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Violences à Fidji : plusieurs fonctionnaires fidjiens limogés


Violences à Fidji : plusieurs fonctionnaires fidjiens limogés
SUVA, mardi 12 mars 2013 (Flash d’Océanie) – Après la diffusion la semaine dernière d’une vidéo, postée sur Youtube et montrant deux hommes subissant des actes de tortures à Fidji, qui avait été suivie d’une pluie de condamnations internationales, trois agents des services pénitentiaires de l’archipel auraient été limogés mardi, rapporte la radio nationale privée Legend FM.
Selon ces sources, les trois agents en question auraient été mis à pied en fin de semaine dernière, alors que la police annonçait publiquement une enquête en interne, mais se refuse toujours depuis à ordonner une enquête indépendante sur ces documents audiovisuels diffusés mondialement via Internet.
Alors qu’Ana Tamani, porte-parole des services correctionnels fidjiens, a évoqué mardi un limogeage pur et simple, la police parle de mise à pied concernant deux de ses agents, mis dans le cadre explicite de l’arrestation musclée d’évadés, en septembre 2012.
La vidéo diffusée début mars 2013 a été souvent présentée comme se situant dans le cadre de l’opération de la police, épaulée par l’armée, qui a suivi cette évasion.

Ce week-end, le Contre-amiral Premier ministre Franck Bainimarama, en réaction aux condamnations déjà exprimée quelques jours auparavant par Amnesty International, se positionnait en soutien à « ses hommes ».
Une fois de plus, le Contre-amiral a souligné le travail difficile des forces de l’ordre, confrontées souvent à des criminels endurcis.
Dans une interview accordée à la radio nationale privée Legend FM, le chef de l’exécutif, par ailleurs commandant en chef des armées, a mis en avant la nécessité de protéger la société de ce genre d’individus.
« Rappelez-vous bien qu’ils avaient attaqué une banque et terrorisé la population de Fidji pendant deux semaines entières », a-t-il déclaré en précisant que parmi les personnes rattrapées par les forces de l’ordre, en septembre 2012, certains des évadés « avaient même été formés à la manière de réagir pendant des interrogatoires »
M. Bainimarama s’en est pris au passage aux organisations non-gouvernementales et à leurs antennes locales, dont, selon lui, le travail est « de s’agiter à chaque fois que les gens qui les financent leurs disent de le faire ».
Selon le Contre-amiral, une enquête aura bien lieu, mais en tout état de cause et par avance, il avait pris le parti des membres des forces de sécurité.
« En finale, je me tiendrai aux côtés de mes hommes, aux côtés des policiers ou de quiconque d’autre sera nommé au cours de cette enquête. On ne peut tout simplement pas les laisser tomber tout ça parce qu’ils ont fait leur devoir en prenant soin de la sécurité de cette nation et en faisant en sorte que nous dormions paisiblement la nuit », a-t-il lancé.

Le document controversé, d’une durée de neuf minutes,http://www.youtube.com/watch?v=CTR_eN9oVhI (Attention : contenu déconseillé aux personnes sensibles) est présenté comme se plaçant dans le contexte de l’arrestation, en septembre 2012, d’un groupe de criminels évadés et qui, en quelques jours, avaient commis plusieurs holdups, semant la terreur dans la capitale Suva et sa proche région.
Un autre document vidéo montre un homme livré à un chien.


Violences à Fidji : plusieurs fonctionnaires fidjiens limogés
Mardi 12 mars 2013, en Nouvelle-Zélande, le Parlement national a adopté à l’unanimité une motion (déposée par Phil Goff, ancien ministre des affaires étrangères et porte-parole du groupe travailliste sur les questions de politique étrangère) condamnant les violations des droits humains à Fidji, tout en demandant au gouvernement de Suva de s’exprimer clairement contre l’usage de la violence
Quelques jours auparavant, le Premier ministre centre-droite John Key s’était déclaré « alarmé » par le contenu de cette vidéo.
« Les Néo-zélandais veulent voir Fidji rejoindre la communauté des nations océaniennes en tant que pays qui pratique la démocratie et respecte les droits de ses propres citoyens. Mais ne rien dire alors que les forces de sécurité fidjiennes brutalisent des détenus diminue la crédibilité d’un Fidji sur la voie du rétablissement de la démocratie, cela ternit aussi son image », a déclaré M. Goff.
Le Contre-amiral Premier ministre fidjien Franck Bainimarama, qui dirige un gouvernement issu de son putsch du 5 décembre 2006, a promis des élections au cours du dernier trimestre 2014.

