Tahiti Infos

Un préavis sans vouloir la grève


Tahiti, le 31 août 2020 – L'intersyndicale à l'origine du préavis de grève générale a expliqué ses intentions lundi. Bien davantage qu'un mouvement de grève qui "n'est pas forcément une bonne chose", les syndicats de salariés veulent faire entendre leur voix et demander des mesures plus larges et fermes contre l'épidémie de Covid-19.
 
Pour la première fois depuis la diffusion de leur préavis de grève générale en fin de semaine dernière, les confédérations constituant l'intersyndicale CSTP-FO, CSIP, O oe to oe rima, Otahi et Fédération de la manutention portuaire se sont expliquées publiquement lundi matin sur leurs intentions. "Pourquoi nous déposons un préavis de grève ? Parce que nous n'avons pas d'autres moyens légaux pour défendre nos salariés qui paient un lourd tribut en ce moment parce que, peut-être, on a mal géré la situation", a entamé le leader de la CSTP-FO, Patrick Galenon. Une première formule très prudente qui traduit visiblement les véritables objectifs de l'intersyndicale : Attirer l'attention des autorités pour se faire entendre, plutôt que d'entamer un véritable débrayage massif.
 
Patrick Galenon, qui a indiqué que l'échéance du préavis avait été repoussée au 8 septembre, a d'ailleurs confirmé cette intention à plusieurs reprises lundi matin. "Il ne faut pas voir ce préavis comme une catastrophe. C'est un préavis et on espère très sincèrement que ce préavis sera un appel à nos autorités pour prendre les choses en main." Ou encore : "La grève générale, ce n'est pas forcément une bonne chose, on le sait. Surtout en ce moment". Et enfin : "Je ne peux pas imaginer que les négociations ne puissent pas aboutir". Pendant toute la durée de son intervention, le leader de la CSTP-FO a d'ailleurs évité soigneusement d'aborder le sujet des conséquences d'une absence d'accord avec le Pays et l'État sur leurs revendications. Même si le dialogue est rompu ? "Je ne suis pas devin. L'avenir nous le dira", a uniquement balayé Patrick Galenon.
 
Masques obligatoires partout
 
Cette pression en moins, les syndicats se sont attachés à présenter aux médias le message qu'ils comptent présenter aux autorités. "On avait 69 cas depuis le mois de mars. Et lorsqu'on a ouvert nos frontières, depuis le 15 juillet et avant le 15 août, nous avons eu 8 700 voyageurs par avion. Et évidemment ces visiteurs, quoi qu'on en dise, nous ont contaminés. Aujourd'hui, on est un peu dans l'embarras. Parce que nous savons pertinemment que l'Institut Malardé est en burnout parce qu'ils ne peuvent faire que 250 tests par jour et qu'il est difficile aujourd'hui de contrôler l'expansion de cette maladie", a exposé Patrick Galenon.
 
Globalement, l'intersyndicale demande une application plus large et ferme des mesures prises par le Pays et l'État : Port du masque obligatoire sur toute la Polynésie, fermeture systématique des établissements scolaires en cas de cas Covid dans une classe ou encore quatorzaine à l'arrivée pour les entrants en Polynésie. "On ne dit pas que nous avons la vérité en nous", a concédé Patrick Galenon, "mais il y a des choses comme ça qui doivent être réglées définitivement".
 
Première rencontre au haussariat
 
Si une rencontre est prévue mercredi avec le président du Pays et le haut-commissaire, l'intersyndicale a d'ores et déjà été reçue lundi soir au haut-commissariat en présence du Medef et de la CPME. Évidemment opposés à une grève générale, les représentants du patronat estiment eux-aussi que la démarche des syndicats de salariés relève davantage "d'un appel à la discussion et à l'échange", a indiqué le vice-président du Medef Olivier Kressmann. De son côté, le patronat a lui aussi demandé aux autorités de "clarifier" certaines questions, notamment sur la marche à suivre pour les cas contacts. "On a des personnes contacts qui vont être invitées par la veille sanitaire à arrêter de travailler. Il faut établir des protocoles, en fonction de ces cas contacts –il y en a trois : forts, moyens et faibles– et que ces protocoles s'appliquent partout." Pour le représentant du Medef, il faut inscrire les mesures dans la durée. "Le Covid n'est pas prêt de s'arrêter, on l'aura encore pour un bon bout de temps, et il faut s'organiser pour que ça ne mette pas à plat l'économie et le droit social."
 

Lucie Tiffenat, Otahi : "Nous avons demandé le chômage partiel"

"Qu'ils nous donnent une réponse sur une demande que nous avons formulée depuis le confinement. Nous avons demandé le chômage partiel. Que l'État prenne en charge pour pouvoir accompagner les salariés. Aujourd'hui, il y a un problème, les salariés qui sont susceptibles d'être testés et qui ne sont pas malades, on les confine et pendant cette période il n'y a personne qui les paie. Donc c'est un souci et c'est aussi une demande forte de l'intersyndicale. (…) Aujourd'hui nous sommes, je pense, tout à fait d'accord de faire en sorte que le Pays, les salariés et les employeurs participent pour permettre aux salariés d'être accompagnés. (…) Cette contribution des salariés, c'est important. Depuis des années que nous militons pour que cette caisse chômage voit le jour, il faut bien que les salariés paient aussi une contrepartie pour pouvoir en bénéficier."
 

Cyril Le Gayic, CSIP : "Pourquoi sacrifier douze secteurs d'activité ?"

"Il ne faut pas oublier qu'il y a treize secteurs d'activités. Pourquoi sacrifier douze secteurs d'activité pour essayer de sauver un secteur d'activité. Alors c'est vrai que le secteur de l'hôtellerie représente entre 27 et 30% du PIB, mais et le reste ? L'industrie, les hydrocarbures, les assurances, le commerce ?... Ils représentent une masse de salariés. Pourquoi sacrifier cette partie-là juste pour sauver le lobbying de certains patrons du secteur de l'hôtellerie. Non, il faut arrêter."
 

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun et Antoine Samoyeau le Lundi 31 Août 2020 à 22:04 | Lu 2978 fois