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Patrick Noble, une vie enchantée


Crédit : Oti Areva.
Crédit : Oti Areva.
TAHITI, le 19 avril 2023 - Patrick Noble sera sur scène à la fin du mois de mai. L’occasion de revenir sur sa carrière, riche, lancée dans les années 1960 et dont le chanteur n’a pas oublié la moindre anecdote…

Patrick Noble est installé depuis une vingtaine d’années à Tahaa, loin des bruits de la ville et de la vie agitée de Tahiti. “Je voulais laisser la circulation. Le mode de vie tahitien commençait à me fatiguer.” Chez lui, Patrick Noble compose toujours un peu, mais il n’enregistre plus. Il joue pour animer des soirées et événements sur son île d’adoption, fait de rares apparitions sur les scènes de la capitale. Les concerts qu’il donnera les 26 et 27 mai sont l’occasion de revenir sur carrière.

La musique, une évidence

Patrick Noble est né à Tahiti le 22 mai 1949. Son père était d’origine française et irlandaise et sa mère d’origine américaine et de l’archipel des Australes. Celle-ci est descendante des Adams de la Bounty, “les pirates qui sont allés se cacher à Pitcairn”, plaisante-t-il. Patrick Noble s’en amuse : “Je suis un mix de tout ça, un bon demi”.

Il ne s’attarde pas sur son enfance, encore moins sur son parcours scolaire, “je suis sorti avec mes deux bacs”, s’amuse-t-il, “un pour laver la vaisselle et l’autre pour la rincer”. Il a été scolarisé à l’école Vienot puis au collège Pomare. À l’âge de 17 ans, il était en classe de 4e, il s’est arrêté. “J’ai jugé que j’en connaissais assez et me suis dit : ‘maintenant, je veux me consacrer à ce qui me trotte dans la tête depuis toujours, je veux être artiste.”

Il n’a pourtant pas baigné dans une famille d’artistes. “Ma mère chantait un peu dans une chorale, mais c’est bien tout, ni mes parents, ni mes frères, ni-même aujourd’hui mes filles, n’étaient ou ne sont dans le milieu.” Mais pour lui, tout a toujours été très clair. “Je ne sais ni pourquoi, ni comment.”

Crédit : Oti Areva.
Crédit : Oti Areva.
Il a appris la guitare seul et ensuite ? “J’ai bourlingué.” Il se rappelle toutes ces années à jouer et chanter en ville ou à la Presqu’île, enfourchant un scooter et empoignant son instrument “pour le seul bonheur de faire plaisir aux gens”. Il animait les soirées jusqu’à la fermeture des établissements qui l’accueillaient, à 2 ou 3 heures du matin. “Le tout pour 1 250 francs à l’époque”. Puis, il rentrait, comblé malgré la fatigue. “C’était la grande époque où les boîtes étaient ouvertes tous les jours jusque tard dans la nuit." C’était dans les années 1970. "Les orchestres marchaient bien, ils se produisaient dans les boîtes, les hôtels." Patrick Noble cite le Zizou bar, l’hôtel Matavai ou encore l’hôtel Tahiti, le Royal Papeete, le Kon Tiki. Il allait là où il était convié.

“C’est pourtant vrai !”

Il a tout de même travaillé dans l’administration, à la santé, pendant 20 ans. “Mon père m’a botté les fesses pour que je gagne de l’argent.” Patrick Noble cumulait donc une activité le jour, et une autre la nuit. Il revient sur certaines anecdotes dont il ne manque pas. Un soir, “on était cinq musiciens, et on allait à Taravao”. L’équipée disposait d’une camionnette pour convoyer le matériel, “elle ne pouvait pas prendre de bonhommes”, et d’une Coccinelle. Ce qui pourrait paraître suffisant, “sauf qu’on est parti avec nos copines”. Patrick Noble affirme avoir fait la route à dix “et une partie du matos” dans la Volkswagen. Il sait qu’en décrivant la scène, “personne ne me croit. C’est pourtant vrai !” À l’époque, les routes n’étaient pas aussi bonnes et entretenues qu’aujourd’hui, “mais il y avait moins de circulation !

Le 24 novembre 2012, Patrick Noble a assuré un concert à Papeete, rendant hommages aux anciens et adressant un clin d’œil à la troupe de danse Temaeva qui fêtait ses 50 ans. Crédit : Mairie de Papeete.
Le 24 novembre 2012, Patrick Noble a assuré un concert à Papeete, rendant hommages aux anciens et adressant un clin d’œil à la troupe de danse Temaeva qui fêtait ses 50 ans. Crédit : Mairie de Papeete.
Patrick Noble et ses amis musiciens ont démarré en jouant des standards américains ou européens comme les Beatles, James Brown, les Rolling Stones, mais aussi Gilbert Bécaud. Les artistes avaient de plus un répertoire de chansons tahitiennes, mais la base “c’était quand même le rock n roll !” Il raconte qu’ils devaient d’abord acheter les 33 tours, les écouter en boucle pour pouvoir jouer et chanter les morceaux sur scène. Ils n’avaient pas accès ni aux partitions, ni aux textes. “On reprenait les paroles en anglais de façon plus ou moins juste, pourvu que ça sonne bien.” Il insiste par ailleurs sur les efforts que tous les musiciens de l’époque faisaient pour “être nickels”. “On se faisait un devoir d’être bien habillé, avec la même paire de chaussures pour tout le monde, un costume…

Les premiers enregistrements ont eu lieu dans les années 1970. Plus précisément, “c’est en sortant de l’armée que je m’y suis mis”. Il n’a jamais compté, mais il aurait fait près d’une cinquantaine d’albums. “Au début, c’était surtout des reprises.” Dans les années 1990 ont démarré les représentations à l’étranger : Japon, Nouvelle-Zélande, France, Autriche. Patrick Noble aime à se rappeler les artistes avec qui il a partagé la scène comme Jean-Pierre Vincent, Esther Tefana, Emma Terangi, “un phénomène. Un bout en train, une pile électrique qui démarrait au quart de tour. C’est tellement de souvenirs.”

