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Vallée de la Vaiiha : les enrochements et les travaux d'extraction, « principales causes des perturbations »


Une étude d'étude impact environnemental est obligatoire pour les travaux de curage supérieurs à 5 000 m3
Une étude d'étude impact environnemental est obligatoire pour les travaux de curage supérieurs à 5 000 m3
PAPEETE, le 2 mai 2016. Alors que le gouvernement prévoit des travaux de curage dans la rivière Vaiiha, l'étude d'impact environnemental recommande de « limiter voire arrêter les travaux de curage et engager des mesures de surveillance ». L'étude publique est consultable ce mois-ci.


Le gouvernement a présenté en mars le Plan rivière. L’intention alors déclarée était de mettre un terme au "laxisme environnemental des gouvernements successifs devant les abus manifestes en matière d’extraction".
En parallèle, la Direction de l'équipement prévoit des travaux de curage dans la vallée de la Vaiiha à Faaone. L'enlèvement d'un volume supérieur de 9 000 m3 de matériaux alluvionnaires est ainsi au programme. Selon la loi pour un volume supérieur à 5000 m3, une étude d'impact environnemental doit être menée. Le dossier est disponible à la mairie de Faaone et de Hitia'a, ainsi qu'au service de l'Equipement, à Tipaerui, officiellement du 6 mai au 6 juin. Mais de nombreux habitants ont déjà pu la consulter à Faaone depuis près d'une semaine. Le public peut inscrire ses remarques et commentaires. Réalisée par le Laboratoire des travaux publics de Polynésie, l'analyse de l'impact des travaux de curage balaie les aspects environnementaux (faune et flore) et humains.


Plus de 12 000 m³ extraits en 2015

Ces dernières années, les travaux d'extractions ont été nombreux dans la vallée comme l'indique le rapport. "Avant 2010, le volume de matériaux curés dans la rivière restait inférieur à 4 000 m3 (sauf 2008 où les volumes annuels sont supérieurs). Après 2010 et jusqu'à 2015, le volume total des matériaux dépasse 6 000 m3 pour atteindre 12 000 m3 en 2012 et 2015 (…) ", décrit l'étude. "En 2012, un volume de près de 3 000 m3 a été retiré de l'embouchure. Au vu des volumes extraits en 2012 à l'embouchure et en amont du pont de la RT, l'activité de curage (extraction,) dans la rivière Vaiiha a été très intense."

Les travaux de curage prévus auront lieu à environ 2 kilomètres à l'intérieur de la vallée. Pour cette étude, la vallée sur un linéaire d'environ 2 kilomètres depuis le pont de la RT jusqu'à 500 mètres en amont des derniers atterrissements (dépôt localisé de matériaux granulaires amenés par le cours d'eau) concernés par les travaux a été observée attentivement.

Des « zones inhabitées » menacées par la crue

Le Labo TP a divisé la zone étudiée en trois (lire encadré ci-contre). La rivière Vaiiha a été classée selon une notation en état de santé global pondéré "Bon" (note : 7.9/10). Une bonne note qui s'explique en partie car la vallée est rurale avec peu d'habitants et des terrains agricoles. Mais la partie où des extractions ont déjà eu lieu a un état de santé « pauvre ».

Les dégradations viennent, selon le Labo TP, des activités de l'homme : "Les aménagements de berges (enrochements) et travaux d'extraction en lit mineur sont les principales causes des perturbations de la configuration physique du cours d'eau, facteurs ayant diminué la note."
Les travaux de curage ont lieu officiellement "dans le cadre de son programme d'entretien et de gestion des cours d'eau". Mais d'une manière générale la zone d'étude est dire rurale, avec quelques habitations en partie aval et des grandes aires agricoles sur la plaine alluviale, rappelle l'étude d'impact environnemental. "La crue inonde principalement les zones inhabitées en amont de la RT. On rappelle encore ici que ces zones habitées sont quasi inexistantes", soulignent les spécialistes.

