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Les mutuelles contraintes à rembourser certains dépassements d'honoraires


Les mutuelles contraintes à rembourser certains dépassements d'honoraires
PARIS, 22 mars 2012 (AFP) - Le gouvernement a délivré son remède pour maîtriser la flambée des dépassements d'honoraires médicaux, au prix d'un long bras de fer avec les mutuelles, qui vont être contraintes d'en rembourser une partie, mais beaucoup critiquent cette mesure et doutent de son efficacité.

La mesure, parue discrètement jeudi au Journal Officiel sous forme d'un décret et d'un arrêté, entre immédiatement en application et oblige les complémentaires santé (mutuelles, assurances, institutions de prévoyance) à rembourser aux patients des dépassements d'honoraires plafonnés à 50% au-dessus du tarif Sécu.

Sont concernés les dépassements pratiqués par des médecins spécialistes de bloc opératoire (chirurgiens, anesthésistes, obstétriciens) qui sont actuellement en "secteur 2", c'est-à-dire qui sont autorisés à demander plus à leurs patients que le tarif remboursé par l'assurance maladie, contrairement a leurs confrères, les plus nombreux, exerçant en "secteur 1".

Ces praticiens qui le souhaitent vont pouvoir opter pour un nouveau secteur, que l'on appelait jusqu'ici "secteur optionnel" et désormais "option de coordination élargie". S'ils limitent leurs dépassements à 50% du tarif Sécu pour 70% de leurs actes techniques, l'assurance maladie prendra en charge leurs cotisations sociales (santé, retraite, etc...) sur les 30% des actes qu'ils devront continuer à effectuer au tarif opposable.

De plus, ces praticiens sauront que leurs dépassements ainsi plafonnés seront systématiquement remboursés par les complémentaires santé de leurs patients, alors qu'actuellement celles-ci appliquent leur propre politique de remboursement, plus ou moins généreuse.

Le décret signé par le Premier ministre François Fillon contraint les contrats santé dits "responsables", c'est-à-dire plus de 90% de ceux proposés par les complémentaires santé, d'inclure le remboursement de ces dépassements plafonnés.

L'arrêté, signé du ministre de la Santé Xavier Bertrand, complète un article de la Convention médicale signée en juillet 2011 par l'assurance maladie et des syndicats de médecins libéraux et fixe à 50% le dépassement autorisé pour les praticiens de bloc choisissant "l'option de coordination".

S'ils ont été publiés en toute discrétion, ces textes officiels ont suscité de nombreuses réactions, toutes très critiques.

La Mutualité française, fer de lance de l'opposition au "secteur optionnel", a dénoncé cette mesure. Son président Etienne Caniard a évoqué "une obstination déraisonnable du gouvernement".

Dans un communiqué commun, la Mutualité et les sept centrales syndicales (CGT, CFDT, CFTC, FO, CFE-CGC, FSU, Unsa) "expriment leur désaccord (...) et appellent à "une action résolue contre les dépassements d'honoraires".

"Ce dispositif va à l'encontre du but recherché car il n'intéresse pas les spécialistes qui pratiquent les dépassements les plus importants tandis qu'il constitue un effet d'aubaine pour les autres", affirme le texte.

L'UFC-Que Choisir développe des arguments similaires et évoque un "Jeudi noir pour l'accès aux soins des Français", estimant que cela va entraîner "automatiquement une nouvelle augmentation des cotisations des complémentaires santé".

Le syndicat de médecins Le Bloc, représentant les spécialistes concernés, craint lui aussi que non seulement les praticiens de secteur 2 ne soient pas intéressés mais que ceux de secteur 1, dont les tarifs sont bloqués depuis des années, décident d'appliquer ceux de l'option de coordination.

De fait, la plupart des acteurs de santé pensent qu'une véritable solution aux dépassements passe par un relèvement des tarifs opposables du secteur 1 par l'assurance maladie.

hel/db/nm

Les dépassements d'honoraires en chiffres

PARIS, 22 mars 2012 (AFP) - Voici les principaux chiffres sur les dépassements d'honoraires des médecins, spécialistes et généralistes. Sauf précision particulière, ils ont été fournis par l'assurance maladie pour l'année 2010.

Pour un médecin, prendre un dépassement consiste à demander au patient un tarif de consultation ou d'acte médical plus élevé que le tarif opposable, qui sert de base aux remboursements de l'assurance maladie.

UN QUART DES MEDECINS PRATIQUENT DES DEPASSEMENTS

- 29.000 médecins, y compris hospitaliers, pratiquent des dépassements d'honoraires, soit 25% des médecins en activité régulière. Chez les spécialistes cette proportion monte à 40% en moyenne, et jusqu'à 85% pour les 3.900 chirurgiens libéraux.

- 60% des spécialistes libéraux se sont installés en "secteur 2", où les dépassements sont autorisés et jusqu'à 85% des ORL ou des chirurgiens.

- Pour les généralistes, la proportion en secteur 2 a baissé depuis 1990 et n'atteint plus que 11% en moyenne. La proportion de médecins à exercice particulier (homéopathes, phytothérapeutes...), bien qu'en nette baisse, reste élevée à 38%.

DES DEPASSEMENTS DE PLUS EN PLUS ELEVES POUR LES PATIENTS

- Le taux de dépassement moyen est monté graduellement depuis 1990 et atteignait 54% en 2010. Il varie beaucoup selon les régions, atteignant 150% à Paris, 110% dans le Rhône, près de 90% en Alsace et 80% dans les Alpes-Maritimes.

- Pour les 10% des chirurgiens les plus réputés, soit environ 400, les dépassements atteignent 240% en moyenne.

- Une enquête récente de 60 millions de consommateurs a montré que chez des praticiens connus des hôpitaux publics, autorisés à prendre certains patients en privé, les dépassements pouvaient dépasser les 1000%.

DES DEPASSEMENTS NECESSAIRES SELON LES MEDECINS LIBERAUX

- Le total des dépassements représente 2,5 milliards d'euros, dont 2,1 milliards pour les spécialistes.

- Pour les chirurgiens libéraux exerçant en cliniques privées les dépassements représentent le tiers de leurs revenus.

- Selon le Conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM), pour certains médecins spécialistes, des dépassements de 50% sont nécessaires en moyenne pour faire face aux charges (charges sociales, immobilier), qui progressent de 12% par an.

Rédigé par Par Hervé LIONNET le Jeudi 22 Mars 2012 à 06:09 | Lu 488 fois