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Violences conjugales: "il y avait un monstre en moi"


Violences conjugales: "il y avait un monstre en moi"
PARIS, 24 novembre 2011 (AFP) - "La violence conjugale naît d'un enchaînement infernal, comme un cyclone qui emporte tout sur son passage": Frédéric Matwies, 44 ans, a frappé sa compagne pendant dix ans, jusqu'au "coup de trop" qui aurait pu la tuer, le "déclic" pour son repentir et sa guérison.

Polo bleu, jean et baskets noires, le physique plutôt avenant, il n'a pas le profil d'un bourreau, mais bien de "Monsieur tout le monde".

Pourtant, il a infligé à Sabrina, la mère de ses deux filles, dont il a aujourd'hui la garde, des sévices qu'il qualifie lui-même de "barbares": "je l'ai frappée, j'ai été jusqu'à lui faire avaler des crottes de lapin, lui brûler les cuisses avec une cigarette, tenter de l'étrangler"...

Et puis, ce vendredi de janvier 2003, il y a ce coup de couteau, qui s'est planté dans le bras, mais "qui aurait pu la tuer". Sabrina porte plainte.

"Menotté, placé en garde à vue, j'ai eu le temps de cogiter", raconte-t-il à l'AFP. "Je me suis dit: +Frédéric, t'as voulu tuer Sabrina, tu dois aller te faire soigner+". La sentence est clémente: 3 mois de prison avec sursis. "Peu m'importait la peine, j'avais pris ma décision", assure-t-il.

La thérapie, dans un groupe de parole créé par le psychiatre Roland Coutanceau à La Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine), dure deux ans. Récemment, il décide de raconter son histoire dans un livre: "Il y avait un monstre en moi. Témoignage d'un ex-mari violent" (Editions Michalon), sorti le 10 novembre, deux semaines avant la journée mondiale contre les violences faites aux femmes.

"En quelques mois, je suis devenu une ordure", raconte-t-il dans ce récit, écrit avec l'aide de Sabrina.

Dès leur rencontre, la relation est passionnelle. "Dans les premiers mois, après une dispute que j'avais déclenchée, la première gifle tombe", relate-t-il. "Là commence l'engrenage: j'avais mis le doigt dans une relation faite de violences verbales, de harcèlement, de coups, qui n'ira qu'en empirant pendant dix ans".

"Malgré l'amour que je portais à Sabrina, je devenais un monstre, odieux, cruel. Quand j'explosais, je me sentais un autre homme", se souvient-il.

Durant toutes ces années, Sabrina l'a protégé. "Après les coups, je m'excusais, mais les violences étaient entrées dans notre mode de fonctionnement, elles étaient devenues ordinaires". "Et elles étaient comme une drogue pour moi".

Sa compagne, enfant, avait déjà été maltraitée par son père. "Mon père à moi n'était pas tendre avec ma mère", dit-il, sans se chercher d'excuses: "ça fait partie de notre histoire mais ça n'explique pas tout".

Enfant mutique, la violence était pour lui "une manière de s'exprimer".

Lors de la thérapie, il a enfin pu "ouvrir les vannes et tout déballer". "Dans le groupe de parole, il y avait de tout: un plombier, un expert comptable, d'autres hommes qui avaient failli tuer leur femme", relate-t-il.

"Je suis aujourd'hui un homme sauvé", dit-il dans son livre. Dessinateur industriel, il assure que ses filles "sont conscientes de (son) évolution, de (ses) changements et ne peuvent être qu'apaisées".

Il voudrait aujourd'hui "réparer Sabrina", abîmée par ces années de violence. "Aujourd'hui, on se voit les dimanches avec les filles, on arrive à discuter, même à plaisanter", affirme-t-il. "Je lui souhaite tout le bonheur possible".

ito/db/ed

LE DEBAT Comment lutter contre les violences conjugales?

Diffusée le 19/11/2011
Durée : 45 minutes

En France une femme meurt tous les 2 jours et demi sous les coups de son compagnon. Quel rôle jouent les associations ? Comment accompagnent-elles les victimes ? Après avoir été déclaré grande cause nationale en 2010, la lutte contre les violences faites aux femmes est-elle bien prise en compte par les pouvoirs publics ? Quels les recours possibles pour les victimes ? Quelle prise en charge psychologique des victimes et des agresseurs ? Les hommes ne sont-ils pas les grands oubliés des combats ?

Rédigé par Par Isabelle TOURNÉ le Mardi 27 Décembre 2011 à 15:41 | Lu 856 fois
           



Commentaires

1.Posté par sandra le 29/12/2011 11:22 | Alerter
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Ici dès le collège les filles acceptent la violence masculine, elles croient que le Tane l'aime et que c'est pour ça qu'il est jaloux et violent, j'ai vraiment l'impression que la prévention est absente dans les écoles.
Comme le dit l'auteur de ce livre, la violence est souvent banalisée par la famille donc c'est à l'école et à la société d'expliquer que ce n'est pas normal. Je n'ai rien vu à ce sujet ni au collège ni au lycée et c'est bien dommage.

2.Posté par sandra le 29/12/2011 11:27 | Alerter
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"3 mois de prison avec sursis, la sentence est clémente" bravo la justice!!!
Si la justice elle-même ne montre pas la gravité de la violence conjugale beaucoup n'y verront pas un réel problème.
Comme le dit l'auteur ce n'est pas la peine de prison qui l'a fait réagir c'est bien dommage car beaucoup d'hommes violents n'auront pas la présence d'esprit de réagir comme l'a fait l'auteur. Si c'est une grande cause nationale il faut aussi que la justice prenne la mesure de la gravité de cette question sans banaliser ces actes comme elle le fait.

3.Posté par sandra le 29/12/2011 13:05 | Alerter
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Débat très intéressant surtout la conclusion : changer déjà le rapport homme/femme dans la société entière (école, famille, travail, politique) pour éviter les rapports de force qui mènent à la violence.