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Un juge d'instruction de Papeete muté pour des "fautes disciplinaires"


Tahiti, le 28 octobre 2022 – L'un des trois juges d'instruction en poste à Papeete a été sanctionné le 12 octobre dernier par le Conseil supérieur de la magistrature. Le magistrat, auquel il est reproché l'accumulation d'un "retard croissant dans le traitement des procédures", ou encore des "négligences" et "manquements" envers les justiciables est muté d'office et a également l'interdiction d'exercer les fonctions de juge d'instruction.
 
Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) a prononcé, le 12 octobre dernier, le déplacement d'office du juge d'instruction en poste au palais de justice de Papeete, Frédéric Vue. Cette lourde sanction, qui a été assortie de l'interdiction pour le magistrat d'exercer les fonctions de juge d'instruction, fait suite à une inspection du cabinet d'instruction du juge menée par le ministère de la Justice en avril 2021.
 
Dans sa décision, publiée sur le site du CSM, l'organe chargé de la nomination et de la discipline des magistrats en France explique que la sanction est basée sur plusieurs griefs et manquements commis par le magistrat. Il lui est reproché "l'accumulation d'un retard croissant dans le traitement des procédures d'information judiciaire dont il avait la charge, en dépit des nombreuses mises en garde de ses supérieurs hiérarchiques". Le CSM relève également une "négligence dans le suivi des détentions provisoires et de la saisine tardive ou de l'omission de saisir le juge des libertés et de la détention" et ce "en dépit d'alertes effectuées par les greffes pénitentiaires". Ces dysfonctionnements ont provoqué, selon le CSM, "la mise en liberté de nombreux détenus ou la détention arbitraire de personnes mises en examen".
 
Pour le CSM, le magistrat a commis des "manquements aux devoirs de légalité et de délicatesse envers les justiciables" en n'avisant pas les victimes de leur droit de se constituer partie civile et d'être assistées d'un avocat. Le conseil de discipline des magistrats du siège en déduit que cette série de manquements a "porté atteinte à l'image de l'institution judiciaire" et a eu pour conséquence "de graves violations des libertés individuelles et des droits des victimes". Muté d'office et interdit d'exercer les fonctions de juge d'instruction, le magistrat peut désormais saisir le Conseil d'Etat qui se prononcera alors sur la proportionnalité de la sanction.
 
Vives réactions à Papeete
 
Au palais de justice de Papeete, cette décision du CSM a provoqué de vives réactions, certains collègues du magistrat l'estimant injustifiée. Mercredi, les magistrats du siège se sont réunis en assemblée générale extraordinaire et ont décidé du renvoi de trois audiences à juge unique qui devaient être tenues par le juge d'instruction sanctionné. L'une de ces audiences, qui devait avoir lieu jeudi matin, a donc été renvoyée après que le président du tribunal correctionnel a lu la motion votée lors de l'assemblée générale extraordinaire. Il a ainsi expliqué que "les magistrats du siège du tribunal de première instance avaient constaté la brusque absence du collègue juge d'instruction chargé de présider certaines audiences, indépendante de la volonté de ce dernier, qui implique pour tous une surcharge de travail dans un contexte déjà difficile et alors que ce collègue ne sera remplacé, au mieux, que dans plusieurs semaines". Les magistrats du siège, "dans l'impossibilité de suppléer ce collègue dans l'ensemble de ces fonctions", ont donc décidé jeudi de "procéder au renvoi des dossiers à une date d'audience ultérieure".
 
Enfin, cette sanction du CSM intervient alors qu'une nouvelle inspection de la chancellerie est prévue à Papeete début novembre. Elle portera sur l'exécution des peines et fait suite à la visite en Polynésie de la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Dominique Simonot, qui avait évoqué des atteintes aux droits des personnes détenues. En avril dernier, une précédente inspection, portant sur le fonctionnement des juridictions, avait déjà été menée par la chancellerie à Tahiti. Le remplaçant de Frédéric Vue a été désigné le 21 octobre dernier. Il s'agit d'Hervé de Gaillande, magistrat exerçant actuellement à Cayenne en Guyane.
 

Rédigé par Garance Colbert le Vendredi 28 Octobre 2022 à 13:51 | Lu 10193 fois