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Un 20 novembre “culturel” contre un 29 juin “politique”


Tahiti, le 2 mai 2024 – La vice-présidente Éliane Tevahitua a proposé au conseil des ministres de faire du 20 novembre un jour férié en remplacement du 29 juin afin de célébrer Matari'i plutôt que l'autonomie. Si le Tapura, Ahip et Amuitahiraa saluent le choix d'une date “culturelle” et pas “politique”, ils regrettent que la population, pourtant encore “majoritairement autonomiste” n'ait pas été consultée. De plus, cette décision appartient in fine à l'assemblée qui doit modifier le code du travail en ce sens.
 
Un an après avoir gagné les élections territoriales, le Tavini huiraa'tira joint l'acte à la parole en décidant de substituer, à partir de l'année prochaine, la fête de l'autonomie du 29 juin à celle du 20 novembre comme jour férié pour célébrer l'entrée dans la période de l'abondance.
 
Ce n'est pas un scoop. La date du 29 juin a toujours été source de division dans la population. Si c'est le symbole du premier statut d'autonomie obtenu par Gaston Flosse en 1984 et célébré depuis par les autonomistes, c'est une journée de deuil pour les indépendantistes qui l'assimilent au jour où Tahiti est devenu une colonie française en 1880.
“Nous ne nions pas cette vérité historique”, concède d'ailleurs Gaston Flosse dans une publication ce 1er mai. Mais ceux qui “rejettent la fête de l'autonomie en prétextant que la date du 29 juin est un outil d'aliénation de l'histoire coloniale de notre pays n'ont rien compris”, écrit-il. Au contraire. S'il a choisi le 29 juin pour instaurer cette journée de célébration, c'est justement pour “rompre avec les chaînes de la colonisation, sans pour autant l'oublier ou la cacher”, explique le père de l'autonomie.
 
Une date culturelle et pas politique choisie...
 
S'il salue “la réaffirmation de notre patrimoine culturel” dans le choix du gouvernement d'opter pour le 20 novembre, il préfèrerait “ressentir les effets de l'abondance dans notre économie et notre vie quotidienne”. Même son de cloche du côté du Tapura :“Déjà c'est une date culturelle et pas politique, et là-dessus je rejoins Gaston Flosse”, se réjouit d'abord Tepuaraurii Teriitahi. Mais cela s'arrêtera là. Car pour elle, “le 29 juin a un sens pour la majorité des Polynésiens qui sont autonomistes au regard des dernières élections territoriales”.

La moindre des choses, dit-elle, eut été de “consulter la population”. “Une consultation citoyenne”, a renchéri Nicole Sanquer pour Ahip. Elle constate que “le fameux fa'atura a deux significations au Tavini” puisque le respect de l'autonomie “qui fait partie de notre histoire” est aujourd'hui foulé au pied. “On bafoue la symbolique et en ce sens, ça méritait d'interroger la population”, insiste à nouveau de son côté l'élue du Tapura. Ce à quoi s'était d'ailleurs engagé le président du Pays lorsque ce sujet s'était invité, il y a un an maintenant, dans le discours d'ouverture de la session administrative du président de l'assemblée.
 
... sans consultation de la population
 
Antony Géros avait en effet surpris la représentation en annonçant vouloir remplacer le 29 juin par le... 1er septembre, jour de célébration de l'indépendance de l'Église protestante Mā’ohi. Moetai Brotherson lui avait alors rétorqué qu'il ne fallait pas que “0la prochaine date retenue nous divise à nouveau et relance la polémique”, et souhaitait que cette réflexion soit ouverte à la société civile, évoquant déjà Matari'i i ni'a. “Sont-ils seulement d'accord entre eux”, s'interroge aujourd'hui Tepuaraurii Teriitahi. D'accord ou pas, la balle est désormais dans le camp de Tarahoi.

En effet, c'est une proposition qui a été faite par la vice-présidente en charge de la Culture Éliane Tevahitua et validée par le conseil des ministres de ce mardi. Mais c'est à l'assemblée de légiférer. Car il faut savoir que les jours fériés sont déclinés dans le code du travail qu'il va donc falloir modifier en conséquence. Pour ce faire, cela passe d'abord obligatoirement par une consultation globale tripartite entre le gouvernement, les syndicats de salariés et les employeurs, avant de passer par la case Cesec pour terminer avec un vote à l'assemblée.

Rédigé par Stéphanie Delorme le Jeudi 2 Mai 2024 à 14:13 | Lu 2021 fois