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Une mission de l’APF sur la stratégie française en Indopacifique


Tahiti, le 24 août 2022 – Les auditions s’enchaînent au sein de la mission d’information sur l’impact des stratégies de la France dans l’espace indopacifique, mise en place au sein de l’assemblée de la Polynésie française. Il s’agit de mieux comprendre les enjeux de cette stratégie évoquée à plusieurs reprises par le chef de l’État et, surtout, son application au fenua.
 
Alors que le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères a publié en début d’année un livret de 78 pages intitulé “La stratégie de la France dans l’Indopacifique”, la commission des institutions à l’assemblée de la Polynésie française s’est également saisie de la question. Il a été créé au mois de juin une mission d’information sur l’impact des stratégies de la France dans l’espace indopacifique sur les collectivités françaises du Pacifique.
 
Présidée par Philip Schyle, cette mission d’information regroupe le député Moetai Brotherson, les représentants Richard Tuheiava, Sylviane Terooatea et Éliane Tevahitua, ainsi que le président de l’assemblée Gaston Tong Sang. Le sénateur Teva Rohfritsch et la première vice-présidente à l’APF Sylvana Puhetini en sont les corapporteurs. Il s’agit pour le moment de compiler le plus d’informations possible en auditionnant des personnalités issues des différents secteurs évoqués dans la stratégie française, comme l’économie, l’armée, l’éducation, l’environnement… “Nous avons mené une vingtaine d’auditions réunissant une cinquantaine de personnalités politiques et civiles afin de comprendre ce que veut apporter la France à la région Indopacifique, notamment sur des sujets dont nous avons la compétence”, explique Sylvana Puhetini. “L’Indopacifique, c’est vaste, mais le Pacifique, c’est nous, donc nous avons contacté la Nouvelle-Calédonie, qui est très intéressée également, ainsi que Wallis-et-Futuna. Nous sommes tombés d’accord sur le fait que ce sujet est intéressant mais sensible en même temps, quand on voit les tensions qui existent dans la zone.”
 
Des auditions aussi en Nouvelle-Calédonie et à Paris
 
La mission d’information devait se rendre sur le Caillou cette semaine mais le territoire se préparant à élire son prochain président du Congrès. Le voyage a été reporté. Des représentants de Wallis-et-Futuna doivent également se joindre à la délégation afin de participer aux auditions des personnalités institutionnelles, militaires et civiles. Localement, ce sont les représentants de l’enseignement qui ont été entendus la semaine dernière, afin “d’avoir une vision claire des échanges et partenariats entre notre système éducatif et ceux de nos voisins du Pacifique” a relaté Moetai Brotherson sur les réseaux sociaux. Avant cela, le contre-amiral Rey, qui a depuis quitté le territoire, avait également été entendu en ce qui concerne les enjeux militaires, ainsi que le président du Pays et ses ministres, les représentants de la CCISM, ou encore ceux des syndicats de transporteurs ou du patronat. Et les auditions ne sont pas finies. Après la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie, elles devraient ensuite se poursuivre à Paris.
 
La mission d’information rendra son rapport à la fin de l’année. “Il sera validé en commission puis en séance plénière à l’assemblée. Des propositions et des recommandations seront ensuite faites à notre gouvernement, qui devrait les prendre en compte puisque c’est un sujet qui intéresse les trois collectivités françaises du Pacifique, et même au-delà, jusque l’État français”, conclut Sylvana Puhetini.
 

Moetai Brotherson, membre de la mission d’information : “La stratégie de la France dans l’espace indopacifique a été élaborée sans nous”

“Je suis membre de cette mission car c’est un sujet qui m’intéresse et sur lequel j’ai déjà travaillé en tant que parlementaire national, depuis le discours fait par Emmanuel Macron à New Delhi en 2018. C’est là que le président a évoqué pour la première fois la stratégie indopacifique de la France. Il en a ensuite reparlé à plusieurs reprises, notamment lors de sa venue ici (en juillet 2021, NDLR). Je crois que ce qui est important pour nous, ce n’est pas tant de savoir quelle est la stratégie de la France mais plutôt quelle peut être la stratégie de la Polynésie française. Cette mission concerne également la Nouvelle-Calédonie, c’est pourquoi nous avons prévu un déplacement là-bas pour sonder les décideurs politiques et socio-économiques afin de comprendre leur sentiment par rapport à ça. Car c’est une chose que la France ait une stratégie indopacifique, mais le Pacifique, c’est nous, donc on ne veut pas être les dindons de la farce une fois de plus. Si c’est pour refaire le coup des essais nucléaires, c’est non. Les préconisations qui seront rendues à la fin de la mission d’information vont principalement s’adresser aux décideurs politiques polynésiens et calédoniens, mais certaines viseront peut-être l’État pour qu’on établisse le dialogue car pour l’instant, cette stratégie a été élaborée sans nous.”
 

La stratégie de la France dans l’Indopacifique

La France est présente dans l’espace indopacifique avec ses régions, collectivités et départements d’outre-mer, qui représentent une population totale de 1,6 million d’habitants. 93 % de sa zone économique exclusive est située dans les océans Indien et Pacifique et plus de 7 000 militaires français y sont déployés, selon le livret “La stratégie de la France dans l’Indopacifique” publié par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères en février.
 
Selon le président Macron, la stratégie indopacifique française repose sur “quatre grands piliers” : la sécurité et la défense, pour que “l’Indopacifique demeure un espace ouvert et inclusif, avec des souverainetés respectueuses les unes des autres” malgré les tensions qui peuvent s’y exercer ; l’économie, notamment la connectivité des infrastructures physiques et numériques ; la promotion d’un “multilatéralisme efficace, fondé sur la règle de droit et le refus de la coercition” ; et enfin l’“engagement en faveur des biens communs” que sont le climat, la biodiversité ou encore les océans.
 
La Polynésie française est citée en exemple quant à son action pour l’innovation économique de la région (Pacific Business Day), pour la préservation de son environnement (Tech4Islands Awards et aires marines protégées) mais aussi pour son implication dans la recherche et les organisations régionales. Il est également souligné la présence militaire et de sécurité permanente qui y est déployée.
 

Rédigé par Lucie Ceccarelli le Mercredi 24 Août 2022 à 18:26 | Lu 1363 fois