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Un budget 2021 entre diète et dette


Tahiti, le 19 octobre 2020 - Dans le cadre du prochain débat d’orientation budgétaire (DOB), le gouvernement a adressé un rapport à l’Assemblée pour y exposer ses prévisions et perspectives pour l’année 2021. Un exercice compliqué compte tenu des incertitudes économiques et sanitaires actuelles et qui conduit à des propositions budgétaires prudentes avec des recettes fiscales en baisse et des grands projets mis de côté.
 
L’exercice est un classique, une figure imposée du fonctionnement des institutions polynésiennes. Les circonstances sont quant à elles nouvelles. Dans le cadre du vote du prochain budget du Pays pour 2021, prévisions économiques et arbitrage politique sont de mise lors du débat d’orientation budgétaire. Un débat qui est précédé par la remise d’un rapport en octobre aux représentants de l’APF sur les perspectives économiques et budgétaires à venir. Covid oblige, l’exercice qui n’est d’habitude qu’une formalité relève pour le gouvernement d’un exercice d’équilibriste.
 
Réalités économiques face à volonté politique
 
Car la réalité économique est plus faite d’incertitudes que d’assurance avec une crise aussi imprévisible dans son arrivée que dans ses conséquences. "L’impact économique de la pandémie de Covid-19 en Polynésie française est inédit tant par son ampleur que par son schéma de diffusion" car "classiquement, les effets d’une récession économique mondiale impactent la Polynésie française de manière différée à un ou deux ans, lui permettant ainsi d’anticiper les effets afin de les atténuer". Le schéma classique qui laissait un peu de temps de préparation ayant volé en éclat, il reste aux gouvernants d’atténuer les effets au plus vite et au mieux à l’issue d’un difficile exercice de prévision. "L’exercice 2021 est, à bien des égards, incertain". Il sera marqué surtout du sceau de la sauvegarde avec une volonté politique affichée de sauver ce qui peut l’être au niveau de l’appareil productif, des emplois et des compétences "dans une perspective de reprise de la pleine activité dès que les conditions sanitaires le permettront".
 
Une volonté donc d’amortir et de stabiliser la situation économique et sociale qui nécessite "une mobilisation conséquente du budget du pays". Mais le document ne comporte pas de remède miracle et évoque clairement que "le budget 2021, se doit, en dépit d’une conjoncture particulièrement difficile, d’être inscrit dans la continuité des priorités du gouvernement pour sa mandature". Une volonté de continuité sans véritable révolution. Le rapport indique clairement qu’il a ainsi "été procédé à un ajustement des moyens et des actions afin d’adapter l’action gouvernementale au contexte de crise, les objectifs restent inchangés". Même destination donc, mais avec un itinéraire bis et moins d’essence dans le moteur.
 
Ressources fiscales en baisse
 
Une ligne de conduite inchangée qui s’explique notamment par des marges de manœuvres limitées. Si les dotations de l’État sont connues et stables, les ressources propres au Pays sont moins sûres. La chute de l’activité économique du fait de l’épidémie et des restrictions sanitaires a en effet son pendant, la baisse des rentrées fiscales. Les recettes de fonctionnement sont ainsi prévues à la baisse pour 2021 après un exercice 2020 qui sera également marqué par de mauvais chiffres. Les prévisions sont ainsi établies à 120 milliards de Fcfp contre 131 milliards de Fcfp lors du précèdent budget. Au niveau des recettes fiscales, l’impôt sur les sociétés (IS) et la TVA vont reculer respectivement de -19% et -8% en 2020. Pour 2021, le rapport prévoit une légère hausse de +2% du rendement de la TVA et des droits à l’importation, signe d’une reprise timide de la demande intérieure mais les recettes fiscales directes, comme l’IS, continueront selon les prévisions de chuter significativement avec une baisse de l’ordre de -15%. De fait, les dépenses de fonctionnement vont diminuer légèrement (-1,1 milliard) même si le Pays conserve l’objectif "de maintenir un niveau de dépenses publiques élevé pour soutenir l’économie et accompagner les politiques sectorielles".
 
400 000 Fcfp de dette par habitant
 
Au niveau de l’investissement, le gouvernement joue aussi la continuité avec des recettes qui "devraient s’établir au même niveau que celui du budget primitif 2020, soit 42 milliards de Fcfp" en excluant le prêt pour la CPS et l’avance à ATN. Sans surprise, la dette du Pays va exploser. Outre le Prêt Garanti par l’État (PGE) obtenu auprès de l’AFD, les banques locales et d’autres financeurs ont été sollicités pour soutenir les investissements que le gouvernement souhaite mener. Fin 2019, le Pays avait un stock d’emprunts de quelques 80 milliards à rembourser. Un an plus tard, l’encours a explosé de +41% notamment par le seul PGE et va s’établir fin décembre à près de 113 milliards. En 2020, la Pays rembourse 11,8 milliards de Fcfp, dont 8,8 d’annuités et 3 d’intérêts. Lors des deux prochaines années, il faudra rembourser 15 milliards  en 2021 et 18,1 milliards en 2022 rien qu’en annuités. Une dette publique qui explose donc pour s’approcher de la barre des 400 000 Fcfp par habitant, un chiffre qui reste somme toute inférieur à la métropole.
 
Les grands projets piquent du nez
 
SI le document évoque une "politique d'investissement ambitieuse" avec un niveau de dépenses identique à 2019 et une volonté d’optimisation de la consommation des crédits, les grands projets, auparavant considérés comme des futurs moteurs de l’économie ont du plomb dans l’aile. Aucune mention de la ferme aquacole de Hao dans le rapport et les quelques 300 pages de documents annexées, que ce soit au titre des réalisations 2020 ou des perspectives 2021. Celles relatives au Village Tahitien sont présentes mais timides. Ainsi parmi les principales actions programmées pour 2021, il est indiqué concernant le mégaprojet que le Pays veut "poursuivre la procédure d’AMI [appel à manifestation d’intérêt] pour sélectionner les investisseurs, signer les baux emphytéotiques d’occupation des lots et relancer la consultation des bureaux d’études pour la maîtrise d’œuvre des terrassements et de la réalisation du trait de côte". Pas demain la veille, d’autant que le Pays prévoit, dans l’attente du projet, d’étudier un aménagement du parc Vairai. Même discrétion budgétaire pour le centre de Congrès et la zone biomarine de Faratea, qui avaient fait l’objet d’annonces en fanfare il y a quelques semaines. Avec un retour à la réalité, le pragmatisme semble désormais être de mise.
 

Un budget 2021 entre diète et dette

Rédigé par Sébastien Petit le Lundi 19 Octobre 2020 à 18:32 | Lu 2813 fois