Cet argument a été relevé par les opposants aux travaux d'extraction. Parmi eux, Danny Pittman. "On est contre la reprise des travaux d'extraction. Il y a personne qui habite là. Les seuls qui habitent là c'est nous. Ils vont protéger quoi ? Les cochons sauvages ?", s'interroge celle dont la maison est situé une centaine de mètres après le pont de la RT.


« Limiter voire arrêter les travaux de curage »

Selon l'étude d'impact, les conséquences des travaux de curage ne font pas de doute : " Depuis le début des extractions en lit mineur (1997), ces travaux de curage perturbent les flux de matériaux et l'équilibre sédimentaire du cours d'eau. En effet sur un cours d'eau non perturbé par des activités anthropiques (tracé du lit naturel); un équilibre s'installe entre le débit solide, le débit liquide, la taille des matériaux et la pente", peut-on lire dans le rapport. "Dans le cas de la Vaiiha, cet équilibre naturel est rompu. Le débit solide diminue et entraîne une augmentation du débit liquide et de la pente de la rivière. La capacité de transports de matériau est accrue et l'érosion prédomine."
Le bien-fondé des travaux de curage est mis en doute par ce rapport. La conclusion indique : "Puisqu'il s'agit d'un cours d'eau faiblement dégradé qui ne nécessite pas ou peu d'intervention sur la configuration physique de celui-ci, les actions principales visent à limiter voire arrêter les travaux de curage et engager des mesures de surveillance. In fine, l'objectif vise à restaurer le tronçon dégradé en utilisant des moyens et techniques légers afin de retrouver un état écologique satisfaisant." Une série de recommandations est donc faite (lire encadré ci-contre) au cas où le Pays déciderait malgré tout de faire des travaux de curage.

Trois zones : d'un état "excellent" à "pauvre"

Longue d'environ 10 kilomètres, la Vaiiha est le quatrième plus grand bassin versant de Tahiti.
Longue d'environ 10 kilomètres, la Vaiiha est le quatrième plus grand bassin versant de Tahiti.
La zone d'étude du diagnostic environnemental a été découpée en trois parties. La première zone est en amont des zones d'extraction. La seconde correspond aux zones d'extraction. La troisième est l'embouchure de la rivière.

"Avec une note moyenne de 9.86/10, le tronçon naturel est en état de santé "excellent"",
souligne l'étude qui reprend les résultats du rapport du Labo TP, et réalisé pour le compte de la Direction de l'environnement, dans le cadre du Plan d'actions rivières des îles du Vent. "Cette note élevée s'explique par un état du lit mineur non perturbé et non chenalisé. La rivière présente sur ce tronçon un régime hydrologique normal, sans érosion significative des berges et une végétation rivulaire s'étendant sur une largeur supérieur à deux fois celle du lit mineur. La strate végétale dominante est de type arborée, cette végétation rivulaire participe à la filtration des eaux."

"Le tronçon numéro 2 a reçu une note de 6.07 /10 ce qui correspond à un état de santé pauvre",
souligne l'étude d'impact. "L'état de santé du cours d'eau est directement lié aux paramètres de dégradation du cours d'eau. En effet, sur plus de 50 % de la section 'Zone d'extraction", les berges ont été modifiées sur les deux rives". Ainsi, "L'étendue de la végétation est limitée sur ce tronçon. La strate herbacée qui tapisse les berges ne peut assurer pleinement les fonctions filtrantes. Bien que l'apparence de l'eau soit généralement claire, la croissance algale sur le substrat remanié progresse." Dans ce secteur, le "cours d'eau a subi des altérations et des impacts importants uniquement dus aux interventions humaines".

Le dernier tronçon, qui correspond à l'embouchure, obtient une note moyenne de 7.54 / 10, "ce qui correspond à un état de santé bon". Contrairement au tronçon précédent, en zone d'extraction, ce secteur urbanisé et d'embouchure présente un meilleur état de santé du cours d'eau.
"Le lit mineur est altéré mais les berges sont aménagées sur un plus court linéaire", souligne l'étude.
Globalement, la rivière Vaiiha a été classée selon une notation en état de santé global pondéré "Bon"" (note : 7.9/10). Une bonne note qui s'explique en partie car la vallée est rurale avec seulement quelques habitations et les zones agricoles. Mais la zone où les extractions ont lieu est en état de santé qualifié de "pauvre".

