Tahiti Infos

​Grottes tapu de Piha'ena : Le Pays réagit


Tahiti, le 6 mai 2021 – Sollicitée mardi par Tahiti Infos pour réagir à la polémique née de la publications de sépultures isolées dans une grotte tapu nichée dans une falaise de Moorea, la Direction de la culture et du patrimoine n'a d'abord pas donné suite à nos demandes. Avant finalement de nous adresser mercredi un "droit de réponse" en forme de communiqué très éclairant sur cet épisode et sur la réglementation en matière de prospections et de fouilles archéologiques. Nous publions ces éléments in extenso.
 
Le 28 avril 2021, la Direction de la culture et du patrimoine prend connaissance d'une publication largement diffusée et commentée sur Facebook. A l'origine de cette publication, un habitant de la commune associée de Pao Pao qui, suite à une randonnée en montagne, a diffusé sur la plateforme susmentionnée une série de clichés photographiques d'une grotte funéraire.
 
Pour rappel, la Direction de la culture et du patrimoine est chargée d'une compétence générale en matière de patrimoine culturel. A ce titre, la cellule du “Patrimoine culturel” a pour mission d'assurer la conservation, protection, valorisation et la diffusion du patrimoine culturel. C'est dans le cadre de ces missions précises que la Direction de la culture et du patrimoine s'est adressée à l'intéressé afin qu'une opération de reconnaissance soit organisée. Ce dernier répondit positivement et pris contact avec la Direction de la culture et du patrimoine le lendemain, jeudi 29 avril 2021 pour s'entretenir longuement avec le responsable de la cellule “Patrimoine culturel”.
 
Ce premier contact a permis au randonneur d'expliquer sa démarche qui, de prime abord, semble de bonne foi. L'intéressé indique ainsi avoir un profond respect et un attachement sincère vis-à-vis des vestiges archéologiques. Il pensait également que la diffusion de ces clichés auprès du grand public permettrait de démocratiser certains aspects peu connus du patrimoine culturel polynésien. En retour, la Direction de la culture et du patrimoine a fait part de ses préoccupations et de sa profonde inquiétude quant aux menaces pouvant peser désormais sur l'intégrité de la grotte et de son contenu, dès lors que son existence et sa localisation précise ont été dévoilées et publiées sur les réseaux sociaux.
 
Quelle réglementation ?
 
Cet échange téléphonique a néanmoins permis à la Direction de la culture et du patrimoine de rappeler au randonneur la règlementation en matière de prospections et de fouilles archéologiques. En effet, toute opération archéologique requiert, selon le code de l'aménagement de la Polynésie française, une autorisation préalable du ministre en charge de la culture et du patrimoine (articles D.154-1 et suivants du code de l'aménagement de la Polynésie française). De plus, la réglementation en vigueur oblige également toute personne à déclarer auprès de la Direction de la culture et du patrimoine toute découverte fortuite de vestiges archéologiques (article D.154-9 du code de l'aménagement de la Polynésie française). En outre, lui ont été rappelés le caractère éminamment sacré des grottes funéraires, ainsi que la conduite à avoir et les gestes à éviter face à de tels vestiges.
 
L'intéressé a alors pris acte de ce rappel et accepté de guider un agent de la Direction de la culture et du patrimoine qui a été dépêché sur place dès le vendredi 30 avril 2021. Cet agent a pu se rendre sur place pour constater la difficulté d'accès à la grotte à laquelle il n'a pas pu accéder, étant dépourvu de matériel de sécurité et d'escalade. Il faut rappeler ici que la plupart des grottes funéraires de Moorea ont fait l'objet d'un recensement dans le cadre de l'établissement de la “Carte archéologique de la Polynésie française” dont le chantier a débuté en 1977 sous le patronnage du Centre Polynésien des Sciences Humaines.
 
Les photos "restreintes"
 
Cette mission de reconnaissance a permis d'insister longuement sur la nature des périls que de telles publications peuvent provoquer, et notamment le pillage des objets archéologiques, au-delà de l'émotion légitime des habitants et des associations culturelles de Moorea. C'est pourquoi, dans un souci d'apaisement et de prise en compte des préoccupations légitimes des autorités, comme des associations culturelles de Moorea et notamment de Puna Reo Piha'e'ina, l'intéressé a accepté de changer la nature publique de sa publication en la restreignant à ses seuls “amis” sur Facebook.
 
En outre, l'intéressé s'est montré concilliant pour être désormais accompagné et encadré par la Direction de la culture et du patrimoine à l'avenir. Il prendra désormais contact avec la Direction de la culture et du patrimoine pour indiquer toute découverte fortuite qu'il pourrait faire à l'occasion de ses randonnées.
 
Par ailleurs, et contrairement à ce qui est avancé sur leur site internet, la Direction de la culture et du patrimoine n'entretien aucun partenariat avec l'association “Tahiti Héritage”.
Enfin, il n'est pas inutile de rappeler que le code pénal punit la violation ou la profanation, par quelque moyen que ce soit, de tombeaux et de sépultures, d'un an de prison et de 15 000 euros d'amende (article 225-17 du code pénal).
 
Pour le ministre et par délégation,
Joany Cadousteau

le Jeudi 6 Mai 2021 à 19:50 | Lu 2211 fois