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Ukraine : l'armée russe poursuit son offensive, images d'apocalypse dans les villes touchées


Aris Messinis / AFP
Aris Messinis / AFP
Dnipro, Ukraine | AFP | vendredi 11/03/2022 - L'armée russe a étendu vendredi son offensive à une autre grande ville d'Ukraine, Dnipro, et poursuivi ses bombardements frappant zones d'habitations et infrastructures civiles, poussant toujours plus de civils à fuir vers l'ouest du pays et les pays européens voisins.

Plus de 2,5 millions de personnes se sont déjà réfugiées à l'étranger, majoritairement en Pologne, et environ deux millions ont été déplacées par les combats en Ukraine même depuis le début de l'invasion le 24 février, selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.

Jusqu'ici épargnée par l'avancée russe, Dnipro, grand centre industriel d'un million d'habitants sur le fleuve Dniepr, qui marque la séparation entre l'Est en partie prorusse de l'Ukraine et le reste du pays, a été tôt vendredi la cible de raids qui ont fait au moins un mort, selon les autorités locales.

"Il y a eu trois frappes aériennes sur la ville, sur un jardin d'enfants, un immeuble résidentiel et une usine de chaussures à deux étages où un incendie s'est ensuite déclaré", ont annoncé les services d'urgence ukrainiens.

Ajoutant son cortège d'images de désolation à celles de Kharkiv (nord-est) et Marioupol (sud), deux des villes les plus touchées depuis le début de l'invasion russe, Dnipro s'est réveillée hébétée, dans un décor d'immeubles calcinés, éventrés ou soufflés.

L'AFP a vu dans la matinée des sapeurs-pompiers éteindre des incendies dans des ruines fumantes. Certains bâtiments n'étaient plus qu'un amas de poutres et structures métalliques tordues.

Après une hôpital pédiatrique mercredi à Marioupol, un établissement pour personnes handicapées a été touché vendredi, près de Kharkiv, sans toutefois faire de victimes, selon un premier bilan des services d'urgence.

"C'est un crime de guerre contre des civils, un génocide de la nation ukrainienne!", a fustigé le responsable de l'administration régionale, Oleh Sinegoubov.

Selon lui, 330 personnes --dont 10 sont en fauteuil roulant et 50 à mobilité réduite-- se trouvaient sur les lieux au moment de l'attaque. "Les charpentes du bâtiment ont été détruites au niveau des 2e et 3e étages", ont précisé les services de secours.

Corps abandonnés 

Quatre soldats ukrainiens ont par ailleurs été tués et six blessés dans le bombardement de l'aéroport militaire de Lutsk, dans le nord-ouest du pays, selon un nouveau bilan du maire de la ville. 

Les forces russes ont également visé l'aéroport militaire d'Ivano-Frankivsk, dans l'extrême ouest de l'Ukraine. 

Les bases aériennes de Lutsk et Ivano-Frankivsk ont été "mises hors service", selon le ministère russe de la Défense.

Des raids aériens nocturnes ont aussi frappé les villes de Tchernihiv (nord), Soumy (nord-est) et Kharkiv, déjà fortement touchées, endommageant immeubles d'habitation et infrastructures d'alimentation en eau et électricité.

De Kharkiv à Marioupol, en passant par Mykolaïv dans le  sud, la situation humanitaire ne cesse de s'aggraver dans les villes assiégiées ou menacées par l'avancée des Russes.

Des corps abandonnés dans les rues, un immense fosse commune comme seule sépulture pour les autres, des civils tentant de fuir sous les bombes : les très rares informations émanant du port de Marioupol, sur la mer d'Azov, où les communications sont quasiment coupées, racontent le désespoir des habitants.

La ville est sans eau, sans gaz, sans électricité, sans communications, et ces derniers jours on y voyait des gens se battre pour de la nourriture.

A la morgue de Mykolaïv, ville des bords de la mer Noire sous le feu russe depuis des jours, les corps s'entassent à même le sol et dans la cour de l'établissement, où la neige tombe sans discontinuer, a constaté l'AFP.