Les préconisations de l'étude

Sept espèces végétales endémiques menacées et protégées, notamment l’orchidée terrestre Moerenhoutia plantaginea, ou encore de petits arbres endémiques Lepenia taitensis, ont été recensées dans la vallée
Sept espèces végétales endémiques menacées et protégées, notamment l’orchidée terrestre Moerenhoutia plantaginea, ou encore de petits arbres endémiques Lepenia taitensis, ont été recensées dans la vallée
Le rapport, réalisé par le Laboratoire des travaux publics, indique que les « actions principales visent à limiter voire arrêter les travaux de curage et engager des mesures de surveillance ». Si malgré tout, la volonté du gouvernement souhaite réaliser les travaux de curage, le Labo TP émet une série de recommandations : « Dans le but de ne pas retirer systématiquement les atterrissements, il pourra être pratiqué des griffages, des arasements, le retrait d'une partie d'un banc alluvionnaire et la réinjection des matériaux », décrit précisément l'étude. « En ce qui concerne les berges elles pourront être protégées, si cela s'avère nécessaire (enjeux forts en lit mineurs, à l'aide de technique alliant le génie civil et le génie végétal essentiellement dans les cordes (partie concave uniquement). Il peut être également proposé de déplacer la piste, afin de redonner au cours d'eau ces capacités d'épandage en plaine alluviale, la reconnexion d'annexes hydrauliques et plus globalement un espace de liberté latéral plus important ». Le rapport préconise aussi de végétaliser à nouveau les rives du cours d'eau.

« Il appartient donc au gestionnaire qui dispose désormais d'outils pratiques, d'impulser les actions permettant d'une part de limiter, encadrer ou compenser les altérations observées sur la rivière Vaiiha »
, met en avant le rapport. « Il devra également intégrer en parallèle obligatoirement les aspects environnementaux liés au fonctionnement du cours d'eau dans les projets d'aménagement à venir, notamment en matière de protection des biens et des personnes."


Barrage hydroélectrique : bientôt des consultations

En janvier, les membres du Conseil économique, social, social et culturel soulignaient que tout projet de centrale hydroélectrique devra se faire de A à Z en concertation avec "l'ensemble des intéressés" et être accompagné d'un projet global de développement durable. Le gouvernement a entendu ces recommandations et a lancé le travail des consultations. « On a diligenté tout un travail de concertation avec les riverains, les associations, avec l'ensemble des partenaires de ce type de projet », explique le vice-président Nuihau Laurey. « Cette prestation va commencer dans les semaines qui viennent. Elle est cofinancée par l'Etat dans le cadre du Fonds exceptionnel d'investissement (FEI). L'objectif est d'arriver à une ré-concertation de l'ensemble des parties prenantes avant d'aller plus loin dans l'analyse technique du projet et dans sa mise en œuvre. (…) Il y a un -vrai spécialiste qui travaille sur le sujet pour désamorcer un certain nombre d'incompréhensions sur le dossier. »
Pour le Pays, la vallée de La Vaiiha offre le meilleur potentiel d'énergie hydroélectrique. La pluviométrie annuelle moyenne y est d'environ 7 500mm/an, soit une des plus importantes de Tahiti. Mais le projet ne fait pas l'unanimité. Les défenseurs de la vallée craignent que le projet porte atteinte à la faune, la flore et au patrimoine culturel de la Vaaiha. « Cette concertation va servir au moins à ce que l'on soit sûr que toutes les parties prenantes soient d'accord pour que le projet voie le jour. Ce sera un projet de co-développement de la vallée dont un projet hydroélectrique mais pas uniquement », assure le vice-président.
Pour les membres du CESC, l'implantation d'installations hydroélectriques dans les vallées ne peut se faire qu'à la condition qu'elle fasse "partie intégrante d'un ensemble de projet d'aménagement des vallées".


Rédigé par Mélanie Thomas le Lundi 2 Mai 2016 à 19:12 | Lu 2790 fois