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Ari Wong Kim, le dernier des Tamari’i Volontaires du bataillon du Pacifique s’est éteint


Tahiti, le 19 octobre 2023 - Ari Wong Kim, le dernier des Tamari’i Volontaires du glorieux bataillon du Pacifique, pensionnaire d’une maison de retraite en France, s’est éteint centenaire ce jeudi.

C’est un page qui se tourne avec la disparition, jeudi en métropole du dernier des Tamarii Volontaires, Ari Wong Kim. Fils de Wong Kim ressortissant chinois artisan immatriculé sous le numéro 1147 et de Heimano a Ani, Ari est élevé par son oncle et sa tante maternelle à Papara, Papa et Mama Taaroa.

En 1940, les Établissements français d’Océanie ayant rallié la France libre, Ari répond à l’appel du capitaine Broche qui lève un corps expéditionnaire pour poursuivre la guerre aux côtés des Anglais. Ari s’engage, âgé à peine de 16 ans sous le nom d’emprunt de son frère Tetuahira a Teaupahere dit Tetua, né le 6 avril 1922 à Papeete. Même si la date de naissance qui figure sur le dossier militaire d’emprunt de son frère aîné fait notamment l’objet d’un point d’interrogation du service de recrutement, informé la supercherie par sa sœur, Ah-Len Raita Wong Kim, Ari est néanmoins incorporé à la Compagnie d’infanterie coloniale de Tahiti, le 16 septembre 1940. Il fera, sous le nom de son frère aîné, toutes les campagnes du Bataillon du Pacifique. Le goût de l’aventure motive l’engagement d’Ari : “La guerre, nous nous l’imaginions comme au cinéma”, dira-t-il plus tard.
 
Dans les années 1980, lors de ses études universitaires l’auteur de ces lignes aura le grand privilège de rencontrer Ari Wong Kim. Il lui racontera son épopée dans les rangs du Bataillon du Pacifique. Dans le désert de Lybie, Ari son fusil anglais Lee-Enfield chambré en 303 British en bandoulière est chargeur d’un canon de 75 sans recul monté sur un camion. Il participe à plusieurs patrouilles offensives dénommées Jock column. Il sera aussi de la garde d’honneur lors de l’inhumation du premier tahitien tué en opération, Kararo Tainui, originaire de Napuka.

“J’étais le chargeur et Vahine Teuira, le ravitailleur, chargé de passer les obus. Je les mettais dans la chambre de la pièce dont la mise à feu était assurée par un Calédonien. Mino Salmon était le chauffeur du camion. Le chef de pièce était un métropolitain”, se souvient-il.
Sorti tout juste de l’adolescence et happé par la guerre, Ari domine sa peur face aux assauts répétés des forces terrestres et aériennes de l’Afrika Korps du général Erwin Rommel. On lui fait souvent remarquer qu’il a conservé son appétit sous la mitraille, contrairement à d'autres. Ari essaie par ailleurs de rester toujours bien coiffé sous les bombardements [son nom d’emprunt Teaupahere signifie “qui aime se coiffer”].

La position de Bir Hakeim a tenu. Ari s’en échappe avec ses frères d’armes lors de la sortie de vive force dans la nuit du 11 juin 1942. “J’ai eu de la chance, beaucoup de chance”, expliquera-t-il plus tard. “C'était la nuit. C’était la pagaille.  Il n'y avait plus de chefs et nous étions livrés à nous-mêmes. J’étais dans un premier camion de transport qui a sauté sur une mine. Je n’ai pensé qu'à sauver ma peau et à filer obstinément vers la direction qu'indiquait le feu de l’azimut 213. J’ai donc poursuivi à pied et j’ai réussi à monter dans un autre camion de transport qui a également sauté sur une mine au niveau de la chicane. J’ai terminé mon périple à pied, sous des tirs nourris, jusqu'à atteindre enfin les positions anglaises dans la journée. Tout le monde avançait comme il pouvait : en camion, en voiture, à pied, et j’ai vu beaucoup de véhicules ne jamais atteindre leur but. Certains, dont des Tahitiens, avaient même préféré retourner à Bir Hakeim où ils ont été faits prisonniers.”
 
Les honneurs de la République en 2020

Le bataillon du Pacifique versé au bataillon d’infanterie de marine et du Pacifique (BIMP), Ari combat à El Alamein, fait la campagne de Tunisie, se bat en Italie où il est blessé une première fois le 11 mai 1944. Lors du débarquement de Provence, il est blessé une seconde fois à La Garde le 22 août 1944, puis évacué sur Cavalaire où il est embarqué pour Oran le 25 août 1944. Ari est dirigé sur Blida le 10 septembre 1944 pour être hospitalisé. Il retrouve son unité pour participer à la campagne des Vosges où les snipers, les pièges et les mines entravent la progression du BIMP. Son frère d’armes Smith Rereao est victime sous ses yeux de l’un de ces pièges. “Nous étions en patrouille avec les distances de sécurité entre les hommes de la colonne soit une dizaine de mètres”, se remémore Ari Wong Kim à propos de ce triste jour. “Soudain : une déflagration. La stupeur passée, je me retourne. Smith qui se trouvait derrière moi avait été décapité par l'explosion de la charge piégée dont il avait activé le mécanisme.”

Les Tahitiens sont finalement relevés pour être affectés à la garde du gouverneur militaire de Paris. Ari revient à Tahiti avec les survivants de l’épopée du Bataillon du Pacifique (75 d’entre eux sont portés manquants). Il postule pour la police municipale mais l’usurpation de l’identité de son frère le dessert. Ari sous l’influence de sa sœur Raita repart en France où il convolera deux fois.
En 2020, Ari Wong Kim, titulaire de la croix de guerre 39-45 et de la Médaille de la Résistance, a été élevé au rang de Chevalier de la Légion d’honneur sur proposition du président de la République. Il sera décoré par François Broche, fils de Papa le Metua, chef du Bataillon du Pacifique tombé à Bir Hakeim, la veille de la sortie de vive force. Cette reconnaissance, il la dédiait à tous ses frères d’armes du Bataillon du Pacifique qu’il est parti retrouver jeudi.
Jean-Christophe SHIGETOMI
Auteur de Tamari’i Volontaires, les Tahitiens dans la seconde guerre mondiale.

Rédigé par Jean-Christophe SHIGETOMI le Jeudi 19 Octobre 2023 à 11:48 | Lu 3829 fois