Tahiti Infos

​Coronavirus : "Il faut éviter de surréagir et de paniquer"


Tahiti, le 4 février 2020 - Le consul de Chine en Polynésie française, Shen Zhiliang, a accordé un entretien à Tahiti Infos, afin de "présenter aux Polynésiens la situation, éviter les réactions excessives", et surtout rassurer face à la crainte d’une introduction au fenua du coronavirus 2019-nCoV.

Quelles garanties de non-introduction du coronavirus en Polynésie française pouvez-vous donner en tant que consul de Chine ?
"Depuis le début de l’épidémie, la santé et la vie du peuple chinois restent la première préoccupation et priorité du gouvernement chinois. La Chine a pris une série de mesures pour éviter la propagation de l’épidémie. Je pense que ce sont les plus rigoureuses et complètes jamais prises dans l’Histoire. La ville où est apparue cette épidémie a été mise en quarantaine. Toutes les agences de voyage ont annulé les déplacements de groupe de ressortissants chinois à l’étranger. Le gouvernement a prolongé les congés du Nouvel An chinois afin que tout le monde reste à la maison. La rentrée scolaire a également été retardée…
En Polynésie française, depuis le 26 janvier le gouvernement a donné une alerte pour demander aux Polynésiens de réduire, dans la mesure du possible, leurs déplacements en Chine. De même, par précaution, une attestation de santé est demandée aux Chinois qui souhaitent se rendre en Polynésie. 
Par ailleurs, je voudrais souligner que la situation d’urgence sanitaire de portée internationale décrétée par l’Organisation mondiale de la santé le 30 janvier dernier n’est en aucun cas une décision de défiance vis-à-vis de la Chine.
C’est vrai que certains pays ont pris des mesures très strictes : annulations de vols, restrictions pour l’entrée des ressortissants chinois, etc. La Chine comprend cela et respecte ces décisions. Nous pensons cependant que la panique n’est pas nécessaire."
 
Combien de ressortissants chinois sont arrivés récemment en Polynésie pour un séjour touristique ?
"A ma connaissance, depuis les mesures prises par la Polynésie et la Chine, le nombre de touristes a énormément diminué. Nous restons en contact avec le ministère du Tourisme et les agences de voyages pour connaître ce chiffre. Je n’ai pas de chiffre exact mais je pense que c’est autour d’une trentaine. (...)"
 
Comment regardez-vous les messages de défiance qui sont véhiculés actuellement sur internet, à l’encontre des Chinois ?
"Les rumeurs et les phénomènes de panique ont toujours existé. Une partie des personnes ignorent la réalité des faits, tandis qu’une certaine catégorie de personnes font cela délibérément pour faire du mal à la Chine parce qu’ils sont anti-chinois. Mais je pense que ces derniers sont une partie infime de la population et ne représentent ni l’avis du gouvernement, ni celui de la majorité de la population.
Le 2 février dernier, la communauté chinoise de Tahiti a organisé une journée culturelle au temple Kanti. Le président du Pays, le vice-président, les ministres et diverses personnalités étaient présents. Dans son discours, le président Edouard Fritch a rappelé que ce contre quoi on doit lutter, c’est le virus. Et que toutes les rumeurs et les propos racistes qui circulent sur les réseaux sociaux sont inacceptables.
Il me semble important de dire aussi, dans ce contexte, que même si cette maladie est aujourd’hui une urgence de santé publique de portée internationale, cela ne concerne pas qu’un seul pays. C’est comme le Sras (Syndrome respiratoire aigu sévère) qui s’est déclaré il y a 17 ans, comme la grippe H1N1 du Mexique, ou comme en Arabie Saoudite, le Mers-CoV [coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient, ndlr], etc. Ce genre de situation exige la solidarité et les efforts de toute la communauté internationale. (…) En ce moment, tous les scientifiques du monde collaborent pour trouver l’origine de ce coronavirus. (…) Je pense que tous les gens qui aident à la propagation des rumeurs sur internet ne voient pas les efforts et les sacrifices sans précédents faits par le peuple chinois."

En tant que consul de Chine, quelle est votre marge de manœuvre pour freiner la propagation de l’épidémie en Polynésie française ?
"C’est vrai que ce virus est très contagieux. Mais le taux de mortalité des malades reste relativement bas, autour de 2,1%. (…) Le foyer du virus semble être dans la province de Hubei. Si on regarde la carte de la Chine, à part dans cette province, le taux d’infection est très limité dans les provinces voisines. Au plan international, une vingtaine [27 – ndlr] de pays sont touchés mais en tout on recense relativement peu de malades, autour de 140 cas.
En ce qui concerne les Polynésiens, on sait qu’un certain nombre voyagent vers la Chine pour le commerce ou pour le travail (…) notamment dans les régions de Canton et Hong Kong. A ma connaissance, il y a encore des Polynésiens qui sont en Chine.
A tous les demandeurs de visa polynésiens qui souhaitent voyager durant les mois de février et mars, le consulat a émis un avis leur déconseillant de voyager. De même, on leur conseille de respecter les recommandations de la Polynésie française. Mais la décision finale leur incombe.
Pour les ressortissants chinois qui souhaitent se rendre en Polynésie française, nous avons publié sur le site internet du Consulat un communiqué pour les informer au sujet des mesures et des documents exigés par la Polynésie. Dans ce communiqué, nous demandons aussi aux touristes chinois actuellement en Polynésie de surveiller leur santé et en cas de doute d’appeler immédiatement le 15 (Samu) et de ne pas se rendre eux-mêmes à l’hôpital. Jusqu’à présent, nous n’avons eu aucun signalement.
En Chine, nous sommes convaincus que l’épidémie est maintenue sous contrôle dans une zone géographique grâce à l’effort des populations et aux mesures fortes prises par le gouvernement.
J’insiste sur le fait que devant ce genre de situation, il faut éviter de surréagir et de paniquer. Devant ce genre de situation épidémique, la meilleure réaction est dans la solidarité internationale. (...) Devant cette situation de crise, il ne faut pas se laisser dépasser par la situation mais bien mettre en œuvre les mesures de prévention et de lutte contre la propagation de la maladie. (…) Depuis le début de l’épidémie, le gouvernement chinois communique en toute transparence et avec un esprit de responsabilité, avec la communauté internationale."

Rédigé par Propos recueillis par Jean-Pierre Viatge le Mardi 4 Février 2020 à 16:50 | Lu 3193 fois