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​Attaques de requins en hausse : les influenceurs dans le viseur


Tahiti, le 12 mai 2025 – Selon une étude menée par le spécialiste du comportement des requins Éric Clua, directeur de recherche au Criobe, les réseaux sociaux alimentés par les influenceurs ont leur part de responsabilité dans la hausse constatée des attaques de requins. Des morsures défensives face à des comportements intrusifs de la part de touristes qui n'hésitent pas à s'approcher ou à toucher des requins pour avoir le selfie parfait. 
 
Faire le buzz à tout prix. Quitte à y laisser parfois une partie de son anatomie. Les selfies sont aujourd'hui cinq fois plus mortels que les attaques de requins. Et pourtant, de plus en plus d'influenceurs et de touristes adoptent des comportements dangereux, pour ne pas dire stupides, en n'hésitant pas à interagir avec les requins en les touchant pour les caresser, leur attraper le nez ou s'accrocher à leur aileron. Il y a quelques mois dans les Caraïbes, une touriste s'est ainsi fait mordre les deux mains alors qu'elle tentait de prendre une photo avec un requin taureau. Sur les réseaux sociaux, les photos ou vidéos se multiplient ce qui inquiète les scientifiques qui ont constaté une augmentation récente des attaques de requins. D'ailleurs, on ne peut pas vraiment parler d'“attaques” dans le sens où il s'agit ici davantage de morsures défensives que prédatrices. On est loin des “Dents de la mer”.
 
Car ces incidents impliquent principalement des petites et moyennes espèces comme les requins citron ou les requins à pointe noire que l'on trouve beaucoup dans nos eaux polynésiennes. Des espèces que n'hésitent pas à approcher les touristes contrairement aux grands requins blancs qui sont plus menaçants, ne serait-ce que par leur taille.
 
Des requins en légitime défense
 
Selon une récente étude publiée dans la revue Frontiers In Conservation Science, de plus en plus de morsures de requins interviennent en réaction face à ces comportements d'humains qu'ils voient comme une menace. C'est ainsi que sur 74 incidents recensés entre 2009 et 2023 en Polynésie, environ 5% ont été identifiés comme des actes de légitime défense, le requin réagissant par réflexe au stress causé par l'humain. Un modèle défensif que les chercheurs ont identifié dans plus de 300 cas dans le monde depuis les années 1800 en analysant la base de données mondiale Shark Attack Files.
 
“Les gens connaissent la différence entre un yorkshire terrier et un pitbull alors qu'ils ne connaissent pas la différence entre un requin de récif à pointe noire et un requin taureau qui sont leurs équivalents marins”, a ainsi déclaré Éric Clua au Times, soulignant qu'ils “sont responsables de dix décès par an, alors que les chiens sont responsables de plus de 10.000 décès et sont perçus positivement par le public”. Une perception qui compromet par ailleurs les efforts de conservation des requins qui sont 100 millions à être tués chaque année pour leur aileron, leur viande, ou parfois même par pure cruauté. Éric Clua qui a dirigé cette étude “n'encourage pas, comme le font de nombreux influenceurs sur les réseaux sociaux, les gens à s'accrocher à la nageoire dorsale d'un requin ou à le caresser, sous prétexte de prouver qu'il est inoffensif et que ces personnes œuvrent soi-disant pour sa conservation”.

Rédigé par Stéphanie Delorme le Lundi 12 Mai 2025 à 13:15 | Lu 3289 fois