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​Immobilier : Une taxe à 1 000% pour les résidents de moins de 10 ans


Tahiti, le 26 avril 2022 – Le gouvernement a dégainé mardi à l'assemblée un texte voté à l'unanimité des groupes politiques de Tarahoi pour lutter contre la spéculation immobilière. La réforme majore de 1 000 à 2 000 % les taxes d'enregistrement pour l'achat de biens immobiliers par les "personnes qui ne justifient pas d'au moins dix ans de résidence en Polynésie française".
 
La réforme assez inattendue est d'une rare envergure pour lutter contre la "paupérisation foncière" et la "flambée des prix" dans le secteur de l'immobilier en Polynésie française. Mardi matin à l'assemblée, le gouvernement a présenté un projet de loi du Pays –voté à l'unanimité des élus présents, tous groupes politiques compris– instaurant une surtaxe pour le moins dissuasive d'un minimum de 1 000 % sur les "actes d'acquisition d'immeubles" par les personnes qui ne justifient pas d'une durée de résidence suffisante sur le territoire polynésien. "Si après ça, on vient nous dire qu'on ne protège pas notre patrimoine", s'est félicitée la majorité par la voix de son représentant Luc Faatau. Juste avant que le ministre en charge du Foncier et du Domaine, Tearii Alpha, n'évoque un "message fort à la population".
 
Dix ans de résidence
 
Dans le détail, le texte entend lutter contre la "spéculation immobilière générée notamment par les investissements immobiliers de personnes non-résidentes". Deux mécanismes sont donc lourdement réajustés : une forte majoration des droits d'enregistrement et de publicité foncière dues par l'acquéreur et une importante augmentation des taux d'imposition sur les plus-values immobilières réalisées par le vendeur. Concrètement, la taxe sur les droits d'enregistrement et de publicité foncière est majorée de 1 000 % pour les actes portant acquisition d'immeuble et de 2 000 % pour "certaines cessions à titre onéreux de meubles incorporels" pour les personnes qui ne justifient pas d'une durée de résidence d'au moins dix ans en Polynésie française ou d'au moins cinq ans de mariage ou de Pacs avec une personne résidente depuis cette durée. Idem pour les sociétés civiles immobilières, dont les gérants devront répondre aux mêmes critères de durée de résidence.
 
Certaines exceptions sont prévues, notamment lorsque la résidence principale est "interrompue" ou "suspendue" pour un Polynésien qui passerait quelques années hors territoire "pour accomplir le service national, pour suivre des études ou une formation ou pour des raisons familiales, professionnelles ou médicales". Une autre exception, beaucoup plus conséquente sur l'objet du texte, concerne les biens immobiliers "destinés à accueillir un grand projet économique, industriel ou touristique nécessitant un investissement global de plus de cinq milliards de Fcfp". La lutte contre la spoliation des terres par les non-résidents s'arrêtant visiblement à la taille du porte-monnaie de l'acquéreur, le gouvernement précise qu'il s'agit ainsi de "ne pas pénaliser les initiatives économiquement porteuses". Dernière exception, celle concernant les ventes ou cessions mobilières relevant d'une opération de défiscalisation.
 
Dans un communiqué diffusé mardi, le Pays illustre sa réforme avec l'exemple d'une maison achetée 40 millions de Fcfp. Pour un acheteur résident, les droits à régler aux taux actuels en vigueur "ne changent pas et s’élèveront à un montant de 4,1 millions de Fcfp" et pour un résident de moins de 10 ans en Polynésie française "ces droits s’élèveront à 41 millions de Fcfp". Dissuasif, en effet.
 
Louer plutôt que vendre
 
Deuxième dispositif mis en place par cette réforme, l'impôt sur la plus-value immobilière –qui touche les gains réalisés par un vendeur entre le prix d'achat de son bien immobilier et le prix de vente– passe de 20 à 50 % lorsqu'il s'agira de "ventes d'immeubles aux non-résidents". Mais le plus "important", aux yeux de l'élu Luc Faatau et du ministre Tearii Alpha, étant finalement de "ne pas vendre les terres de nos ancêtres", le texte prévoit également d'inciter les propriétaires fonciers à passer par des baux de longues durées de location. La réforme exonère ainsi de droits d'enregistrements et de droits de publicité foncière les actes "ayant pour objet de donner à bail un immeuble pour une durée d'au moins 30 ans".
 
"Il est important de rappeler à la population de nos cinq archipels que notre terre est notre patrimoine commun, ancestral, que nous empruntons à nos enfants !", conclut dans cette droite ligne le communiqué du Pays. "La flambée des prix du foncier berce d’illusions certains propriétaires qui gagneront certes de l’argent à court terme en vendant leurs terres, mais à l’échelle d’une génération, c’est un appauvrissement des familles et des difficultés futures pour se loger et bâtir un foyer."
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Mardi 26 Avril 2022 à 19:56 | Lu 10807 fois