Un cadavre gît les mains jointes, comme en prière. En réalité, raconte l'employé de la morgue, il jetait des cocktails molotov quand les Russes l'ont attrapé. Ils lui ont attaché les mains et l'ont exécuté.

L'armée russe continue aussi à prendre la capitale en tenailles. Après avoir atteint les faubourgs de Kiev, elle tente d'éliminer les défenses ukrainiennes dans plusieurs localités à l'ouest et au nord de la ville pour la "bloquer", a expliqué l'état-major ukrainien.

Près de 20.000 personnes ont déjà évacuées mercredi et jeudi de la région de Kiev et quelque 100.000 au total sur ces deux jours des villes en proie aux combats, selon les autorités ukrainiennes.

Des mercenaires syriens ? 

Alors que l'armée russe semble ralentie dans son avancée par la résistance acharnée des Ukrainiens, selon des sources militaires occidentales, le président Vladimir Poutine a donné son feu vert à l'envoi de combattants "volontaires", notamment venus de Syrie.

 "Si vous voyez que des gens veulent y aller volontairement, qui plus est pas pour de l'argent, et aider ceux qui vivent dans le Donbass (est de l'Ukraine, ndlr), alors il faut aller à leur rencontre et les aider à rejoindre la zone de combat", a-t-il lancé en réponse à une proposition de son ministre de la Défense.

Des mercenaires syriens combattent déjà au côté des Russes et de l'armée syrienne face aux jihadistes. Ils ont aussi été employés au côté des mercenaires de la force russe Wagner en Libye.   

Le maître du Kremlin a également demandé à son ministre de la Défense de lui proposer des redéploiements militaires à la frontière occidentale de la Russie, en réponse à ceux de l'Otan en Europe orientale.

Vladimir Poutine a cependant affirmé que des "avancées positives" avaient été obtenues lors des pourparlers russo-ukrainiens. Le dernier round s'est déroulé jeudi en Turquie, pour la première fois au niveau des ministres des Affaires étrangères.

L'Alliance atlantique a déployé des milliers d'hommes en Europe centrale et orientale en réaction à l'intervention militaire russe en Ukraine. Parmi les pays de l'Otan, la Pologne et les trois pays baltes ont des frontières communes avec la Russie.

Le président américain Joe Biden devait annoncer de son côté vendredi vouloir exclure la Russie du régime normal des relations commerciales mondiales, ce qui ouvrirait la voie à des hausses de tarifs douaniers, a indiqué une source proche du dossier.

Outre une vague de sanctions qui visent à asphyxier l'économie russe, les Etats-Unis et leurs alliés européens s'efforcent aussi d'aider l'Ukraine militairement tout en évitant l'implication directe des Etats membres de l'Otan. Le Congrès américain a adopté jeudi une enveloppe faramineuse de près de 14 milliards de dollars pour la crise ukrainienne.

Le Royaume-uni a annoncé en outre qu'il allait sanctionner 386 élus russes ayant soutenu l'invasion de l'Ukraine.

Réunis en sommet à Versailles, près de Paris, pour élaborer les réponses économiques et militaires au choc de l'invasion russe, les chefs d'Etat et de gouvernement des Vingt-Sept ont exclu pour leur part une adhésion rapide de l'Ukraine à l'UE, tout en ouvrant la porte à des liens plus étroits.

Le Conseil de sécurité de l'ONU se réunira par ailleurs vendredi à 16H00 GMT à la demande de Moscou, sur la fabrication supposée d'armes biologiques en Ukraine, niée catégoriquement par le président Volodymyr Zelensky.

La barre des 2,5 millions de réfugiés franchie en 2 semaines

La barre des 2,5 millions de personnes fuyant le conflit en Ukraine pour trouver refuge à l'étranger a été dépassée, deux semaines après l'invasion ordonnée par le président russe Vladimir Poutine, selon le dernier décompte de l'ONU publié vendredi.

- 2.504.893 réfugiés -
Le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) recensait exactement 2.504.893 réfugiés venant d'Ukraine sur son site internet dédié vers 11H00 GMT. Ce sont près de 189.000 de plus que lors du précédent pointage. Sur ces 2,5 millions, quelque 116.000 sont des ressortissants de pays tiers, selon l'Organisation internationale pour les migrations. Il s'agit du flux le plus rapide sur le continent européen depuis la Deuxième guerre mondiale, selon le Haut Commissaire aux réfugiés Filippo Grandi.

