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"Les anges du fenua", une page pour parler du deuil périnatal


"Les anges du fenua", une page pour parler du deuil périnatal
PAPEETE, le 30 août 2018 - Charlène a lancé il y a moins d'un mois une page sur Facebook à l'attention des "paranges", ces parents qui ont été confrontés un jour dans leur vie au deuil périnatal. Avec cette initiative, elle ouvre un espace de discussions, elle diffuse du contenu, proposant comme un accompagnement pour que les "mamanges" et "papanges" gardent, quoi qu'il arrive, une lueur d'espoir dans l'épreuve qu'ils traversent.

La page s'appelle Les Anges du fenua. Pensée par Charlène depuis plusieurs mois, elle a été mise en ligne il y a quelques jours. "Début août", précise-t-elle. C'est une page destinée aux "paranges". Les paranges "sont des parents qui ont été confrontés au deuil périnatal", explique Charlène, elle-même "mamange".

Alors que la grossesse annonce le plus souvent l'arrivée d'un grand bonheur, parfois, il est synonyme de drame. Les enfants peuvent mourir pendant la grossesse ou lors de l'accouchement, avec ou sans explication. Les parents peuvent également faire le choix d'une interruption médical de grossesse dans des situations extrêmes. Dans tous ces cas, le deuil périnatal est une épreuve pour les parents, la fratrie, la famille.

Sur Les anges du fenua, Charlène dépose des témoignages, diffuse des vidéos, rassemble des informations pratiques pour les parents en deuil. "Lorsque cela m'est arrivé, j'ai eu la chance d'avoir une amie en France qui avait vécu la même chose que moi", explique-t-elle. "Mais nous n'avons pas tous cette chance, c'est pourquoi j'ai créé la page."

Une grossesse compliquée

Il y a un an, elle a perdu son fils. "La grossesse a été très compliquée. Il y a d'abord eu des doutes sur l'existence d'une pathologie grave portée par le fœtus. Pendant cette période, nous avons gardé espoir. Et puis un jour le diagnostic s'est confirmé."

Le couple a longuement réfléchi avant de prendre la décision d'une interruption médicale de grossesse (IMG). Cet acte médical est à différencier de l'interruption volontaire de grossesse, l'IVG. L'IMG peut être pratiquée jusqu'au terme de la grossesse, à la demande des parents et après acceptation de l'équipe médicale, en fonction de l'état de santé de l'enfant à naître.

Un complément à l'aide existante

"J'ai cherché des associations, des pages Facebook, des personnes avec qui parler de ce qui m'arrivait", rapporte Charlène. L'équipe médicale a fait son travail, soutenu les parents. "J'ai pu aller rencontrer une psychologue, mais il me fallait autre chose en plus." D'ailleurs, la page Facebook ne se place pas comme un substitut mais comme un complément à l'aide déjà existante.

Charlène poursuit : "l'amie en France qui avait vécu ce que j'étais en train de vivre m'a énormément aidée car j'ai pu lui poser toutes les questions que j'avais, des questions parfois très pratiques que je ne me voyais pas poser aux médecins. Il a fallu que je prépare l'accouchement par exemple, car il y a eu un accouchement, je me suis interrogée sur le fait d'aller voir le bébé ou non." Il a fallu aussi préparer le retour à la maison. L'idée d'une page a commencé à germer à cette période. Mais, enfermée dans sa douleur, Charlène s'est isolée. "Je n'ai vu personne pendant des semaines."

Les échanges avec l'amie en France ainsi que les témoignages trouvés sur internet ont été précieux. "Quand tu entends de quelqu'un qui a vécu un deuil périnatal qu'il y a un espoir, si d'autres paranges disent que le bonheur peut revenir un jour, tu l'entends mieux que si cela vient d'un médecin, d'un infirmier, d'un membre de la famille. Quand la famille te soutient, ce qui n'est pas toujours le cas."

Ces témoignages ont également permis à Charlène de se protéger. "Car sur internet tu trouves de tout, évidemment." Comme des jugements, des prises de position, des campagnes de désinformations parfois culpabilisatrices et destructrices.

Soutenir la fratrie


Il a fallu par ailleurs, Charlène s'en est rendu compte rapidement, prendre soin de la fratrie existante. "En cas de décès périnatal, tu dois gérer ta propre douleur et on peut mettre de côté un grand frère ou une grande sœur. Eux nous voient nous effondrer, nous les parents, ils souffrent mais ne sont pas entendus. Il faut les considérer, les écouter."

L'écoute, un mot qui revient souvent dans le témoigne de Charlène. "Il y a des mots, des remarques qui peuvent blesser", constate-t-elle. "Alors que parfois, on a seulement besoin de parler pour être écoutés." Aujourd'hui, Charlène est à nouveau enceinte. Une grossesse arc-en-ciel, ou grossesse espoir. Elle porte son troisième enfant. "J'ai une fille et un fils, mon petit ange, mon étoile." Elle fait une place à cet enfant parti trop tôt.

Demain, si elle trouve le temps, elle aimerait monter une association les anges du fenua, dans le prolongement du lancement de la page. "À force de chercher, j'ai trouvé. J'ai découvert de nombreuses initiatives qui pourraient être lancées ici en Polynésie. Par exemple", décrit-elle, "des associations sollicitent des séniors pour tricoter du tout petit linge, des nids d'ange pour l'enterrement". Ce qui apporte, un peu, de réconfort, ou tout au moins de douceur. "D'autres montent des partenariats avec des photographes bénévoles pour qu'il reste une trace des anges, car sans cela nous n'avons rien, si ce n'est nos propres images à nous parents, si on a pensé à en faire."

Pour aller plus loin

La page Facebook : Les anges du fenua
La journée mondiale de sensibilisation au deuil périnatal aura lieu le 15 octobre

Rédigé par Delphine Barrais le Jeudi 30 Août 2018 à 17:50 | Lu 3598 fois