Tahiti Infos

Un chef étoilé pour des enfants défavorisés


Papeete, le 23 octobre 2019 - À l'occasion de la venue en Polynésie du chef étoilé franco-libanais Alan Geaam, l'association des Amis du Liban de Tahiti a invité, ce mercredi, une dizaine d'enfants placés dans le foyer d'accueil d'urgence Te Aho Nui à venir goûter aux mets du pays du cèdre au Tahiti Ia Ora Beach Resort.

"J'ai traversé l'Atlantique et le Pacifique pour vous faire à manger et pour que vous goûtiez les plats du pays dont je suis originaire, le Liban", annonce dans un grand sourire le chef étoilé Alan Geaam aux douze enfants arrivés tout droit de l'école, ce mercredi midi, au Tahiti Ia Ora Beach Resort – Managed by Sofitel. Pour ces enfants placés par la justice au foyer d'accueil d'urgence Te Aho Nui de Pirae pour maltraitance, ce déjeuner cuisiné par le chef Alan Geaam, invité par l'association des Amis du Liban de Tahiti, était vécue entre excitation, joie et bien sûr gourmandise.

"Le ma'a libanais, c'est le meilleur ma'a que j'ai jamais mangé de ma vie", raconte le petit Manatea*, 9 ans, originaire de Rurutu. Peu habitué aux saveurs culinaires libanaises, Manatea, comme ses copains et copines du foyer, âgés de 5 à 12 ans, ont fait découvrir à leurs papilles des mets inconnus. Au menu de ce repas libanais concocté par le chef Alan Geaam, aidé du chef du Tahiti Ia Ora Beach Resort, Jeremy Martin, et de ses équipes, les enfants ont pu déguster en guise d'entrée : du caviar d'aubergine, de l'houmous, du taboulé et de la sauce au yaourt. Puis, ils ont enchaîné sur différents plats : des kafta (brochettes de poulet et de bœuf), accompagnés de boulghour, de Mujaddara (un plat campagnard avec du riz, des lentilles et des oignons). Et en dessert, un baklawa, un gâteau traditionnel du Liban.

"ON CUISINE POUR LES AUTRES"

Jeremy Martin, Joseph Maroun et Alan Geaam.
Jeremy Martin, Joseph Maroun et Alan Geaam.
"J'ai jamais goûté des choses comme cela, c'est super bon", annonce en véritable gourmet Hanavei*. "Ça change de la cantine. C'est carrément bon la sauce au yaourt", poursuit Hiro* qui, pourtant, avait l'air un peu dubitatif devant ses plats inconnus.

Et si ces jeunes semblent avoir plus qu'apprécié ce déjeuner méditerranéen, la chaleur du chef Alan Geaam y est peut-être pour quelque chose. "Pour moi, on cuisine pour les autres. J'aime faire plaisir aux personnes. La cuisine, c'est un partage, c'est l'hospitalité. Si on n'aime pas cela, on ne cuisine pas", annonce avec un enthousiasme communicatif le chef de 44 ans. Pour le chef étoilé au guide Michelin en 2018, ce partage vient de sa mère qui lui a fait découvrir, quand il était enfant, la cuisine. "Ma mère passait des heures à cuisiner pour nous, à faire mijoter les plats, juste pour nous faire plaisir.", raconte le cuisiner, une pointe d'émotion dans la voix. Et, depuis, le chef veut continuer à partager avec les autres, à commencer par ceux dont la vie n'a pas forcément été facile, un peu à l'image de la sienne.


ARRIVE A PARIS SANS RIEN

Né au Liberia, Alan Geaam a dû fuir ce pays, du jour au lendemain, avec ses parents alors qu'il était tout jeune au moment du coup d'état en 1980 pour aller vivre au Liban. "J'ai quitté un pays en guerre pour aller vivre dans un autre pays en guerre. Ce n'est pas facile, je suis resté 20 ans au Liban. Puis, j'ai débarqué à Paris quand j'avais 24 ans pour découvrir la cuisine française." Fasciné par l'art et la cuisine française qu'il ne connaissait qu'à travers les émissions télévisées et les magazines, Alan Geaam est arrivé dans la capitale française en 1999 avec juste 200 francs français [3 500 Fcfp, NDLR] pour aller vivre son rêve culinaire.


AUTODIDACTE

"J'ai dormi dans la rue, j'ai commencé à faire la plonge dans un snack, puis j'ai travaillé en cuisine dans un restaurant. J'ai gravi les échelons petit à petit jusqu'à maintenant. Les gens m'ont appris des choses, ont été patients avec moi. On parle souvent du rêve américain, mais moi, le rêve français, je sais qu'il existe", raconte avec foi l'autodidacte, aujourd'hui à la tête de deux restaurants à Paris, dont l'un dans le 16e arrondissement, rue Lauriston, Alan Geaam Restaurant, qui a reçu une étoile Michelin en 2018. "Un jour, un inspecteur est venu me voir, puis plus de nouvelles. Quelques mois après cette visite, le guide Michelin m'a téléphoné (…) et on m'a attribué une étoile. La première étoile, c'est vraiment celle qui récompense la valeur de la cuisine", raconte le chef.

Et aujourd'hui, fidèle à son caractère, Alan Geaam est heureux de faire découvrir un peu de ses racines à ses enfants à travers un bon repas et de partager sa passion. "Moi, plus tard, j'ai envie de devenir cuisinier", avoue le jeune Hiro… des étoiles plein les yeux.

*Pour respecter l'anonymat des enfants, les prénoms ont été changés

Infos pratiques :
Association « Les Amis du Liban-Tahiti », président Joseph Maroun


le Mercredi 23 Octobre 2019 à 18:39 | Lu 2370 fois