Les autorités et l'ONU s'attendent à ce que le flot s'intensifie encore, alors que l'armée russe étend son offensive à l'ouest. Quatre millions de personnes pourraient vouloir quitter le pays pour échapper à la guerre, selon les premières prévisions de l'ONU, un chiffre qui devrait très certainement être révisé à la hausse, selon le HCR. Avant ce conflit, l'Ukraine était peuplée de plus de 37 millions de personnes dans les territoires contrôlés par Kiev - qui n'incluent donc pas la Crimée annexée par la Russie, ni les zones sous contrôle des séparatistes pro-russes.

- Pologne -
La Pologne accueille à elle seule plus de la moitié de tous les réfugiés qui ont fui depuis le début de l'invasion russe. Au total, un peu plus de 1,5 million de réfugiés sont présents dans ce pays, selon le décompte du HCR arrêté au 11 mars. Depuis le 24 février, 1.520.000 personnes fuyant le conflit en Ukraine sont entrées en Pologne, ont annoncé de leur côté les garde-frontières polonais. La veille, jeudi, ils ont enregistré 87.000 voyageurs. Des dizaines de milliers de personnes traversent également la frontière dans le sens opposé. Ces retours peuvent être des hommes qui travaillent en Pologne mais rentrent pour s'enrôler. Il y a aussi des personnes qui travaillent en Pologne mais décident de rentrer pour s'occuper de vieux parents par exemple, et ceux qui n'y vont que pour chercher leurs proches et retourner immédiatement avec eux en Pologne. Enfin, il y a des réfugiés qui décident de rentrer par mal du pays ou pour éviter que quelqu'un occupe leur logement. Avant cette crise, la Pologne abritait déjà environ 1,5 million d'Ukrainiens venus, pour la plupart, travailler dans ce pays membre de l'Union européenne.

- Hongrie -
La Hongrie accueille 225.000 personnes, selon des chiffres du HCR arrêtés au 10 mars. Le pays compte cinq postes-frontières avec l'Ukraine et plusieurs villes frontalières, comme Zahony, ont aménagé des bâtiments publics en centres de secours, où des civils hongrois viennent proposer vivres ou assistance.

- Slovaquie -
La Slovaquie dénombre 176.000 personnes ayant fui l'Ukraine, selon le point actualisé du HCR arrêté au 10 mars.

- Russie -
Le nombre de personnes ayant trouvé refuge en Russie s'élève à près de 106.000 à la date du 10 mars. Le HCR note aussi que, entre le 18 et le 23 février, 96.000 personnes sont passées des territoires séparatistes pro-russes de Donetsk et de Luhansk en Russie.

- Moldavie -
Après leur arrivée en Moldavie, petit pays de 2,6 millions d'habitants et l'un des plus pauvres d'Europe, une partie des réfugiés poursuivent leur route jusqu'en Roumanie ou en Hongrie, souvent pour retrouver de la famille. Selon les autorités moldaves, depuis le 24 février, près de 280.000 personnes sont entrées dans le pays par l'Ukraine et près de 180.000 en sont sortis. Selon le décompte du HCR, 105.000 réfugiés venus d'Ukraine étaient répertoriés dans le pays à la date du 10 mars.

- Roumanie - 
Le HCR n'a pas actualisé ses statistiques concernant la Roumanie. L'agence de l'ONU pour les réfugiés dénombrait près de 85.000 réfugiés à la date du 8 mars. Comme pour la Moldavie, de nombreux réfugiés décident de poursuivre leur route une fois en sécurité. Depuis le 24 février, 365.000 personnes sont entrées, et un peu plus de 280.000 sorties, ont détaillé les autorités roumaines vendredi.

- Ailleurs -
Le HCR a aussi précisé qu'un peu plus de 280.000 personnes avaient poursuivi leur route, une fois la frontière ukrainienne franchie, vers d'autres pays européens.

Rédigé par RB le Vendredi 11 Mars 2022 à 05:09 | Lu 2940 fois