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Ukraine: de Boutcha à Kramatorsk, l'hommage aux morts de la guerre


Crédit Dimitar DILKOFF / AFP
Crédit Dimitar DILKOFF / AFP
Boutcha, Ukraine | AFP | vendredi 24/02/2023 - "Se souvenir des crimes russes": à Boutcha, ville-martyre proche de Kiev durement marquée par l'occupation russe, ou près du front à Kramatorsk (est), des Ukrainiens ont rendu hommage vendredi aux victimes de la guerre débutée il y un an avec l'invasion des troupes de Moscou.

Dans l'église Saint-André de Boutcha, une petite exposition photographique rappelle les heures sombres vécues par cette ville dans la banlieue nord-ouest de la capitale ukrainienne.

C'est à côté de l'édifice, encore partiellement en travaux, qu'une fosse commune avait été creusée pour enterrer à la hâte les victimes de l'occupation avant sa libération par les forces ukrainiennes, fin mars 2022.

"Nous sommes réunis pour nous souvenir des crimes russes, de la terreur", déclare un prêtre orthodoxe durant une cérémonie organisée "pour la paix en Ukraine et ses défenseurs", devant une centaine de paroissiens venus se recueillir.

Boutcha est un symbole des crimes de guerre imputés à la Russie par l'Ukraine qui a annoncé y avoir découvert des centaines de cadavres de civils. 

"On est resté là avec ma femme pendant un mois, durant l'occupation. On n'a pas bougé, on a vu toutes ces horreurs", raconte à la sortie de l'église, les yeux rougis, Serguiï Zamostiane, un ancien professeur de 62 ans.

"Au cimetière, plus de 50 de nos soldats reposent déjà, et 450 civils qu'ils (les Russes) ont fusillés (...) Pourquoi? Expliquez-moi, pourquoi?", questionne le sexagénaire qui dit croire "en la victoire" ukrainienne. 

Il raconte qu'il vivait rue Iablonska, où l'AFP avait découvert, immédiatement après la fin de l'occupation, les corps d'une vingtaine de civils.

Parmi ces morts, le parrain de leur fils, "abattu dans notre cour". Et "un homme, on ne le connaissait pas, on l'a trouvé allongé, tué, on l'a vu de nos propres yeux", ajoute l'ancien professeur.

Les prêtres de la paroisse, des responsables municipaux se sont ensuite retrouvés au cimetière de Boutcha, pour une deuxième cérémonie.

"Fatigués" de la guerre

Les tombes creusées ces dernières semaines, et sur lesquelles sont posées couronnes de fleurs et drapeaux ukrainiens, abritent les corps de soldats tués ces derniers mois, témoignages du tribut payé par cette petite ville de 30.000 habitants.

La tombe la plus récente est celle d'Oleksiï, un soldat de 29 ans décédé mi-janvier. Sa mère, Tatiana, est rentrée d'Allemagne où elle est réfugiée pour enterrer le jeune homme. 

"On est fatigués, on n'en peut plus de la guerre. C'est dur, on veut qu'on nous laisse en paix", dit-elle, soutenue par l'ex-petite amie d'Oleksiï qui dit ressentir "un abyme, le vide".

Près de l'église, Galyna Gamulets, 64 ans, se dit aujourd'hui plus rassurée parce que "nous avons des armes, que nous avons de l’aide, nous avons notre propre armée". 

Aux premiers jours de l'attaque de la ville par les forces de Moscou, "nous étions ici, sous le feu, pendant plus de deux semaines. C'était tellement effrayant que je ne veux même pas y repenser. Nous avons dû partir, quitter la maison. Nous ne pouvions même pas imaginer que cela puisse arriver", raconte-t-elle.

Yuriy Lototskyi, un électricien de 60 ans, se dit soulagé "de ne plus être bombardé", et espère "que tout ira pour le mieux, que nous serons en mesure de défendre notre territoire et de remettre la Russie à sa place".

"Je pense que grâce à l'aide des pays occidentaux, nous gagnerons, parce que notre esprit est fort, nous avons juste besoin d'aide avec des armes", ajoute-t-il.

Près de 700 km à l'est de Boutcha, Kramatorsk a aussi enterré ses morts. Cette ville du Donbass est située tout près du front et de Bakhmout, tenue par les Ukrainiens et épicentre des combats avec les Russes depuis des mois.

Sous un ciel gris, Mykhaïlo Sikirine a été enterré dans un cercueil aux couleurs jaune et bleu de l'Ukraine.

Membre de la Garde nationale, le soldat a été tué à 30 ans lors d'un bombardement alors qu'il se trouvait dans une tranchée le 18 février, à Chipilovka, dans la région de Lougansk.

"Il est mort pour l'indépendance et la souveraineté de l'Ukraine", déclare le prêtre au pied de la tombe: "C'est le plus grand sacrifice auquel tout homme aspire", ajoute-t-il.

A l'unisson, trois camarades du soldat inhumé tirent alors en l'air chacun trois coups de feu.

"C'est grâce aux actes de ces soldats que nous sommes ici en sécurité et en vie", déclare le prêtre, en regardant les drapeaux ukrainiens flotter au-dessus de 21 autres tombes creusées dans un récent cimetière.

le Vendredi 24 Février 2023 à 04:39 | Lu 243 fois