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​L'hôpital sous la menace de 105 millions de réparations pour faute


PAPEETE, 23 avril 2019 - Un patient victime d’un grave infarctus, suite à une cardiopathie mal diagnostiquée malgré la consultation de deux spécialistes de l’hôpital, a saisi la justice en vue d’obtenir réparation. Une affaire pour laquelle le Centre hospitalier de Polynésie française pourrait devoir lui verser près de 73 millions Fcfp d’indemnités.
 
Naguère sportif régulier, médecin urgentiste très engagé dans une vie professionnelle prenante, le quinquagénaire avance aujourd’hui à petits pas saccadés atteint d’une incapacité permanente partielle supérieure à 63 %. Il est sujet à des troubles de l’attention et de la mémoire, ne peut plus ni lire, ni écrire et nécessite une assistance personnelle au quotidien.

Sa vie a basculé fin juillet 2015, alors qu’il était en déplacement au Pays Basque, en France, fauché par ’un infarctus lors d’un effort sportif intense. Par chance, il avait pu être pris en charge très rapidement par un cardiologue présent sur le lieu de son accident. C’est à la rapidité de ces premiers secours qu’il doit la vie sauve. Il avait été transféré en soins intensifs vers le centre hospitalier le plus proche. C’est là qu’il sera diagnostiqué victime d’une lésion de l’artère intra-ventriculaire liée à une sténose responsable du rétrécissement de 90 % de sa structure. "Il avait les artères bouchées !" a résumé Me Moutet, son avocat, mardi à l’audience.

Problème : ce patient avait consulté un cardiologue du centre hospitalier territorial en juillet 2015, inquiet après avoir éprouvé de vives douleurs au niveau de la poitrine, lors d’une épreuve sportive. Etait-ce grave ? Pouvait-il prendre l’avion sans courir le moindre risque ? Un premier examen clinique, le 22 juillet, avait donné lieu à une échocardiographie réalisée deux jours plus tard. Aucun problème particulier n’avait été relevé à l’examen des résultats de ce test, par le spécialiste traitant ni par le chef du service cardiologie. "Sur la foi de cet examen douteux, mon client avait pris l’avion le cœur léger, si vous me permettez l’expression", a insisté l’avocat, en rappelant que son client s’était vu prescrire un dérivé d’aspirine pour son traitement.

32,5 millions requis pour la CPS

Pour lui, comme l’a également noté l’expert mandaté par le tribunal, les deux spécialistes auraient dû sentir la nécessité d’un examen complémentaire par coroscanner permettant d’obtenir des images en coupes fines du cœur et des artères coronaires. Cette analyse est contestée par l’avocat du CHPF, qui s’appuie de son côté sur l’avis contraire de cinq experts pour qui la non-prescription d’un coroscanner n’est pas le fait d’une faute du CHPF.

Mardi, sur la base de l’expertise faite à la demande de la justice, le rapporteur public a conclu dans le sens d’une faute commise par le centre hospitalier, par manquement à son obligation de moyen. Il demande à ce que le centre hospitalier de Polynésie française soit condamné à verser pour un total de 72,3 millions Fcfp en dédommagement du préjudice provisoire causé, avec intérêts depuis le mois d’avril 2017. La somme devra indemniser la perte de gains professionnels de ce médecin urgentiste jusqu’à l’âge de sa retraite, compenser la perte de pension retraite liée à cette situation, dédommager la victime des frais engagés depuis son accident pour l’assistance à tierce personne.

Dans le cadre d’une procédure connexe, la Caisse de prévoyance sociale pourrait obtenir dans cette même affaire le remboursement de 32,5 millions Fcfp de frais engagés pour le traitement du plaignant. La décision du tribunal administratif est attendue sous quinzaine.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mardi 23 Avril 2019 à 15:47 | Lu 8649 fois