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Un duel Air Tahiti et TNH aux Marquises


Tahiti, le 2 août 2022 – Seules deux compagnies aériennes se sont positionnées sur le nouvel appel d'offres du Pays pour la desserte de Ua Pou et Ua Huka aux Marquises : Air Tahiti et Tahiti Nui Helicopters. Tahiti Air Charter abandonne donc l'idée de s'implanter sur place, tandis qu'Air Tahiti proposera de sous-traiter la desserte au Twin Otter de Zimex Aviation comme début 2021 et Tahiti Nui Helicopters de poursuivre l'exploitation provisoire qu'elle assure sur ces deux lignes depuis un an. Le Pays doit faire son choix avant le 29 septembre.
 
Du nouveau dans le ciel marquisien. Deux compagnies aériennes ont répondu à l'appel d'offres (re)lancé par le Pays en juin dernier pour la desserte de Ua Pou et Ua Huka aux Marquises. Selon les informations recueillies par Tahiti Infos, Air Tahiti et Tahiti Nui Helicopters –détenue à 50% par Air Tahiti Nui– ont déposé les deux seules offres pour ce marché complexe à la date butoir du lundi 1er août dernier. Une phase d'examen des offres et de négociation avec les deux compagnies doit maintenant s'ouvrir, avant une décision d'attribution de la “délégation de service public” du transport aérien sur ces deux lignes par le Pays annoncée pour le 29 septembre prochain.
 
Petit retour en arrière…
 
À la genèse de cette nouvelle procédure, il y a la réorganisation du transport aérien interinsulaire, menée quasiment à son terme par le gouvernement en 2020, avec la fameuse péréquation des tarifs des transports aériens dans les îles éloignées. Rappelons qu'au 1er janvier 2021, le Pays avait découpé le ciel polynésien en trois zones. Une première de libre concurrence sur les dessertes rentables et deux autre en délégation de service public pour les îles enclavées à subventionner via la fameuse péréquation. Sur ces deux zones enclavées, Air Tahiti a remporté le premier lot concernant les îles des Tuamotu, Gambier et Australes et Tahiti Air Charter a remporté le second lot comprenant uniquement les dessertes marquisiennes de Ua Pou et Ua Huka. Problème, Tahiti Air Charter n'a jamais obtenu l'agrément du Service d'État de l'aviation civile (SEAC) lui permettant d'exploiter cette desserte depuis qu'elle a remporté le marché. La faute principalement à un avion monomoteur ne satisfaisant pas les critères de sécurité exigés par le service de l'État.
 
Le 15 juin dernier, le Pays a donc annulé le contrat passé avec Tahiti Air Charter et relancé une nouvelle procédure d'appel d'offres pour la délégation de service public uniquement sur les deux lignes de Ua Pou et Ua Huka. Dans l'intervalle, depuis le 1er janvier 2021, c'est d'abord Air Tahiti qui a assuré provisoirement la desserte de Ua Pou et Ua Huka, notamment en sous-traitant ces deux lignes à la société suisse Zimex Aviation. La compagnie domestique ayant mis fin à l'activité des Twin Otter de sa filiale Air Archipels lorsqu'elle a perdu le marché des Marquises fin 2020, elle n'avait pour solution que cette location via la société suisse. À partir de mi-2021, c'est ensuite une autre solution provisoire qui a été mise en place. La société Tahiti Nui Helicopters, assurant déjà les évacuations sanitaires aux Marquises, s'est vue confier provisoirement le transport de passagers sur les lignes Ua Huka et Ua Pou.
 
Faire durer le provisoire
 
Ce bref rappel des organisations provisoires d'Air Tahiti et Tahiti Nui Helicopters ces deux dernières années n'est pas anodin, puisqu'il correspond globalement aux deux solutions proposées aujourd'hui dans les offres des deux compagnies aériennes. En effet, selon nos informations, Air Tahiti propose un “ACMI” (Aircraft, Crew, Maintenance and Insurance) avec la société Zimex Aviation pour exploiter durablement les deux lignes marquisiennes. Soit une opération d'affrètement complet du Twin Otter, des pilotes, de la maintenance et des assurances de la société suisse. Air Tahiti assurant ensuite les opérations d'escale et de réservation. La même recette que celle qui avait fonctionné au premier semestre 2021, en respectant les conditions de sécurité –avec un avion bimoteur notamment– exigée par le SEAC et désormais par le Pays dans son appel d'offres.
 
Côté Tahiti Nui Helicopters, la compagnie ne s'était pas positionnée initialement sur le transport régulier des passagers aux Marquises. Mais à l'usage, elle offre désormais un service fonctionnel, qui est même passé de 40 à 55 heures hebdomadaires de vol, et qui permet surtout des décollages depuis Terre Déserte ou directement depuis le village de Taiohae à Nuku Hiva. Et si la compagnie annonçait en mai dernier réfléchir à investir dans des appareils “plus performants, plus gros et qui pourraient offrir plus de places”, rien ne l'oblige à ces acquisitions pour assurer des rotations avec les cinq places disponibles actuellement sur chaque vol.
 
Rude cahier des charges
 
L'autre information découlant du dépôt de ces deux offres, c'est l'absence de proposition des autres compagnies domestiques locales qui s'annoncent depuis quelques années sur le transport interinsulaire polynésien. Attributaire du marché en 2021, Tahiti Air Charter n'a pas souhaité investir dans un nouvel appareil pour cette desserte marquisienne. La compagnie est d'ailleurs en train de vendre l'un de ses deux monomoteurs Cessna Caravan et se concentre sur l'exploitation d'un avion aux îles Sous-le-Vent. Air Tetiaroa était également une candidate potentielle sur cet appel d'offres, mais n'a pas souhaité se positionner. Quant à Air Moana, Air Motu Link ou Air Bora Bora, leurs appareils ne sont a priori pas dimensionnés pour cette desserte.
 
Il faut dire que les conditions du cahier des charges désormais exigé par la Direction de l'aviation civile, à la suite de l'échec de Tahiti Air Charter, ont rendu l'accès au marché complexe. Toujours selon nos informations, le cahier des charges impose désormais le recours à des appareils bimoteurs, avec double pilote et un régime de vol en IFR (Instrument flight rules) pour des approches aux instruments en cas de vols de nuit ou dans des conditions météorologiques difficiles. Des critères adaptés aux avions, mais pas forcément aux hélicoptères, fait remarquer un observateur du dossier. Autre problème, l'enveloppe financière allouée par le Pays pour le désenclavement de ces deux dessertes marquisiennes se situerait trop en-dessous des attentes des compagnies potentiellement candidates. Parmi les professionnels du secteur, on assure d'ailleurs que les offres d'Air Tahiti et de Tahiti Nui Helicopters comportent des “variantes” mieux adaptées financièrement aux critères du marché.
 
Le Pays a deux mois pour évoquer ces détails avec les deux compagnies aériennes en lice. Mais à n'en pas douter, le critère principal sera celui de ne pas rééditer le premier rendez-vous manqué il y a un an et demi avec Tahiti Air Charter.
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Mercredi 3 Août 2022 à 21:40 | Lu 3294 fois