Tahiti Infos

Une visio sur les mines océaniques


Maëlle Poisson ambassadrice du collectif « Island Innovation » en Polynésie.
Maëlle Poisson ambassadrice du collectif « Island Innovation » en Polynésie.
Tahiti, le 27 juillet 2023 - Le collectif Island Innovation organise un webinaire, soit une visioconférence, en septembre prochain, pour alerter l’opinion publique des conséquences que peuvent avoir l’exploration et l’exploitation des ressources sous-marines. Pour le collectif, il n’y a pas de doute, “après l’exploration, il y aura l’exploitation, c’est la suite logique”.    
 
Une visioconférence sur les “mines océaniques” sera organisée le 7 septembre prochain au fenua, de 18 à 20 heures. “C’est pour dire à la population que oui, les richesses minières ne relèvent pas du domaine du rêve. Nous ne savons toujours pas si l’exploration et l’exploitation de ces richesses vont être accordées ou pas”, questionne Maëlle Poisson, ambassadrice du collectif Island Innovation en Polynésie.

Un collectif créé par James Ellsmor, entrepreneur et expert en développement durable, pour que “les voix des îles” soient entendues. “C’est une personne qui a beaucoup voyagé et qui s’est rendue compte que les îles avaient toutes des problématiques communes, notamment d’avoir peu de population et donc d’être sous-représentées dans les commissions internationales”, affirme Maëlle Poisson. Le but de ce webinaire est donc de “tous se rassembler pour que la voix des îles monte d’un cran et qu’on ait tous sur le même discours et qu’on puisse parler d’une seule voix dans les commissions internationales”.
 
Des vidéos faites par les différents intervenants tels qu’Anthony Tchekemian, maître de conférences en géographie et en urbanisme à l’Université de la Polynésie, seront diffusées lors de cette visioconférence. Ce dernier racontera notamment son expérience à Clipperton où il y a passé un mois. Les internautes auront même la possibilité d’intervenir lors du débat prévu à cette occasion.

“Après l’exploration, il y aura l’exploitation”

L’ancien ministre de l’Environnement, Heremoana Maamaatuaiahutapu, qui avait lui aussi été entendu dans le cadre de cette mission d’information, avait indiqué l’importance que la Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna et la Polynésie soient “associés à cette stratégie (…). Sur ces sujets, nos territoires disposent de compétences qu’il convient de ne pas ignorer.”       ©CRNS
L’ancien ministre de l’Environnement, Heremoana Maamaatuaiahutapu, qui avait lui aussi été entendu dans le cadre de cette mission d’information, avait indiqué l’importance que la Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna et la Polynésie soient “associés à cette stratégie (…). Sur ces sujets, nos territoires disposent de compétences qu’il convient de ne pas ignorer.” ©CRNS
Maëlle Poisson craint qu’après “l’exploration, il y aura l’exploitation, c’est la suite logique, car il y a eu des investissements pour tous ces robots. Cela m’inquiète beaucoup parce que 70% de la planète, c’est l’océan, et l’océan Pacifique représente la moitié de la planète”, dit-elle. L’ambassadrice du collectif Island Innovation demande à ce qu’une feuille de route soit mise en place. “Certains pays du Pacifique sont déjà dans la course et je pense qu’on peut servir d’exemple et notre décision est importante.”
 
L’ambassadrice du collectif Island Innovation précise d’ailleurs que juste après la visioconférence sur les mines océaniques, Island Summit, qui rassemble toutes les îles du globe, va prendre le relais pour préparer la COP28 qui aura lieu cette année à Dubaï, aux Émirats arabes unis, du 30 novembre au 12 décembre. Un événement où le collectif Island innovation tiendra un stand.
 

“Beaucoup d’incertitudes existent aujourd’hui”

Le conseiller “océan” , Joachim Claudet du CRNS :“en tant que scientifique, nous sommes incapables d’évaluer l’impact des activités humaines dans les profondeurs" ©CRNS
Le conseiller “océan” , Joachim Claudet du CRNS :“en tant que scientifique, nous sommes incapables d’évaluer l’impact des activités humaines dans les profondeurs" ©CRNS
Rappelons qu’en janvier 2022, une table ronde avait été organisée par la mission d’information du Sénat sur “l’exploration, la protection et l’exploitation des grands fonds marins” dans le cadre du plan “France 2030”, pour lequel l’État a prévu 240 milliards de francs pour “l’espace” et “les fonds marins”. Plusieurs scientifiques y avaient été conviés, comme le conseiller “océan” du CNRS, Joachim Claudet, qui avait affirmé qu’“en tant que scientifique, nous sommes incapables d’évaluer l’impact des activités humaines dans les profondeurs. On ne sait pas combien de temps il faudra aux écosystèmes pour récupérer (…). Si on perd une espèce, on perd une fonction et on peut totalement déstabiliser un écosystème. Il n’est donc pas possible d’évaluer l’impact d’une activité humaine sur les fonds marins.” Le directeur du département “ressources physiques et écosystèmes de fond de mer” de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), Jean-Marc Daniel, avait également affirmé que “beaucoup d’incertitudes existent aujourd’hui sur les grands fonds marins”.
 
L’ancien ministre de l’Environnement, Heremoana Maamaatuaiahutapu, qui avait lui aussi été entendu dans le cadre de cette mission d’information, avait indiqué l’importance que la Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna et la Polynésie soient “associés à cette stratégie (…). Sur ces sujets, nos territoires disposent de compétences qu’il convient de ne pas ignorer.” L’ancien ministre de l’Environnement a d’ailleurs fait remarquer que cela n’a pas été le cas pour la stratégie de protection des récifs coralliens pensée par l’État et que le gouvernement local a appris la nouvelle comme tout le monde lors du One Summit en février dernier à Marseille. “Alors que 98% des récifs coralliens se trouvent en outre-mer (…).” 

“Il ne faut pas le faire parce que ce serait détruire l'océan et détruire la vie”

“Depuis longtemps, nous mettons en garde contre les convoitises concernant ces fonds marins" le député Moetai Brotherson
“Depuis longtemps, nous mettons en garde contre les convoitises concernant ces fonds marins" le député Moetai Brotherson
En août dernier, Moetai Brotherson, alors député, avait assuré à Tahiti infos que “depuis longtemps, nous mettons en garde contre les convoitises concernant ces fonds marins. Aujourd'hui, on n'a pas les technologies pour les exploiter de manière saine. Donc il ne faut pas le faire. Il ne faut pas le faire parce que ce serait détruire l'océan et détruire la vie. Donc toutes les initiatives qui vont dans le sens d'un moratoire nous paraissent pertinentes.” Ce dernier a aussi signé la déclaration parlementaire mondiale pour un “moratoire sur l'exploitation minière des grands fonds marins”.
 
Le Sénat a d’ailleurs réaffirmé que l'exploitation de ces ressources était “prématurée” en raison des “problématiques environnementales” qu'elle soulève mais qu’il ne fallait pas que cela conduise à “l’immobilisme”. Comme le directeur général du service hydrographique et océanographique de la marine, Joachim Claudet, l’avait souligné lors de la table ronde, “la fragilité de l’environnement ne doit pas nous interdire de nous y intéresser, bien au contraire. Il faut que la France et l’Europe montrent la façon de faire, avant que d’autres nations, peut-être moins soucieuses du respect de l’environnement, ne conduisent ces explorations ‘à la hussarde’.”  

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Jeudi 27 Juillet 2023 à 17:45 | Lu 1797 fois