdiction d'exercer une fonction publique. Le tout assorti d'une exécution provisoire. Poursuivi pour des faits de favoritisme et de détournement de fonds publics alors qu'il était président du conseil d'administration du Fonds de développement des archipels (FDA), Teina Maraeura a été reconnu coupable d'avoir saucissonné les marchés de construction des fare MTR qui avaient tous été attribués à feu l'entrepreneur Coco Taputuarai. La justice a également estimé qu'en faisant payer des tee-shirts et des chemises destinées à son parti, Te Niu Hau Manahune, par le FDA, l'homme politique avait commis des faits de détournements publics. Lors du délibéré, le président du tribunal a ainsi expliqué que les "atteintes à la probité" commises par des élus sont des "infractions de haute gravité" puisqu'elles "sapent la confiance des citoyens" envers les hommes politiques.
 
Le tribunal correctionnel ayant assorti la condamnation de Teina Maraeura de l'exécution provisoire, le caractère suspensif de cette mesure va s'appliquer à son mandat de maire de Rangiroa. Le septuagénaire va donc être démis de ses fonctions. En l'absence de condamnation définitive et tel que le précise l'article 109 du statut d'autonomie de la Polynésie française, Teina Maraeura va cependant conserver ses fonctions de représentant à l'assemblée tant qu'il n'aura pas épuisé tous les recours mis à sa disposition par la justice. Notons que les faits de détournements de fonds publics portant sur l'achat de 200 bouteilles de champagne lors de son pot de départ, qui lui étaient également reprochés, ont été requalifiés en tentative de détournement de fonds publics mercredi.
 
Un successeur "déjà prêt"
 
Interrogé sur ses intentions mercredi, l'élu des Tuamotu a indiqué qu'il allait faire appel de cette condamnation et a affirmé qu'il n'avait "rien à voir" dans les faits qui lui étaient reprochés. "Je ne comprends pas cette peine, car j'ai travaillé gracieusement sans compensation. Je n'ai pas travaillé au conseil d'administration pour aller voler", s'est-il défendu avant d'expliquer qu'au regard de la gravité des faits pour lesquels il était poursuivi, il avait déjà prévu son successeur à la mairie de Rangiroa. "Vous verrez quand ce sera fait", a-t-il uniquement lâché, sans donner le nom de son remplaçant.
 
Dans cette même affaire, l'ancien directeur général du FDA, Mara Aitamai, poursuivi pour les mêmes infractions que Taina Maraeura, a également été condamné mercredi à deux ans de prison dont un an de sursis, cinq millions de Fcfp d'amende, cinq ans d'inéligibilité et d'interdiction d'exercer une fonction publique assortis de l'exécution provisoire de la peine. Visiblement sonné par cette peine, Mara Aitamai a dénoncé un "cinéma" judiciaire : "Nous pensions déjà être jugés il y a quelques années et l'on se retrouve 14 ans après à être accusés et condamnés. C'est cher payé. Évidemment que je vais faire appel car sur le principe pénal, il y a prescription après 12 ans et nous en sommes à 14 ans. Je pense qu'il faut arrêter ce cinéma." Il a lui aussi annoncé qu'il allait faire appel de sa condamnation.
 
L'aigreur d'Émile Vernaudon
 
Moins lourdement condamné, l'ancien ministre et député Émile Vernaudon a cependant écopé de six mois de prison assortis du sursis simple et cinq millions de Fcfp d'amende. L'homme politique, auquel il était reproché d'avoir conservé son véhicule de fonction après avoir quitté son poste de président du conseil d'administration du FDA à la fin de l'année 2004, a exprimé son aigreur mercredi : "Cela fait 17 ans et l'on me cherche encore des noises. Que voulez-vous que je vous dise ? Que voulez-vous que je dise à ce peuple, je suis devenu aigri ! J'ai 78 ans, qu'on me laisse vivre en paix avec ma famille."
 
Notons que les trois ex-employées de Coco Taputuarai, des "gérantes de pailles" mises à la tête des sociétés de ce dernier, ont toutes été condamnés à deux mois de prison avec sursis. Le tribunal a considéré qu'elles étaient bien coupables de recel mais qu'elles se trouvaient dans une position de "soumission" vis-à-vis de Coco Taputuarai qui, du fait de son décès le 6 février, est considéré comme innocent dans cette affaire.
 

​Me Vaitiare Algan, avocate de Taina Maraeura : "Le tribunal s'est raccroché aux branches"

En défense, vous aviez plaidé que le FDA n'était pas soumis au code des marchés publics. C'est une analyse que ne partage pas le tribunal qui a en effet estimé qu'il y était bien soumis. Vous contestez toujours son analyse ?
 
"Avant de conclure là-dessus, j'ai bien noté que le tribunal avait relevé que les établissements publics et commerciaux (EPIC) n'étaient pas soumis au code des marchés publics. Sur ce point, nous faisons déjà un grand pas en avant puisque je rappelle que durant les 12 ans de procédures devant trois différents juges d'instruction, ces derniers ont toujours considéré que les EPIC étaient soumis au code des marchés publics. AU moins sur ce point, le tribunal a vu juste. Ensuite, force est de constater qu'il s'est encore une fois raccroché aux branches car il fallait justifier 12 ans de procédures. Arriver à une relaxe après autant de tant de temps, peut-être que cela aurait été étrange. Il fallait donc certainement justifier cela. L'analyse du tribunal et de dire qu'en ce qui concerne les constructions des fare MTR, l'EPIC était dans le cadre d'une délégation de service public et donc soumis au code des marchés publics. Encore une fois, dans ce cas-là, comment mon client aurait-il pu être condamné pour l'infraction de favoritisme alors que, nous l'avons souligné et la procédure le justifie, il n'a jamais siégé à aucune des commissions qui a attribué un contrat de MTR à l'une des sociétés de Coco Taputuarai."
 
Vous espérez obtenir la relaxe en appel ?
 
"Nous ferons tout ce qu'il faut pour blanchir entièrement M. Maraeura puisqu'on lui reproche des choses qu'il n'a absolument pas commises."
 

Rédigé par Garance Colbert le Mercredi 14 Avril 2021 à 12:18 | Lu 4596 fois