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Un policier sanctionné après le suicide d'un détenu en 2019


Tahiti, le 7 septembre 2021 – Le tribunal administratif de Papeete a examiné hier le recours d'un brigadier-chef de la DSP sanctionné de quatre mois d'exclusion temporaire, dont deux avec sursis, après l'affaire du suicide d'un sans-abri en cellule de dégrisement en février 2019.
 
L'affaire –très médiatisée– du suicide d'un sans-abri en cellule de dégrisement à la Direction de la sécurité publique (DSP) début 2019 a refait parler d'elle, hier à l'audience du tribunal administratif de Papeete. Au terme d'une enquête administrative et d'une procédure disciplinaire de plus d'un an, un brigadier-chef de la DSP a été sanctionné en septembre 2020 par une exclusion temporaire de quatre mois dont deux avec sursis pour des “manquements” à plusieurs obligations professionnelles, alors qu'il était en responsabilité au moment du drame. Hier, le policier contestait la sanction infligée par le ministère de l'Intérieur devant la justice administrative.
 
3h22 sans attention
 
A l'époque de l'affaire, le procureur, Hervé Leroy, et le directeur de la sécurité publique, Mario Banner, étaient revenus sur les circonstances du suicide lors d'une conférence de presse. Ils avaient expliqué qu'un sans domicile fixe âgé de 37 ans avait été interpellé le matin du 19 février 2019 pour “mendicité agressive” par les policiers de la DSP et placé en cellule de dégrisement. L'homme avait prévenu les agents de police qu'il avait l'intention de se pendre avec son débardeur et il avait été laissé en sous-vêtements dans sa cellule. Mais dans l'après-midi, le trentenaire avait été retrouvé mort. Il s'était étranglé avec le cuissard qui lui avait été laissé en guise de sous-vêtement, retrouvé noué et torsadé autour de son cou.
 
Sanctionné pour “s’être affranchi de ses responsabilités hiérarchiques au détriment du bon fonctionnement du service et au risque – avéré – de mettre en péril la vie d’un individu pris en charge par la police nationale”, le chef de brigade au moment du suicide du prisonnier réfutait hier certains des motifs de la décision du ministère de l'Intérieur. Cette décision lui reprochait notamment de n'avoir pas prêté suffisamment attention aux mises en garde de ses collègues sur les velléités suicidaires du détenu, lors de sa prise de service. Version contestée par le brigadier-chef, pour qui ces instructions ne lui ont jamais été transmises.
 
Pour autant, a relevé le rapporteur public du tribunal, la décision de sanction relève également que le chef de brigade ne s'est rendu qu'une fois vers 13 heures en cellule pour y trouver le détenu torse-nu et vêtu d'un cuissard, ses habits posés sur le sol à l'extérieur de la cellule. Qu'il ne s'est pas interrogé de cette situation. Qu'il n'a pas demandé de surveillance particulière du prisonnier à ses hommes. Et qu'il ne s'est pas non plus inquiété de l'état de santé du prisonnier, lorsqu'en retour de patrouille il l'a vu sur les écrans de vidéosurveillance “immobile, allongé au sol sur le ventre”. Finalement, le corps sans vie du prisonnier avait été découvert à 17 heures. Et selon les enregistrements de la vidéosurveillance, il était tombé au sol face contre terre à 13h38.
 
La cellule “trop éloignée”
 
Pour sa défense, le brigadier-chef à la carrière honorable de 35 années de service et décoré de la médaille d'honneur de la police nationale, a notamment indiqué qu'il n'avait pas réagi en voyant le prisonnier dévêtu en raison de la “chaleur habituelle” des cellules. Pour expliquer qu'il ne s'était pas rendu sur place constater l'état de santé du trentenaire, il a également affirmé qu'il pensait que le détenu “dormait” allongé au sol et qu'il avait été placé de surcroît dans une cellule “éloignée du poste de contrôle”. L'avocate du brigadier a également fait remarquer au tribunal que cette affaire avait entraîné “des changements dans l'organisation” à la DSP. “C’est bien qu'il y avait des dysfonctionnements. Ils ne doivent pas peser uniquement sur mon client.”
 
Des arguments qui ne sont néanmoins pas de nature à écarter la “faute” du policier, a estimé le rapporteur public du tribunal. “Et bien que le ministre ait relevé l’existence de dysfonctionnements de service effectivement constatés relatifs à la passation de consignes par la brigade descendante après la tentative de suicide de l’individu”, la magistrate a conclu au rejet du recours du policier contre sa sanction. Décision le 21 septembre prochain.
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Mardi 7 Septembre 2021 à 18:20 | Lu 5770 fois