La plus immédiate des réactions concernant cette affaire a été celle d’Amnesty International qui, via son antenne australienne, a fermement condamné tout acte de violence et de brutalité policière « qui ne se justifient dans aucune situation ».
L’ONG a aussi indiqué son intention de procéder à des vérifications quant à l’authenticité de cette vidéo « choquante », tout en demandant une enquête « indépendante ».
« L’authenticité de ce document reste à vérifier et les perpétrateurs ne sont pas en uniforme. Il apparaît toutefois conforme à d’autres comptes-rendus précédents faisant état de brutalité de la part de membres de l’armée fidjienne à l’encontre de prisonniers », souligne l’ONG.

Après la réaction rapide d’Amnesty International, le Haut commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH) avait lui aussi, vendredi 8 mars 2013, condamné dans les termes les plus vifs le contenu de cette vidéo.

Exprimant sa « consternation » au vu de ce document, apparemment filmé à l’aide d’un téléphone mobile et posté depuis une semaine sur Internet, Rupert Colville, porte-parole du Haut commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH), a appelé vendredi 8 mars 2013 le gouvernement fidjien à « faire traduire les auteurs de ces actes en justice ».
« Si les circonstances qui ont permis de tourner cette vidéo n'ont pas encore été clairement établies, les actes qui y sont perpétrés sont illégaux et nous les condamnons fermement », a déclaré le porte-parole du HCDH, Rupert Colville, lors d'une conférence de presse à Genève.
« Cette vidéo de neuf minutes, visible sur des réseaux sociaux et l'Internet, montre deux hommes menottés auxquels sont infligés des actes d'une violence inouïe par un groupe d'individus (…)Dans la vidéo, l'un des hommes est frappé de façon répétée aux pieds, aux jambes, au torse et à la tête à l'aide de différents objets, notamment des bâtons, une barre en fer et un marteau. Il est ensuite déshabillé et photographié. Assis par terre, un autre homme reçoit lui aussi de nombreux coups de bâton et de barre de fer. Ses tortionnaires encouragent un chien à l'attaquer et celui-ci le traine sur plusieurs mètres », rappelle l’ONU dans un communiqué.
Le HCDH déclare par ailleurs avoir pris bonne note des déclarations de la police fidjienne, qui affirme depuis son intention, par voie d’enquête, de faire la lumière sur cette affaire.
« Nous saluons cet engagement et exhortons le gouvernement à assurer que ces violations graves font l'objet d'une enquête rapide et efficace de la part d'une autorité indépendante et impartiale, et que les résultats soient rendus publics », a souligné M. Colville.
« Nous appelons également les autorités à veiller à ce que les auteurs de ces crimes atroces, qui sont visibles et facilement identifiables dans la vidéo, soient traduits en justice et que des efforts concertés soient déployés pour empêcher qu'un tel incident ne se reproduise », a-t-il ajouté en soulignant que les victimes doivent se voir offrir immédiatement un soutien médical et psychologique, ainsi que des dommages et intérêts.
M. Colville a aussi précisé que le HCDH suivrait l'enquête de près et se tenait prêt à assister le gouvernement fidjien afin d’ « éradiquer la torture et les mauvais traitements ».

Dans un communiqué mardi 5 mars 2013, la police fidjienne se déclare « dérangée, comme tous les Fidjiens » par ces vidéos « semblant montrer une agression sur deux hommes dont, à ce stade, nous pensons qu’il s’agit de prisonniers recapturés ».
« Une enquête approfondie a été ordonnée pour établir les circonstances de cet incident. Nous voulons souligner dès l’abord que personne ne devrait former de préjugés sur cette enquête en spéculant sur ce qui a pu se passer », poursuit le communiqué qui affirme sa détermination et dément aussi que les personnes montrées dans ce document sont « les prisonniers évadées de Naboro l’an dernier ».
« Qu’il nous soit aussi permis de rappeler que les agences fidjiennes de sécurité ont travaillé sans relâche ces dernières années pour fournir protection et sécurité aux Fidjiens qui ont souffert de constantes intrusions de leurs domiciles, de cambriolages et de crimes violents. Ces crimes ont été perpétrés par un groupe de criminels qui jouissaient de l’impunité et qui n’avaient aucune considération pour les vies des Fidjiens, aucun respect pour la dignité humaine fondamentale, ni pour la loi », ajoute le texte.


Violences à Fidji : plusieurs fonctionnaires fidjiens limogés
Fin septembre 2012, le gouvernement fidjien s’était positionné contre l’usage de violence de la part de la police et avait promis une enquête afin de déterminer les circonstances exactes de l’arrestation musclée, quelques jours auparavant, de cinq dangereux criminels évadés de la prison de Naboro (banlieue de Suva).

