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​Gaston Flosse condamné à cinq ans d'inéligibilité


Tahiti, le 10 décembre 2020 – L'ancien président et maire de Pirae, Gaston Flosse, a été condamné jeudi en appel à deux ans de prison avec sursis, cinq ans d'inéligibilité et dix millions de Fcfp d'amende dans l'affaire de la citerne d'Erima. L'actuel président et maire de Pirae, Edouard Fritch, a écopé d'un million de Fcfp d'amende. Les deux hommes devront rembourser plus de 80 millions de Fcfp à la commune.
 
Pas de rebondissement en appel dans l'affaire de la citerne d'Erima. Les condamnations pour "détournement de fonds publics" des deux anciens et actuels présidents du Pays et maires de Pirae, Gaston Flosse et Edouard Fritch, ont été confirmées jeudi par les magistrats de la cour. Seule différence par rapport à la décision de première instance, la peine d'inéligibilité de Gaston Flosse a été portée à cinq ans et la peine d'amende d'Edouard Fritch a été réduite à un million de Fcfp. Mais les deux hommes devront toujours s'acquitter du remboursement de 81,6 millions de Fcfp de factures d'eau illégalement mises à la charge de la commune de Pirae, au titre des dommages et intérêts.
 
Cette affaire impliquant les deux principaux leaders autonomistes du Pays remonte à 1987, au moment de la construction de la maison de Gaston Flosse -alors maire de Pirae- sur les hauteurs du lotissement Erima à Arue. A l'époque, l'ancien président avait organisé l'alimentation en eau de sa nouvelle résidence par une conduite branchée sur la station de pompage de Nahoata à Pirae. Tous les frais d'électricité, d'entretien et de distribution en eau avaient été pris en charge par la commune de Pirae. Au début des années 2000, plus de 20 maisons voisines de la propriété de Gaston Flosse bénéficiaient également de cette alimentation gratuite, avec la bienveillance de la mairie dirigée par l'ancien homme fort du Pays. En 2001, Edouard Fritch avait succédé à son président de parti à la mairie de Pirae et maintenu le système en place. Et ce n'est qu'à la faveur d'un rapport de la chambre territoriale des comptes et d'une alternance politique à la mairie que la justice avait été saisie de l'affaire.
 
Inéligibilité pour Flosse, amende pour Fritch
 
Jeudi matin, la cour d'appel de Papeete a condamné Gaston Flosse à deux ans de prison avec sursis avec "exécution provisoire" de sa mise à l'épreuve l'obligeant à réparer les dommages causés par l'infraction. L'ancien président a également été condamné à cinq ans d'inéligibilité (contre trois en première instance) et dix millions de Fcfp d'amende. Au titre des dommages et intérêts, il devra rembourser 35,3 millions de Fcfp à la mairie de Pirae et lui verser 5 millions de Fcfp pour son préjudice moral.
 
Edouard Fritch, de son côté, a écopé d'une simple peine d'amende d'un million de Fcfp (contre cinq millions en première instance). Il devra rembourser 46,3 millions de Fcfp à la commune dont il vient d'être réélu maire et également 5 millions de Fcfp pour le même préjudice moral subi par sa municipalité.
 
Gaston fait du Flosse
 
"C'est une affaire montée de toutes pièces contre moi", s'est défendu l'ancien président aujourd'hui âgé de 89 ans. "Cinq ans d'inéligibilité, c'est fou. Enfin, c'est mieux que le réquisitoire du procureur qui demandait l'inéligibilité à vie", a également commenté à tort Gaston Flosse, faisant référence à une incompréhension née lors des réquisitions en appel entre les peines d'inéligibilité et d'interdiction d'exercer une fonction publique. Le leader du Tahoera'a avait également prévu, à l'attention de tous les journalistes présents, une copie d'un courrier daté de 2011 et signé de l'ancien président et maire de Arue, Jacky Teuira, censé le disculper.
 
Son avocat, Me François Quinquis, s'est quant à lui longuement exprimé sur la question de la prescription du dossier (voir ci-après), annonçant dès à présent un pourvoi en cassation. Pourvoi qui devrait être examiné dans le courant de l'année 2021. Et en cas de confirmation de la peine prononcée ce jeudi, Gaston Flosse serait privé de participation à la moindre échéance électorale avant 2026.
 
Garance Colbert et Antoine Samoyeau
 
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​Me Yves Piriou, avocat d'Edouard Fritch : "Je suis déçu et étonné"

Vous êtes satisfait de l'allègement de la peine pour votre client ?
 
"Non, ce n'est pas une satisfaction. Je suis déçu et étonné. J'avais plaidé la relaxe et il n'y a pas de relaxe, donc je ne peux pas être satisfait. Le fait de plaider la relaxe n'était pas une posture, cela correspondait à une analyse objective et intellectuellement honnête du dossier. La cour ne nous a pas entendu, c'est la loi du genre. Mais je suis déçu du résultat."
 
Vous allez former un pourvoi en cassation ?
 
"On a cinq jours pour se pourvoir en cassation. Je n'en ai aucune idée et je dois en discuter avec M. Fritch. On a un délai de réflexion et je compte bien l'utiliser pour voir avec lui ce que l'on fait ou pas."
 

​Me François Quinquis, avocat de Gaston Flosse : "La prescription s'imposait à l'évidence"

La condamnation de votre client a été confirmée, vous vous y attendiez ?
 
"Ce sont des faits qui remontent, tenez vous bien, à 1980. C'est quand même extraordinaire, 40 ans après, d'être condamné comme M. Flosse l'a été. D'autant qu'il y a des moyens qui sont absolument incontournables. Aussitôt que nous en aurons terminé de cette interview, je vais me précipiter au greffe pour voir quel degré d'imagination la cour d'appel a dû déployer pour motiver un certain nombre de points, dont notamment celui de la prescription. Comment voulez-vous venir dire que ce n'est pas prescrit, alors que le commissaire divisionnaire et un des substituts généraux de cette maison (la cour d'appel, NDLR) étaient bénéficiaires de ce qui est reprochés à M. Flosse et qu'ils disent eux-mêmes qu'ils le savent depuis 1994 au moins. Alors contourner cette évidence ça m'apparaît effectivement très très très aléatoire."
 
La prescription s'imposait selon vous ?
 
"La prescription s'imposait à l'évidence. D'ailleurs, cela s'imposait tellement que le premier juge, sur le moyen principal sur la prescription, n'y avait pas répondu. Vous savez, quand un juge ne répond pas à un moyen c'est que celui-ci est sérieux."
 
Vous soulèverez ce point en cassation ?
 
"Je le pense. D'autant plus que, je vous le rappelle, j'avais déposé une QPC dont le moins que l'on puisse dire est que la réponse apportée par la cour d'appel ne me convainc guère.
 

Rédigé par Garance Colbert et Antoine Samoyeau le Jeudi 10 Décembre 2020 à 11:46 | Lu 4239 fois