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Après 18 mois de scandale, le Mediator devant la justice pénale à Nanterre


Après 18 mois de scandale, le Mediator devant la justice pénale à Nanterre
NANTERRE, 12 mai 2012 (AFP) - Un an et demi après l'éclatement du scandale Mediator, un médicament accusé d'avoir tué 500 à 2.000 patients, le premier procès pénal visant les Laboratoires Servier et son patron Jacques Servier s'ouvre lundi à Nanterre.

Plus de 350 personnes demanderont réparation à Servier et à son fondateur Jacques Servier, 90 ans, devant le tribunal correctionnel sans attendre l'instruction menée au pôle santé du parquet de Paris sur les mêmes faits.

Les parties civiles ont misé sur une procédure rapide, une citation directe pour "tromperie aggravée" dans laquelle leur revient la lourde tâche d'apporter les preuves, sans avoir accès aux investigations parisiennes.

La justice a promis en mars de clore l'enquête d'ici décembre.

Les plaignants reprochent à Servier de les avoir "délibérément" trompés sur la composition du Mediator en ne les informant pas de "la nature anorexigène" de son principe actif, le Benfluorex, alors que ce dernier larguerait dans l'organisme une substance toxique, la norfenfluramine, une molécule très proche de l'amphétamine.

Or la norfenfluramine provoque des hypertensions artérielles pulmonaires, qui peuvent nécessiter une greffe et multiplie par trois le risque de valvulopathies.

Le Mediator, largement détourné comme coupe-faim durant sa commercialisation de 1975 à 2009, est soupçonné d'avoir causé au moins 500 morts en 30 ans voire 1.000 à 2.000 selon d'autres estimations.

Cinq millions de personnes en ont consommé.

L'annonce de ces chiffres par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé en novembre 2010 avait créé une onde de choc dans le système français du médicament, conduisant au vote en décembre 2010 d'une réforme renforçant le contrôle des produits de santé.

"L'objectif, c'est d'aller vite"

Parmi les pièces maîtresses des parties civiles figurent des rapports internes de Servier et les annexes du rapport accablant de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), commandé par le ministre de la Santé. Selon l'Igas, le retrait du Mediator "aurait pu être décidé dès 1999", soit dix ans avant sa disparition du marché.

"L'objectif, c'est d'aller vite sur une infraction assez simple. Tous les éléments sont sur la table et ne sont pas contestables parce qu'ils émanent de Servier", explique l'avocat d'une centaine de parties civiles, Me Charles-Joseph Oudin.

La défense de Servier estime que l'affaire est "hautement technique et scientifique". "Il nous apparaît impensable d'être jugés à Nanterre pour des faits tronqués et sur lesquels enquêtent déjà des juges d'instruction extrêmement dynamiques", a estimé Me Hervé Témime, concédant la "nécessité d'un procès, mais un seul, complet".

En septembre, Jacques Servier, ainsi que six sociétés du groupe, avait été mis en examen notamment pour tromperie par les juges d'instruction de Paris. "Combatif" et "responsable", il assistera à son procès, selon son avocat.

Avant d'aborder le fond, le tribunal devra trancher une féroce bataille procédurale engagée par Servier, susceptible d'entraîner un renvoi du procès.

Servier déposera deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) et une demande d'expertise judiciaire, qualifiées d'"écrans de fumée" par les parties civiles.

"Une expertise n'apporterait aucune valeur ajoutée. Etre juge ne consiste pas à renvoyer à des experts l'appréciation relevant de sa compétence", espère Me François Honnorat, avocat d'une trentaine de parties civiles.

Jacques Servier et quatre ex-cadres de Servier et de Biopharma qui a commercialisé le Mediator encourent 4 ans de prison et une amende de 37.500 euros, Servier et Biopharma une amende de 150.000 euros ainsi qu'une interdiction d'exercer.

Rédigé par Par Pauline TALAGRAND et Ludovic LUPPINO le Samedi 12 Mai 2012 à 04:57 | Lu 264 fois