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​Grand ménage à Rangiroa


Tahiti le 18 août 2022 – La commune de Rangiroa a décidé d'en finir avec son tristement célèbre dépotoir sauvage du “lac” de Avatoru, aujourd'hui saturé. Un diagnostic environnemental a été commandé par la commune pour la dépollution du site, mais au-delà les élus de Rangiroa parlent mutualisation de la gestion des déchets et CET…
 
Épinglé il y a deux ans par France Info dans les médias nationaux, régulièrement pointé du doigt pour le désastre environnemental qu'il constitue, le dépotoir à ciel ouvert de Rangiroa ne devrait bientôt plus être que de l'histoire ancienne. Les élus du conseil municipal ont en effet décidé de dépolluer le site du “lac” de Avatoru, aujourd'hui totalement disparu sous les déchets. Un appel d'offres pour un diagnostic environnemental a été lancé sur l'ensemble de la commune –au sens large– de Rangiroa, soit à Makatea, Mataiva et Tikehau. Cette étude concerne particulièrement le dépotoir de Avatoru. “Le lac qu'on a pris pour les déchets arrive à saturation et pour protéger la commune il vaut mieux devancer et éviter les plaintes. En plus, après, on va dire que la commune n'a rien fait”, affirme le tāvana de Rangiroa, Tahuhu Maraeura.
 
“Évaluer les risques”
 
Le cahier des clauses techniques particulières de l'appel d'offres le précise bien : “aucune véritable demande d'autorisation” n'a été faite auprès de La Direction de l'environnement pour faire de cet ancien lac une installation dite “classée” pour devenir une décharge autorisée. “La nature des déchets déposés est mal connue. Il s'agirait de déchets ménagers et assimilés”, poursuit le document. Un cahier des charges qui explique c'est “pour éviter que ces sites ne soient abandonnés et qu'ils soient utilisés pour d'autres activités” que la commune a pour obligation de les réhabiliter “à hauteur de l'usage futur envisagé”.
 
L'étude prévoit un état des lieux, un historique du site à travers une levée topographique, des questionnaires et interviews… Des données qui vont ensuite servir à établir un diagnostic environnemental depuis l'étude des sols, des eaux souterraines et du ruissèlement. Le périmètre d'enfouissement devra également être délimité précisément, les pollutions identifiées afin “d'évaluer les risques vis-à-vis de l'environnement”. Et grâce à toutes ces données, des scénarios de réhabilitations pourront être proposés et surtout chiffrés.
 
Les élus de Rangiroa ont d'ailleurs déjà pour projet de réutiliser ce site pour y installer des panneaux photovoltaïques. “On nous demande que, d'ici 2025-2026, l'électricité soit 'propre' à hauteur de 75%, dans la commune de Rangiroa. Nous travaillons donc sur les panneaux solaires”, affirme le premier magistrat de l'atoll Tahuhu Maraeura. Les élus attendent donc les résultats du diagnostic pour savoir si ce projet sera viable sur le site. “C'est à voir, car en plus le site est privé.” Du côté des services de l'État, on affirme que les réhabilitations des sites peuvent être “subventionnées” sous certaines conditions. D'abord, si cette réhabilitation est prescrite par une étude. Ce qui sera donc le cas. Ensuite, si la commune a des projets structurants et relevant de l'intérêt général.
 
CET, ComCom, mutualisation…
 
Mais au-delà de ce seul projet, la commune est également en réflexion concernant la mise en place d'un centre d'enfouissement technique (CET) sur l'atoll. Problème, pour le tāvana de Rangiroa, le transfert de cette compétence de gestion des déchets aux communes s'est fait sans les financements permettant de l'assumer. “On nous a donné la compétence, mais pas l'argent qui va avec. Aujourd'hui toutes les communes sont mises à mal. Si on nous avait donné l'argent avec, les communes auraient pu suivre. Mais aujourd'hui il faut qu'on voie notre trésorerie pour voir où on en est.”
 
Tahuhu Maraeura affirme que la mise en place d'un CET sur l’atoll “va avoir des répercussions sur la population” au niveau des charges communales. Actuellement, les administrés de Rangiroa paient une redevance de 7 200 Fcfp à l'année pour le ramassage de leurs déchets. “Il n'y a même pas assez pour payer les travailleurs ou ce qu'il faut pour les camions qu'on met à disposition pour ramasser les déchets. Normalement, tout ce qui relève des déchets doit payer les travailleurs et nous ne pouvons pas aller chercher l'argent sur le compte de la commune.” Pour réduire les coûts, certains tāvana des Tuamotu pensent donc à mettre en place une communauté de communes. “Il faut qu'il y ait une volonté de tous les tāvana. Ce n'est pas un tāvana qui va décider pour tous. Il faut qu'on se concerte et qu'on décide. Et surtout il faut qu'on sache quelles sont les compétences qu'on récupère et leurs coûts.”
 
Pour réduire les coûts du traitement des déchets, la commune de Rangiroa a d'ores et déjà commencé à faire du tri. “On essaie d'enfouir le moins possible.” Mais les élus sont confrontés à deux principaux problèmes : le plastique et les carcasses de voitures. “Ce sont nos plus gros problèmes. Tout ça est un gros morceau. Si on ramène le plastique à Tahiti, combien ça va nous coûter ? Qui va payer le fret ? Est-ce que le Pays va nous aider ?” interroge le maire de la commune. “On est en discussion avec Fenua Ma sur ces sujets.” Pour ce qui est des carcasses de voitures, les tāvana des Tuamotu se concertent aujourd'hui pour faire venir un bateau et proposer un ramassage collectif de ces épaves…
 

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Jeudi 18 Août 2022 à 20:33 | Lu 3034 fois