Une semaine après que leur évasion ait entraîné une vague de criminalité dans la capitale Suva et ses environs, les cinq fugitifs fidjiens avaient été recapturés.
Quatre d’entre eux avaient été appréhendés vendredi 21 septembre 2012, sur une petite île au large de la Pointe Uduya (près de Suva), le cinquième, considéré comme le plus dangereux, l’a été mardi 25 septembre 2012.
Les quatre premiers ex-fugitifs devaient comparaître quelques jours après devant un tribunal de Suva, mais le juge Usaia Ratuvili entendant l’affaire a été informé, en dernière minute, qu’ils n’étaient pas en état de se présenter et se trouvaient toujours à l’hôpital.
Rusiate Tudravu, porte-parole de la police nationale, confirmait à l’époque que les quatre prisonniers se trouvaient effectivement toujours à l’hôpital public Colonial War Memorial de Suva, sous surveillance policière et que les seules personnes jusqu’ici autorisées à communiquer avec ces prisonniers étaient des agents de police ou le personnel médical.
L‘un des cinq fuyards serait arrivé à l’hôpital dans une camionnette, enveloppé d’une bâche ruisselant de sang, selon des témoins de la scène.
L’officier a insisté sur le fait que les blessures n’étaient le résultat d’un passage à tabac, mais du fait que les forces de l’ordre avaient dû faire usage d’une « force raisonnable » pour se rendre maître des fugitifs.
« Je peux confirmer qu’ils ont résisté à leur arrestation et que pour les faire rentrer, nos agents de cette opération ont fait usage d’une force raisonnable, et c’est pourquoi ils sont maintenant en observation à l’hôpital », avait-il alors déclaré à la radio nationale publique FBCL.
Il avait aussi invoqué un « terrain difficile » sur l’îlot Snake (aux Serpents) où a eu lieu l’interpellation.
Depuis, le gouvernement a dû se positionner en affirmant qu’il ne « cautionne pas l’usage excessif de la force »
Sharon Smith-Johns, porte-parole du gouvernement, avait indiqué qu’une enquête était en cours afin de savoir de quelle manière les quatre évadés, récupérés sur la petite île, avaient été interpellés.
La police avait ensuite jugé utile de préciser qu’au cours de cette arrestation apparemment musclée, plusieurs de ses agents avaient aussi été blessés à des degrés divers.
« Nous ne voulions pas parler (de ces agents blessés), parce que nous considérons que ça fait partie du métier, avait déclaré Rusiate Tudravu, adjoint au chef de la police, tout en maintenant la thèse d’un usage « raisonnable » de la force face à des criminels armés.

Cette arrestation a suscité des appels à une enquête de la part de plusieurs organisations non gouvernementales spécialisées dans la défense des droits, y compris la Coalition pour les Droits Humains (Coalition on Human Rights) et sa responsable Shamima Ali, qui demande une enquête approfondie concernant le comportement de la police, mais surtout concernant l’implication de l’armée, qui était rapidement venue en renfort.

Depuis cette évasion du 17 septembre 2012 de la prison de Naboro (banlieue de la capitale), suivie d’une série de crimes et hold-up, dans les jours qui ont suivi, la capitale Suva et ses environs vivaient dans un climat d’insécurité

Quelques heures après cette évasion, plusieurs commerces, dont une banque (mercredi 19 septembre 2012, en milieu de journée), un restaurant et un hôtel, avaient été les cibles d’attaques par des individus armés de sabres d’abattis et de marteaux et correspondant au signalement des évadés.
Plusieurs maisons ont été cambriolées.
Le hold-up de la banque s’était fait à l’aide d’un véhicule volé que les malfrats avaient précipité contre l’un des murs de l’établissement.
Les fugitifs, depuis leur interpellation, ont confirmé être les auteurs de la plupart de ces actes.

Renforts militaires musclés

La police nationale avait d’abord lancé une opération spéciale, avec barrages routiers, ainsi qu’un appel à toute information du public en vue de recapturer les fugitifs.
Elle avait aussi rappelé que le fait d’héberger des criminels est passible de lourdes peines pouvant atteindre deux ans de prison.
Mais très rapidement aussi, à la demande du gouvernement local et de son Contre-amiral Franck Bainimarama (Premier ministre, mais aussi chef des armées), les militaires fidjiens s’étaient joints à cette traque.
Parmi les fugitifs, âgés de 25 à 30 ans, la plupart purgeaient des peines allant jusqu’à 26 ans de prison pour des faits de vols à main armée avec violence et, pour l’un d’entre eux, pour meurtre.

pad

Rédigé par PAD le Mardi 12 Mars 2013 à 06:09 | Lu 988 fois