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​Yves Scanzy, l'apiculteur passionné des Gambier


MANGAREVA, le 27 janvier 2021 - Yves Scanzy, militaire retraité, s'est lancé dans l'apiculture depuis de nombreuses années. Autodidacte, il s'épanouit dans cette activité qui lui a aussi permis de découvrir l'apithérapie.
 
 
Installé depuis plusieurs années à Rikitea, Yves Scanzy y a d’abord vécu en tant que militaire - il faisait partie d'une équipe en charge de la rénovation de la route. Il y rencontre Agnès Carlson qui deviendra sa compagne et avec qui il revient s'installer dès sa retraite. C'est à ce moment qu'il se découvre une passion pour une apiculture "durable".
 
Comment tes venue cette passion pour lapiculture ?
"Lorsque ma fille avait 10 ans, on a vu une ruche dans un arbre et on a décidé de la récupérer pour la mettre dans le jardin. On a donc commencé avec une ruche sauvage puis ensuite un scientifique est venu me voir pour travailler avec moi sur les ruches. J’avais fait l’achat de matériel apicole, comme un extracteur, mais j’ai tout revendu. Aujourd'hui je continue, même à la retraite, à faire de l’apiculture par passion. Je fais cela pour faire plaisir et aussi pour le plaisir de faire plaisir. De plus, l’apiculture m’a aussi permis de découvrir l’apithérapie qui m’aide beaucoup aussi. Ici, je suis le seul à recourir à cet art de se soigner avec le miel".
 
Comment tes-tu formé ?
"J’ai des livres chez moi, que je n’ai jamais ouverts ! Je pense qu’à partir du moment où tu possèdes un minimum d’intelligence pratique tu peux comprendre comment une ruche fonctionne. Il y a un an et demi, j’ai répondu à un appel d’offres du professeur Rogers et mon miel a été labellisé en tant que "miel des Gambier". Ensuite, pour écouler mon miel j’ai commencé à en vendre sur Tahiti. Je me suis ensuite aperçu qu’à Rikitea on vendait le miel extrêmement cher ! L’apiculture demande un peu de travail, mais rien qui justifie de tels prix. J’ai décidé de revendre mon miel sur l’île pour faire de l’ombre aux autres apiculteurs et faire baisser le prix de vente aux Gambier". 

​"Je partage ce que je sais"


Que penses-tu des formations apicoles dispensées sur l'île ?
"Les formations n’ont pas réellement aidé les jeunes dans l’acquisition du savoir apicole mais plus dans l’achat de matériel… c’est dommage ! Lorsque des jeunes viennent me voir pour discuter, je n'hésite pas à partager mon savoir. Je ne sais pas tout certes, mais je partage ce que je sais…"
 
Pourquoi certains jeunes de l’île se lancent dans la vanille ou lagriculture au lieu de lapiculture ?
"Je pense que les jeunes n’ont pas réfléchi avant de se lancer. Ils se lancent dans la culture de vanille et plantent au minimum 1 000 pieds sur l’île et cela est dangereux pour le marché de la vanille. Cela risque de saturer le marché et de faire "baisser" la valeur générale du produit. La culture de la vanille est une activité soutenue par le gouvernement, donc cela pousse sûrement les jeunes à se lancer dans ce domaine. Les gens sont persuadés que c’est facile de cultiver alors que non, tout comme l’apiculture, il faut un minimum d’intelligence pratique, je pense ! Pour faire une ruche il faut quand même faire l’achat d’une tenue, de ruche, de l’espace… Il faut un minimum d’investissement au départ. Personnellement, j’essaye d’utiliser du matériel de récupération comme de vieilles cuves à eau, des palettes…"
 
Quel miel produis-tu ?
J’essaye de pratiquer une apiculture durable en favorisant le respect des abeilles avant le profit. Lorsque j’ouvre mes ruches, je regarde si les alvéoles présentes sur les cadres sont operculées, sinon je remets le cadre en place, je n’y touche pas pour que les abeilles terminent le travail. Lorsque je récolte je fais du tri, je ne prends que du miel dit "operculé", pour être sûr de la qualité. Si elles produisent 30 kg de miel, je  récupère 20 kg et leur en laisse 10 kg. (…) Chez nous on ne peut pas faire de miel dit "sélectif" car nous avons des fruits tout au long de l’année : mangues, noix de coco, papayes… Je ne dirais jamais que mon miel est "bio", pour des raisons de normes mais de voir le sourire des gens lorsqu’ils achètent mon miel et le fait qu’ils reviennent par la suite en chercher est le meilleur remerciement ; pour moi cela veut dire qu’il y a de la qualité."

​Pas d'abeilles malades à Mangareva


As-tu connu des difficultés dans la récolte ?
"Je me rappelle une anecdote. J’étais avec mon frère et mon père et je commençais à récolter une ruche naturelle. J’étais en tenue et pieds nus, voulant montrer à mon père mon savoir-faire, je coupe la ruche qui tombe à mes pieds … les abeilles rentrent dans ma combinaison par le bas et là … c’était horrible !"
 
Quelle est ta vision sur le secteur en Polynésie ?
"On sait que certaines abeilles de Polynésie, comme à Huahine et dans le reste du monde meurent, à cause des pesticides, des produits chimiques, maladies et autres … On fait semblant de ne pas savoir mais c’est un constat. J’ai demandé au SDR [Service du développement durable, ndlr], une éradication des ruches malades. Une fois la bactérie détruite, que chaque apiculteur membre du syndicat donne une ruche pour soutenir l’ensemble des apiculteurs. Ici aux Gambier, nous avons la chance, pour le moment, de ne pas avoir d’abeilles malades et pour que cela perdure cela j’ai exigé l’édition d’un arrêté communal pour interdire l’importation de tout matériel neuf ou usagé."
 
As-tu des projets pour l’apiculture ?
"Lorsque ma fille reviendra, on souhaiterait établir le rucher à son nom et établir une AOC [Appelation d'origine contrôlée, ndlr], pour faire un circuit de vente de miel. Je veux continuer à partager mon savoir avec ceux qui veulent."
 
Un message pour les jeunes ?
"Si tu fais quelque chose à contrecœur ou juste pour l’argent, cela risque d’être difficile de continuer. Il faut faire les choses avec passion."

Rédigé par Shana Boosie-Mu le Mercredi 27 Janvier 2021 à 11:20 | Lu 2355 fois