Le Heiva pendant 20 ans

Au milieu des années 1990, Patrick Noble a commencé à faire le Heiva avec Coco Hotahota. L’aventure a duré près de 20 ans. Il chantait et menait la partie chant. “On avait un thème fourni par Coco puis je composais la musique.” Il souligne le fait que de nombreux chanteurs et musiciens ont participé ou participent encore au Heiva. “C’est extrêmement formateur d’arriver sur To’ata, de travailler des mois durant pour 45 minutes. Cela permet de mieux connaître sa culture.” D’après lui, de nombreux artistes étrangers aimeraient vivre cette expérience. “J’ai plein de copains musiciens du Japon, de Hawaii qui font de la musique folklorique et qui en rêvent. Pour eux, c’est comme le Graal.” Ce serait le cadeau suprême. “Ils n’attendent que ça de faire une performance ici à Tahiti, au Heiva !

Un autre mode de vie

Il y a vingt ans donc, après une carrière musicale riche et bien remplie – il a pris sa retraite de l’administration à l’âge de 44 ans pour se consacrer à sa passion– il a pris la direction de Tahaa. “J’aurais aimé aller m’installer en Nouvelle-Zélande car c’est un pays qui m’a toujours attiré, mais cela ne s’est pas fait”. Il a choisi Tahaa après y être allé en vacances. “Comme si l’île m’avait appelé.” Il rapporte que “c’est vraiment un autre mode de vie. Les gens ne se sentent pas concernés par ce qui se passe à Tahiti et encore moins ce qui se passe ailleurs dans le monde, comme en Ukraine par exemple.” Seul, au piano, il assure quelques animations. S’il a encore des projets ? Il a écrit un morceau sur Esther Tefana qu’il aimerait peut-être enregistrer un jour. Il vient d’accepter la sollicitation de Felix Vilchez pour un spectacle à la fin du mois, mais rien de plus.

Quant à son passé, il en est ravi. “J’ai eu une bonne vie, mais attention, elle n’est pas finie ! J’ai été mis sur Terre pour faire quelque chose que j’apprécie, pour donner de la joie et du plaisir.” Il profite de ses proches dont ses trois filles : Tania qui a été Miss Tahiti en 1972, Orama et Teata, de ses amis. Il se plaît à retrouver des membres de sa famille. “Vous savez qu’il y a 493 Patrick Noble sur Facebook ?” Ce qui donne lieu, parfois, à d’étonnantes découvertes. “L’un d’eux, un Américain, m’a un jour contacté. On s’est aperçu que deux de nos filles portaient le même prénom ! On a de possibles liens, il est d’origine irlandaise.” Ainsi, le temps passe. Patrick Noble, désormais, profite de la vie telle qu’elle se présente.

Je suis vraiment content de venir chanter”, annonce-t-il. “Cela fait deux ans que je ne suis pas venu à Tahiti”, précise-t-il. “Je préfère rester sous mon cocotier à Tahaa.” Mais lorsqu’il a été contacté pour un projet musical, en l’occurrence une sorte de rétrospective, il n’a pas hésité. “Je vais reprendre mes grands titres même si tout cela remonte à si loin…" Il dit vouloir, en plus, rendre hommage à Jean-Pierre Vincent. “Un frère dont la disparition m’a profondément bouleversé.” Malgré le temps qui passe, il est des souvenirs qui jamais ne périssent.

Pratique

Les 26 et 27 mai, prestation spéciale pour la fête des mères avec Patrick Noble au Petit théâtre de la Maison de la culture. Anecdotes, chants, himene tumu sont au programme avec la participation de musiciens et danseurs. L’artiste reprendra les grands titres qui ont rythmé sa carrière.

Les 16 et 17 juin, Himene a Taui, avec son thème Mon fare niau, revisité. Le niau est un matériau préparé à partir de palmes de cocotiers récoltées à travers les nombreuses cocoteraies de Polynésie. L’archipel des Tuamotu en particulier présente de vastes cocoteraies permettant des récoltes très abondantes. Les feuilles pliées et liées entre elles par une tige sont disposées en plusieurs couches sur les maisons telles des tuiles végétales qui permettent de créer une toiture résistante aux intempéries et apportent une bonne isolation thermique aux habitations. Ces toits végétaux protègent les constructions pour plusieurs années, ils contemplent la vie des familles qui y habitent en paix. Mon fare niau raconte la vie des familles polynésiennes, les rires, les joies et les peines avec vingt artistes. Il ressemble à une comédie musicale racontée avec des chansons de la Belle Époque. Participent : Hugo O’opa, Dadou Paillé, Nahema Charles, un groupe de danse, orchestre, chanteurs… La scène sera décorée pour l’occasion, des tableaux seront fixés et des images projetées.

Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 19 Avril 2023 à 17:48 | Lu 1894 fois